Max prit des notes dans son calepin, interrogea le commis, des témoins, des clients, visionna la bande vidéo de l'hôtel, obtint la description du suspect, fit des appels et se préparait à quitter la scène, épuisé, quand son cellulaire se mit à sonner : c'était la belle Libanaise qu'il avait rencontrée plus tôt. Il avait l'estomac de travers et la queue un peu à terre, mais la voix chaude et caressante de Noura ranima la flamme en lui, pour le moins qu'on puisse dire. Il accepta son invitation à venir prendre un verre chez elle et héla un autre taxi. Il se rendit d'abord chez lui, s'aspergea le visage d'eau froide en essayant d'oublier la scène horrible dont il avait été témoin, mis des vêtements secs, se parfuma, prit quelques condoms et sauta dans sa Mustang noire. La nuit ne faisait que commencer.
La sublime mécanique fendait l'air telle une lame acérée. La cadence implacable des pistons réduisait à néant toute velléité de résistance. Max, comme une tête chercheuse, se dirigeait droit sur sa cible, dépassant, doublant, coupant les véhicules anonymes en route pour la fête nuptiale du samedi soir. Cecilia défilait sur la route, le rappelant à lui-même, se mettant en travers du chemin, le narguant sur sa mine, ses vêtements dépareillés, choisis au hasard, pour la convenance d'une nuit probablement trop torride, trop fugitive, pour survivre à ses propres débordements. L'exaltation et l'ivresse suivaient leur cours, se potentialisaient à mesure, les cheveux dans le vent, nostalgique, déchirant sous les néons le voile de l'obscurité. Max appuyait sur l'accélérateur pour échapper à l'angoisse, échapper à Cecilia, échapper à la nausée, échapper à l'Ombre qui planait sur sa tête, le surplombait, menaçait de piquer pour le vider de son sang, de sa substance, lui voler son âme mutilée par la violence tyrannique du désir. Max aimait boire à la coupe du vice, ne pouvait s'y soustraire, ne pouvait y résister, haletant sans force sur l'autel de Vénus, victime de sa queue en constante érection.
La mustang noire tourna sur la rue St-Germain dans Hochelaga et se gara. Il aperçut derrière le rideau d'une fenêtre l'ombre d'une silhouette furtive : c'est l'appartement de Noura. Il monte les marches, la porte s'ouvre, le visage de Noura s'illumine : elle l'attendait, le voulait, juste pour elle. Il l'embrasse tendrement et traverse le portique, la musique jazz remplit le salon d'une atmosphère de complicité. Le saxophone retentit dans l'immensité de la nuit brûlante, rejoignant et unissant les solitudes les plus éprouvées. Elle offre un verre de porto à Max et se dirige vers la cuisine; leurs regards se croisent un instant avec une certaine langueur. Il observe les toiles magnifiques, détendu, rêveur, et tout en poursuivant la conversation, rejoint Noura à la cuisine, parcourant du regard la courbe de ses cuisses, qui, sous le toucher de ses doigts caressants, s'entrouvrent, chaudes et humides.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire