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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 31 mars 2021

Le ménage du printemps

Il est très difficile pour moi de faire ce travail: lire mon énorme blog et décider de ce que je garde et de ce que je ne garde pas.

Je me rends compte que j'ai beaucoup changé depuis le temps où j'étais très actif sur mon blog à raconter ma vie et mes mésaventures. Je ne corresponds plus du tout à ce dont je parle la plupart du temps. Mon passé semble appartenir à une autre personne.

Je me suis amusé à écrire des choses embarrassantes pour moi aujourd'hui. En même temps, je tenais à cette époque à sortir tout cela de moi en l'écrivant. Je voulais qu'il en reste quelque chose, pour ne pas que je croie un jour que j'ai halluciné tout ça, toute cette souffrance. Il fallait que je relate tout le plus possible dans les moindres détails, au moment même où mes souvenirs commençaient sérieusement à s'effacer.

J'avoue qu'avec le temps, on oublie tout. La mémoire efface, détruit, remplace par du neuf. Elle mélange les époques, invente même des faux souvenirs. Même aujourd'hui, j'ai beaucoup de difficulté à me situer dans le temps. J'ai l'impression d'être encore jeune, mais quand je reviens sur ma lourde histoire, et que je constate les changements radicaux, je me sens âgé et fatigué. Je me sens en même temps complètement différent, et tous ces textes ne collent plus à moi, même ceux pour lesquels je sais que j'ai exagéré, afin de piquer la curiosité de mes lecteurs, et booster mon auditoire.

Je n'ai plus envie de cela. Jouer sur le côté scandaleux, polémique, inusité des choses. Comme tout le monde, j'aimais bien avoir de l'attention, mais en réalité je dois admettre que faute d'un bon psychologue, l'écriture m'en tenait lieu.

Je me rends compte aujourd'hui, et je n'y avais jamais cru, que les rapports familiaux distordus avec mes parents ont créé des problèmes dans ma relation aux autres, et dans mon mental. Les rejets que j'ai vécus de la part de mes parents, le manque de soutien, les comportements narcissiques à mon endroit, voire méchants, le manque d'encouragements, tout cela a contribué à mon manque d'estime en moi-même et au déraillement de mes émotions et de ma psyché. Tout ça ne pouvait que me fucker intérieurement.

J'ai été très chanceux de réussir à me tirer de ce merdier émotionnel, car j'ai quand même tenté de me suicider 2 fois dans ma vingtaine.

Oui, j'avais auparavant de la difficulté à accepter les rejets, mais aujourd'hui je ne tiens plus à une relation amoureuse à tout prix. Je crois que j'ai assez donné, et je sais en même temps que mon mental n'est pas normal. Aussi, depuis que je me suis rendu compte des motifs souvent très égoïstes et égocentrés de l'amour, ma libido a beaucoup diminué. Oui, les êtres humains vraiment bons, et qui aime vraiment l'autre personne pour ce qu'elle est, sont vraiment rares. Oui, l'«amour» est souvent plutôt une sorte d'attrape pour soutirer un avantage d'autrui, et c'est à qui sera le plus mou et crédule émotionnellement. C'est un jeu de pouvoir, autant sexuel qu'émotionnel, et je ne désire plus être mêlé à ces jeux tordus des gens «normaux». Je crois aussi que les jeux sadomasochistes, auxquels s'intéressaient d'ailleurs Michel Foucault et Sartre, en révèlent beaucoup sur la nature profondément détraquée de l'être humain, et la nature réelle des rapports soi-disant «amoureux», qui servent à dissimuler ces jeux de pouvoir pour l'attention, l'affection, la satisfaction sexuelle, et parfois même l'argent ou le prestige. Avec le temps, ces motifs viennent à sortir de terre comme des ossements compromettants et paraissent au grand jour. Les motifs réels qui motivent les individus viennent à nous sauter en plein visage. Oui, presque tout le monde aujourd'hui a des choses à régler avec son passé avant de se lancer dans une relation amoureuse honnête et équilibrée. Mon père et ma mère avaient eux aussi leurs problèmes non-réglés, et j'ai hérité en quelque sorte de leurs problèmes.

Je crois qu'il serait préférable d'effacer un bon paquet de mes textes, même si j'y ai consacré beaucoup de temps et d'effort, et que ça va me faire mal au cœur. Disons que ça m'aura servi de pratique pour écrire de meilleurs textes, et plus valables.

Je vais aller vivre seul, faire ma petite vie, écrire si possible, et rester seul avec mon chien. Je n'ai plus l'intention de me consacrer à une relation, car je n'ai plus vraiment de désir sexuel, ni de besoin d'aimer, ni même d'envie. Je n'ai plus d'envie depuis que je sais que les couples «heureux», les riches, ou même ceux qui réussissent à enfin avoir ce qu'ils veulent professionnellement dans la vie, ne sont pas plus heureux que les autres, et que c'est même souvent le contraire.

J'ai atteint en quelque sorte ce que je recherchais depuis longtemps: ne plus rien avoir qui dérange mes émotions et ma conscience, et pouvoir ainsi me consacrer entièrement à mes recherches, quelles soient en philosophie ou autre.

L'être humain ne peut pas être «satisfait», rongé qu'il est par un vide intérieur permanent, mais s'il comprend cela, il a une chance de se sentir libéré en quelque sorte.

lundi 29 mars 2021

Le système de l'avenir

La relation des citoyens par rapport à l'État n'est pas semblable à celle qui existe entre les employés et l'employeur.

Nous ne pouvons donc pas penser l'État sur le modèle de l'entreprise. L'État, ou le gouvernement, n'a rien d'une entreprise qui gère ses citoyens comme de bons petits employés.

Si on jette un coup d'œil dans le rétroviseur de l'histoire, on se rend compte qu'au début du 20e siècle des menaces politiques et sociales apparaissent à l'horizon.

Les trois pires menaces sont le fascisme, le nazisme, et le socialisme bolchévique. Les trois tendances politiques sont totalitaires, au sens où le politique comprend une prise de décision radicale sur toutes les sphères de la vie: art, science, etc.

Nous aurions pu nous demander pourquoi ces pays n'ont tout simplement pas opté pour le système démocratique libéral, mais il faut dire que pour ceux-ci, ce système n'était pas toujours une option.

Aussi insensé que cela puisse paraître aujourd'hui, on a qualifié des œuvres d'art comme étant de l'«art juif», des romans comme étant de la «littérature juive», et des hypothèses ou des résultats scientifiques comme étant de la «science bolchévique».

Lorsqu'on étudie la progression du nazisme, par exemple, on se rend compte qu'il était possible de le fonder sur une doctrine raciste comme Hitler l'a fait dans Mein Kampf, précisément parce que les recherches sur lesquelles elle se fondait provenaient de théoriciens racialistes comme Gobineau ou Chamberlain. Comme aujourd'hui nous savons que ces théories ne sont que des élucubrations pseudo-scientifiques, il serait impossible de vouloir fonder à nouveau un système politique sur des théories de ce genre.

Il y a donc un progrès dans la conception de l'être humain lorsqu'on réussit à invalider et neutraliser des conceptions mal fondées sur lesquelles des racistes s'appuyaient, et parfois aussi des gens ordinaires qui n'étaient pas de prime abord racistes, mais qui se laissaient entraîner et influencer par ces fausses conceptions.

Il y a donc un progrès de la base vers le sommet.

De même, un État socialiste bolchévique serait aujourd'hui impossible, à part ceux existants déjà, qui sont d'inspiration bolchévique, mais qui sont quand même relativement différents en sol asiatique. Le socialisme de Cuba est un cas à part.

C'est donc un changement dans la conscience collective, même si au niveau individuel il y a parfois des retards.

C'est la raison pour laquelle un changement dans les lois, les mœurs, la façon de vivre, la justice, l'économie, provient majoritairement de la base, mais rarement d'en haut.

Pour obtenir de grands changements, il faut donc plutôt miser sur les individus que sur les politiciens. Les manifestations indiquent que la société est prête à croître, est prête pour un changement.

Le problème aujourd'hui, dans un monde de plus en plus complexe, c'est que souvent nous ne savons pas dans quel sens changer, quels choix faire.

Il y a un mal-être dans les sociétés démocratiques libérales, mais nous ne voyons pas de système de rechange.

Ce système, encore inconnu de nous, doit passer par des idéaux sociaux, culturels, hédonistes, écologiques, de recherche scientifique, des idéaux aussi de justice et de liberté.

Pour faire une meilleure société, il faut d'abord faire de meilleurs individus.

Dans cette nouvelle société, il faut faire en sorte que les gens aient grandement envie de se voir, au lieu d'avoir envie de se casser la gueule, comme dans les milieux de travail actuels.

Il faut trouver le moyen de libérer le plus possible les gens du travail avec l'automatisation, l'intelligence artificielle et le magasinage en ligne. Il faut construire plus d'universités, abolir les frais scolaires, et fermer des prisons. L'endettement des particuliers pour avoir voulu s'instruire est stupide et dissuasif. Il faudrait, au contraire, valoriser et promouvoir l'éducation supérieure gratuite, et éliminer le contingentement.

Il faut que le logement et la nourriture soient garantis pour tous au moyen d'un revenu de base universel. Il faut que la vie sous le seuil de la pauvreté et la mendicité soient chose du passé.

Il faut que la richesse soit redistribuée, et que ceux qui ne travaillent que pour leur profit personnel soient plus redistribués que les autres.

Il faut traquer l'évasion fiscale au niveau international, et punir les fautifs avec des travaux forcés, et non la prison ou des amendes, car ces derniers ne sont pas assez dissuasifs.

Il faut que les drogues et la prostitution soient entièrement décriminalisées et légalisées, afin que tout ce beau monde paie aussi de l'impôt et soit enfin admis comme citoyens à part entière, au lieu d'en faire une sous-classe qu'on va judiciariser et qui va coûter encore plus cher à la société. Ce qu'on appelle le «crime organisé» est en partie généré par nos lois rétrogrades basées sur la morale catholique.

Il faut donner le droit de vote à 15 ans. Il faut faire une plus grande place aux jeunes dans la société et leur permettre d'être actifs pour le changement très tôt dans leur vie. Il faut de même faire une plus grande place aux femmes et aux minorités sexuelles dans tous les domaines.

Il faut valoriser le «choix personnel» des gens de mener leur vie comme ils l'entendent, dans les limites de l'équité et du respect d'autrui.

Il faut faire en sorte que la liberté de parole et d'opinion devienne vraiment «libre», car en ce moment, personne n'est vraiment libre de dire ce qu'il pense à visage découvert sous peine de perdre ses moyens de subsistance, ce qui est très dissuasif pour l'avancement de la vérité, et génère de l'autocensure de masse.

Voilà seulement quelques idées jetées pêle-mêle pour un système de l'avenir, j'y reviendrai dans un autre article.

Défoncer les normes




Je trouve chez Zizek une sorte de «caution» pour mes propos sur divers sujets, dont la vie en société, le désir, le bonheur, l'ego, la sexualité, etc.

C'est l'unique raison pour laquelle je présente ici ce penseur connu. Parce qu'autrement, je présente le même genre de contenu dans mon blog, mais souvent de façon plus intuitive que «théorique», c'est-à-dire, non appuyé par des références dans divers domaines. Je ne tiens pas non plus à être l'analyseur et le présentateur permanent des pensées des autres.

Selon moi, on ne peut pas être un véritable philosophe si on ne s'intéresse pas à tous les sujets. Un véritable philosophe doit être capable de parler de tout sans éprouver d'embarras, et c'est ce que j'aime de Zizek. Il doit aussi être capable de «se salir les mains», pas dans le sens de commettre des actes violents, mais dans le sens d'une participation directe, et non seulement intellectuelle et distante, au sujet dont il parle.

Autrement dit, le philosophe doit se mêler au monde, et à la matière brute, et j'ai toujours pensé ainsi, d'aussi loin que je me souvienne, même bien avant mes études en philosophie à l'Université. Je ne suis pas un penseur en veston cravate, et ne le serai jamais.

Contrairement à plusieurs qui sont dans le domaine, je ne crois pas que les biens matériels, le statut professionnel ou l'apparence m'apporteront un «plus» de crédibilité.

Je crois que ce que les gens veulent inconsciemment, ce n'est pas que l'on cède à leur désir que l'on se conforme aux normes, mais qu'on défonce les normes.

samedi 27 mars 2021

You owe me, bitch!

Mon éducation élitiste me pose parfois des problèmes dans des situations pourtant assez ordinaires de la vie. Comme dans les situations où il y a des files d'attente...

J'ai déjà écrit un article sur un incident du genre, que je trouve assez drôle aujourd'hui (oui, je me trouve drôle). Je décide donc de reparler d'un incident semblable qui s'est passé récemment, puisque j'en ris encore. Je me dis en me le rappelant: Hey cré Mack, té fou dans tête!

Je devais aller à l'hôpital chaque semaine pour des prises de sang, j'étais donc un peu tanné de me faire dire quoi faire partout où j'allais. Quand on arrive à l'entrée de l'hôpital, il y a une porte avec un écriteau qui indique que c'est l'entrée des employés. Si on est un patient, il faut alors faire un petit détour par le côté droit qui passe sous l'abri Tempo, et ce petit détour m'énervait, je trouvais ce matin-là que c'était une sorte d'injustice.

Il y a donc deux «couloirs» mis en place par l'hôpital, pour ne pas que les employés se mélangent aux patients et ralentissent les opérations. Dans le couloir des employés, les employés passent donc beaucoup plus rapidement sans se faire poser de questions.

Puisque ce jour-là je n'avais pas envie de faire un détour, j'ai décidé de passer drette par la porte des employés, au pire je me disais que j'allais pouvoir passer par-dessus quelque chose une fois en dedans pour revenir dans la ligne des patients, mais non! le transfert était impossible.

J'ai donc continué dans la mauvaise voie et là je me préparais à affronter la madame du kiosque des employés devant moi. Quand je suis arrivé devant elle, j'étais dans mon attitude You owe me, bitch!, elle me demande: êtes-vous un employé? Je lui dis «non».

Elle me dit: vous n'êtes pas dans la bonne ligne et en plus vous n'avez pas de masque! Je lui réponds: ben c'est parce que j'attends que vous m'en donniez un! (You owe me, bitch!) Alors, elle m'a donné un masque tout en continuant de chialer... Je lui ai dit que je venais ici à chaque semaine, elle m'a répondu: et en plus vous le savez, puisque vous venez à chaque semaine!

Je lui ai dit que je me suis trompé de ligne, et c'est tout, et je me suis dépêché de mettre le gel désinfectant sur mes mains, me préparant à fuir...

Et voilà qu'elle m'intimait de faire le tour au complet pour revenir passer devant l'autre kiosque dans la ligne des patients. Or, de l'autre côté, il y avait effectivement du monde, que j'avais pas vu, contrairement à mon côté, et les gens commençaient à me regarder croche quand ils ont vu que je refusais d'obtempérer. Ça ne m'impressionnait pas, puisque j'avais déjà coupé 200 personnes dans une ligne de bus. Elle essayait de rameuter tout l'hôpital contre moi en gueulant fort. Elle tenait vraiment à me punir, elle devenait hystérique en voyant que je ne pliais pas.

À l'autre kiosque, c'était un agent de sécurité qui s'occupait de donner les masques aux patients entrants, il devait remplacer une employée en pause, et il marmonnait des choses dans son masque en me dévisageant pour que je fasse le tour, mais moi, voyant qu'il était pogné à poser 10 000 questions aux patients qui arrivaient devant lui, j'ai réalisé que j'avais une fenêtre de 2 secondes pour flyer.

J'ai dit à la madame: mais pourquoi faire le tour, je suis déjà ici! Elle fulminait. La fumée lui sortait par les oreilles. 

J'ai regardé vaguement de l'autre côté, les patients me regardaient avec des gros yeux comme pour me dire Y va pas le faire, le tabarnak!, l'agent de sécurité ne se levait pas de son cul, y avait personne d'autre qui réagissait, j'ai regardé la madame et je me suis repoutcher les mains avec le gel en lui disant: Tiens!

Je lui ai tourné le dos et suis parti rapidement en espérant que personne ne viendrait me rattraper. Elle continuait à gueuler en arrière...

Quand je suis revenu de ma prise de sang par contre, j'étais un peu gêné de repasser devant la même madame, et je ne voulais pas risquer qu'un type de la sécurité m'accoste, alors j'ai trouvé une porte de sortie au deuxième étage et je me suis rendu à l'arrêt de bus.

Oui, j'avais eu un peu chaud.

L'air frais me faisait du bien.

Une autre fois, après cet événement, j'allais encore au même hôpital pour des prises de sang. J'avais très faim. Je savais que la cafétéria était très probablement ouverte, alors je suis tombé sur la même madame au kiosque (du bon côté cette fois) et je lui ai demandé si la cafétéria était ouverte, juste pour être sûr. En fait, j'avais l'intention d'y aller avant même ma prise de sang. Je faisais mon sympathique, en espérant qu'elle ne me reconnaîtrait pas.

Mais la voilà qui me dit: Non, elle n'est pas ouverte. Je lui réponds: mais elle était ouverte la semaine passée? Elle dit: oui, elle l'est encore, mais je vous conseille de ne pas y aller à cause des dangers avec le virus, c'est réservé pour les employés. J'ai acquiescé, et je suis donc allé directement par le chemin de gauche à ma prise de sang, vu qu'il n'y avait pas moyen que j'aille à la cafétéria sans qu'elle s'en aperçoive, puisque je devais continuer tout droit pour y aller.

Après ma prise de sang, je suis allé à la cafétéria en passant par le deuxième étage, et j'ai bien mangé. En revenant de là, je n'avais pas le choix de repasser devant le kiosque de la madame, et je ne voulais pas qu'elle voie que je revenais de la cafétéria, je pouvais pas vraiment m'en cacher. 

J'avais peur qu'elle me dise avec un air moralisateur: Tiens, vous y êtes allé quand même! Alors je suis arrivé discrètement derrière elle, en faisant comme si je ne la voyais pas, mais juste comme elle allait me voir, je crois qu'elle a fait semblant de ne pas me voir, et s'est occupé plutôt du patient qu'elle avait devant elle et qui attendant pour avoir son masque.

Je me suis donc faufilé vers la sortie, sauvé de la gêne, et rassasié.

J'ai plusieurs histoires du genre dans mon sac. Et quand j'y pense aujourd'hui, ça me fait tout le temps rire. Mais je me dis en même temps que c'est ce genre d'incident qui parle le plus sur mon caractère parfois «irrévérencieux». Et ça met du piquant dans ma vie, et dans la vie des autres!

Au fond, je rends service aux gens en les faisant chier, je les désennuie de leur mortelle routine qui les acheminera directement au cancer!

Je les tiens en vie!

Détester donne un peu de pep, non?

Je dois être un sauveur de l'humanité...

Oui, ok, je me donne souvent du trouble pour rien... Mais des fois, je peux juste pas y résister! Assez, c'est assez!

La vie est courte, amusons-nous un peu.

You owe me, bitch!

jeudi 25 mars 2021

Mon père qui est au ciel

Mon père est décédé il y a de cela déjà plusieurs années, mais pour moi le deuil ne s'est pas encore fait. Aujourd'hui encore, c'est pour moi comme s'il était seulement disparu. Et plus le temps passe, plus j'ai le sentiment qu'on m'a volé mon père, et une bonne partie de ma vie, ce qui alimente toujours plus ma rage intérieure, et mon besoin de démolir toutes les idoles, ces parasites de haute volée auxquelles les gens se soumettent si facilement et sans véritable examen.

Ironiquement, la leçon la plus importante que je retiens de mon père, c'est de ne jamais se soumettre ou obéir aveuglément à aucune autorité, autrement dit, qu'il faut toujours penser par soi-même et soumettre absolument tout à la critique dans le combat pour le bien, la vérité et la liberté, chose qu'il n'a pas toujours faite jusqu'au bout. Il a en quelque sorte forgé les armes dont il aurait eu besoin, à travers son fils.

Mon père était très grand et mince, roux, intelligent et ouvert d'esprit, c'était un bel homme empreint de tact et de discrétion. Il a marqué certaines femmes, et je crois qu'il avait quelque chose de spécial, qu'on pourrait appeler une «belle naïveté», et dont j'ai hérité, mais qui m'a coûté cher dans la vie. D'après le peu que j'ai connu de lui, je crois que c'était un homme de conviction; il avait un besoin irrésistible de croire en quelque chose. Il avait un fort caractère, mais le tempérait beaucoup; dans certaines rares situations, il était capable de se mettre en furie. Il était foncièrement honnête, véridique, optimiste et philanthrope: il voulait du bien aux hommes en général, à l'humanité, et cherchait les moyens d'en faire. C'est pourquoi, je suppose, il tempérait beaucoup cette capacité en lui qu'il avait à devenir explosif.

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de lui de ma jeunesse, seulement quelques impressions et photos. Si j'ai deux reproches généraux à lui faire, c'est sa relative froideur et son entêtement. Son côté affectif n'était pas démonstratif, il était réservé. Disons que la réserve et le sérieux sont des traits de personnalité prégnants dans la famille du côté de mon père, où on trouve une sorte de talent pour l'enseignement, qui aurait très avantageusement bénéficié d'un équilibre par le sport et le développement de l'esprit d'équipe. Du côté de ma mère, ils étaient plus expansifs, plus décontractés, moins intellectuels, et moi, j'étais pris entre les deux. C'est par comparaison entre les deux familles que les différences me sont apparues.

Je peux dire, contrairement à moi, que mon père n'aimait pas les animaux. Je crois que la perception qu'il en avait, malheureusement erronée, était cartésienne: il les voyait comme des genres de machines non douées de conscience. Mon père était très cartésien et rationnel sur bien des points, peut-être trop. Il ne se permettait aucun écart, aucune exagération; il ne consommait de l'alcool qu'avec modération, ne s'enivrait jamais, ne fumait pas, ne prenait aucune drogue, pas même de café, essayait le plus possible de manger bien, surtout des aliments frais et naturels. Il avait d'ailleurs toutes sortes de lubies de régimes et de vitamines, et il croyait à tout cela. Il était un scientiste convaincu, et croyait aussi que l'épanouissement sexuel libérait le cerveau. Mais si c'était vraiment le cas, toutes les stars du porno seraient des génies.

Je suis sur bien des points l'antithèse de mon père, autant par le caractère que par les idées ou les émotions.

J'ai hérité cependant de sa grandeur, sa complexion rousse, son entêtement, sa rationalité, sa froideur, et de son côté explosif. Je suis une combinaison de traits et d'intérêts contradictoires, à cause des différences d'avec ma mère. Pour les différences d'avec mon père, j'aime les animaux, je suis expressif et émotif, j'ai été longtemps timide et renfermé, et j'en ai souffert beaucoup, je manque parfois de diplomatie, je suis mélancolique, pessimiste, souvent trop sérieux, je m'emporte facilement, studieux, je remets tout en question, explorateur, téméraire, et je n'accepte pratiquement aucune autorité, même spirituelle, je suis joueur, et je suis capable d'excès de toutes sortes.

Les rapports entre mon père et moi se sont aggravés assez tôt. À l'école secondaire ça n'allait pas toujours bien, je consommais des drogues, je buvais, je m'accoutrais en punk ou en rocker délinquant, j'écoutais du metal à connotation satanique, je faisais n'importe quoi. Je volais, je faisais des mauvais coups, j'étais méchant avec les personnes et les animaux, j'étais un petit crisse. Oui, j'étais pas endurable. J'ai fini par doubler mon secondaire 4 à cause de mes mauvaises notes. J'ai quitté l'école avant l'hiver, et puis, j'ai commencé à travailler. J'ai beaucoup aimé cette période de ma vie. Je me levais à 4h du matin pour passer les journaux sur les deux îles où j'habitais, et ensuite, j'allais en bicycle aux serres Charbonneau à Ste-Dorothée pour arroser les plantes à 6h du matin. Ensuite j'avais toute la journée pour moi, j'essayais de lire le Globe and Mail dans mon lit, journal que j'avais parfois en trop.

Mon père était je crois déçu de moi, mais je ne m'en apercevais pas à l'époque. Le fait de m'éloigner de mes mauvaises fréquentations à l'école m'avait fait du bien. À l'été, deux femmes de France sont venues nous rendre visite. J'avais 16 ans. Elles faisaient partie de la secte ufologique auquel mon père adhérait depuis mon enfance et qui prônait, entres autres, la liberté sexuelle. Mon père pensait se taper (ou retaper?) la plus belle des deux, une femme de 26 ans, mais comble de surprise, elle était plutôt intéressée par moi. Mon père a donc laissé aller les choses, et je lui en suis reconnaissant. Elle a été finalement le premier véritable amour de ma vie, j'ai fini par coucher avec elle dans le lit de mon père, alors que lui dormait sur le canapé. D'une certaine façon, mon père était un peu obligé d'accepter cet état de choses, puisque dans la secte, on prônait que la jalousie était mal, etc. Cependant, j'ai découvert plus tard que mon père éprouvait ces émotions comme tout le monde, mais les taisait au-dedans de lui. J'étais stupéfait quand j'ai fait cette découverte pour le moins dissonante. Cela me signalait qu'il y avait quelque chose de faux dans cette croyance de mon père.

J'ai senti personnellement qu'à partir de ce moment les choses se sont corsées. Quand les choses ont mal tourné pour moi au cégep, et que mon père voyait que je n'aboutissais à rien, que j'avais fait le tour des sciences pures, de la psychologie et finalement, de la littérature, il m'a foutu dehors. Il m'a trouvé une chambre à Montréal dans un bloc appartenant à un membre de la secte, à Ville-Émard. Immédiatement, je suis tombé sur l'aide sociale, et j'ai coulé à pic. J'étais coupé de ma vie à Laval, j'étais dépressif, suicidaire, je volais pour me permettre des petites gâteries, bref, j'en ai beaucoup voulu à mon père d'avoir été aussi radical. Je ne pouvais pas poursuivre des études quelconques, et il voyait que ça n'allait pas du tout, mais ne faisait rien pour m'aider. Je n'avais pas droit aux prêts et bourses pour aller à l'université non plus, parce que mon père gagnait trop. Je n'ai jamais pu remettre les pieds chez mon père, et puis, quelques années plus tard, il est parti aux États-Unis, là où son gourou, le Grand Salaud, l'attendait dorénavant.

Je n'ai pas beaucoup connu sa vie après cette époque. Je l'ai peut-être vu 2 fois en personne à Montréal, on s'est écrit de rares courriels, il semblait de plus en plus enfoncé dans sa secte, et moi j'essayais de le convaincre que ce n'était qu'une fumisterie, mais il ne voulait rien savoir. Mon père n'était pas ouvert à la véritable discussion. Et si j'ai un autre reproche à lui faire, c'est de ne pas s'être intéressé à ce qui m'intéressait quand j'étais au cégep, c'est-à-dire, à la philosophie. Non, sa secte lui servait plutôt de prêt-à-penser, et il rejetait toute la philosophie, sans distinction. Pour lui, ce à quoi je m'intéressais, c'était de la merde, c'était une perte de temps, et il le montrait; il aurait préféré que je devienne un genre de scientifique ou je ne sais quoi. Il aurait préféré que je devienne l'ingénieur qu'il n'a jamais pu être.

D'ailleurs, après mon échec en secondaire 4, quand je suis revenu l'année d'après, j'étais le meilleur de classe en mathématique. J'aidais même la classe enrichie sur l'heure du midi en mathématique. Mais je travaillais fort, j'étudiais tard la nuit, je faisais tous les problèmes, même ceux qu'on ne nous demandait pas de résoudre, autrement dit, j'étais passionné. J'étais donc capable de devenir un scientifique comme il l'aurait voulu, mais j'avais une pulsion contradictoire plus forte en moi qui me poussait vers l'argumentation, la philosophie. Je n'ai pas perdu ce talent pour les mathématiques, alors qu'il y a seulement 5 ans environ, j'ai été, à ma grande surprise, le meilleur score des 2 classes de Macroéconomie à l'Université dans le travail d'équipe le plus important du cours. Malheureusement (ou heureusement?) pour moi, des conflits internes à mon équipe ont fait tout chavirer et je me suis retrouvé seul. La plupart des équipes étaient composées de 4 ou 5 membres, certaines avaient des mathématiciens, des ingénieurs dans leur équipe. Je me disais qu'il était impossible que je compétitionne avec eux, surtout que je ne savais plus comment calculer. Alors, je suis allé à des classes de récupération, et ma détermination a fait que j'ai gagné sur tout le monde. Je n'ai jamais reçu aucune félicitation de personne, et personne non plus ne s'est demandé comment j'avais fait pour réaliser un tel exploit. Dans ces situations, je n'ai toujours trouvé que l'envie et la détestation générale, ce qui en révèle assez long sur la nature humaine. On ne se fait définitivement pas beaucoup d'amis quand on se montre plus brillant que les autres, et c'est pourquoi en démocratie, où tous se considèrent comme des «égaux», on valorise tant la normalité et même la stupidité.

C'était tellement incroyable, car il devait y avoir 100 personnes dans les 2 classes, que le professeur, qui ne m'aimait pas, m'a trouvé des erreurs imaginaires, que j'ai immédiatement relevées. Après ces corrections, qu'il a dû faire à son bureau, j'étais premier dans les 2 classes. La même chose m'est arrivée au cégep. J'avais un résumé à faire d'un livre de 500 pages en 10 pages max. C'était Moll Flanders de Daniel Defoe, un excellent livre. J'en ai fait le résumé en partie sur mon bol de toilette tellement je trouvais ça facile. Armé d'un surligneur jaune, j'ai fait un résumé tellement impeccable, que la professeure ne m'a pas remis ma copie: elle voulait me voir après le cours. Elle disait qu'elle ne croyait pas que c'était moi qui avais fait ce résumé, et voulait attendre de voir mes autres travaux avant de me donner la note de 100%. Malheureusement, elle n'en a pas eu la chance, car j'ai quitté le cégep peu après.

L'adhésion de mon père à cette secte, dont j'ai longtemps aussi fait partie, est un fait marquant dans ma vie. J'ai longtemps dû me battre pour enfin arriver à voir la vérité. Car il est indéniable que les soucoupes volantes existent, ainsi que les extra-terrestres, et il est aussi possible qu'ils soient à l'origine de la vie sur Terre, mais il ne faut jamais oublier que les «possibles» restent des «possibles» seulement, et que nous n'avons aucune autre preuve que leur présence. De là à affirmer qu'un homme qui se prétend être leur «envoyé» est véritablement ce qu'il prétend être, il y a une grosse marge. Une conjonction de «plausibilités» non plus n'est jamais une preuve irréfutable. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas fonder ma vie sur cette croyance, parce que ça ne reste effectivement qu'une croyance, et parmi tant d'autres, basée sur des plausibles seulement, et rien de plus.

Si je dois fonder ma vie sur quelque chose, ce ne pourra être que sur des certitudes. Une secte qui exige plus que de seulement être sympathique à ses suppositions demande à être investiguée en profondeur afin de trouver de réelles preuves de ce qu'elle avance. Dans le cas de la secte de mon père, c'est très facile de prouver que ce n'est qu'un tissu de mensonges et de plagiats, prenant appui sur la Bible, qui est elle-même un des plus épouvantables tissus de mensonges et de fabulations bimillénaires. Que le gourou de cette secte n'est qu'un homme d'affaire qui prospère dans le racket des soucoupes volantes et la «belle naïveté» des personnes de bonne volonté. Il y en a d'ailleurs plein d'autres comme lui qui font leur argent sur le dos des gens qui portent leurs espoirs sur ces engins du ciel. 

Malheureusement, personne ne connaît la vérité sur nos origines. Les petits bonshommes verts dans le ciel n'en connaissent peut-être pas plus long que nous non plus. Qui peut vraiment se targuer de savoir?

Même quand je dis que je sens des forces invisibles derrière moi, est-ce que ça me force à adhérer à une religion? et laquelle? Et quel lien ces forces auraient-elles avec une quelconque religion? Il n'y a absolument aucun lien. S'il y a des forces, il y en a, et c'est tout. Même les pouvoirs de Frère André, s'il en avait vraiment, n'auraient aucun lien avec la religion chrétienne, et seraient encore moins une preuve que la religion chrétienne est vraie, ou que Dieu existe. Il n'y a pas de lien entre tous ces phénomènes. Il n'y a que des phénomènes, qui semblent connectés, mais qui sont sans lien, un peu comme dans le darwinisme, et les théories farfelues des physiciens actuellement en vogue.

J'aurais espéré une réconciliation avec mon père avant sa mort. J'aurais aimé l'aimer, l'apprécier davantage, lui montrer de quoi je suis capable, mais sa dureté de cœur et son obstination l'ont empêché de voir tout ça, et de comprendre que la vie, parfois, ne dure pas aussi longtemps qu'on aurait pu l'espérer. J'aime croire que mon père n'était pas sans émotion, et que ce sont ses idées élitistes, ses croyances hâtives qui mettaient un voile entre lui et les autres. Un peu comme John Lennon, qui voulait sauver le monde en chantant la paix, mais qui n'était même pas capable de sauver ses propres enfants, perdu qu'il était dans des idées générales, et au fond, illusoires.

Sur ce point, j'ai beaucoup différé de mon père, en ne voulant pas sauver les hommes en général, l'humanité, mais en essayant seulement, et simplement, de sauver un seul homme, une seule personne, et pourquoi pas, un seul animal? Il vaut la peine de voir si c'est possible, et de voir à quel point c'est difficile. S'il est si difficile de sauver ou même d'aider une seule personne, comment peut-on prétendre pouvoir sauver toute l'humanité, tous les hommes? C'est ce à quoi j'ai été confronté assez tôt dans ma vingtaine, étant trop pauvre pour me payer le luxe d'aimer les hommes en général.

J'aurais aimé qu'il puisse remettre en question ses croyances et changer d'idée, mais à ce qu'il semble, il était blindé intellectuellement et émotionnellement contre ce genre de changement radical, préférant réserver le changement aux autres. Des génies reconnus comme Bobby Fischer sont tombés dans les mêmes travers, mais en sont revenus; la croyance n'est définitivement pas une question d'intelligence. Finalement, je suis un peu comme un extra-terrestre dans ma propre famille, et c'est en moi qu'il aurait dû croire, au lieu des petits bonshommes verts qu'il n'a jamais vus de ses propres yeux.

Adieu à mon père qui est au ciel.

mardi 23 mars 2021

Est-il possible de vivre sans État?

Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la politique, pour la simple et bonne raison que je trouvais cela ennuyant, mais vraiment ennuyant.

Le souvenir marquant que j'en ai de ma jeunesse, c'est des hommes gris, en habits gris, dans des nuages de fumée grise et triste, prêts à se battre, enragés, mais qui pourtant ne se battent pas, des hommes qui essaient de convaincre, qui argumentent, qui répliquent, se défendent, accusent, demandent, attendent qu'on leur donne je ne sais quoi, la souveraineté?

Cette «attitude», cette stance ou cet état d'être de mendicité, de disposition de corps mais surtout d'esprit, ne m'intéressait pas, me causait même un mal-être intérieur me prédisposant à la haine. Haine que je sentais d'ailleurs utile à ces politiciens emmerdeurs. Oui, en ce sens, j'ai toujours cordialement détesté la politique.

Qu'on ne vienne pas me dire que je ne m'intéresse pas à la chose publique ou au bien public, au contraire. Mais je ne m'y intéresserai pas à la façon de ces connards-là.

Si au Québec on veut avoir la souveraineté, va falloir arrêter de demander et aller la chercher nous-mêmes, autrement dit la prendre

Oui, la souveraineté veut se faire prendre, par nous, les Québécois, et non enlever par eux, les Canadiens. Je parle ici aux vrais hommes et aux vraies femmes honnêtes, et non aux partisans filous des demi-mesures.

Pour ma part, je ne sais pas encore si c'est la bonne chose à faire au final, mais je suis ouvert à cette expérience nouvelle. Je dis qu'un peuple doit se tenir debout, de toute sa grandeur, car nous sommes un grand peuple, nous, les Québécois, et nous rayonnons de par le monde par notre excellence.

Voilà pour le discours édifiant, positif et radieux.

Cela dit, on ne se débarrasse pas d'un État en faisant la souveraineté.

Il faudrait peut-être rappeler ici l'appétit d'ogre de cette entité qu'on appelle «État».

Ce qu'on considère aujourd'hui comme «allant de soi», n'existait pas auparavant.

Le simple bon sens suggère qu'un peuple sans État est impossible. Comme le simple bon sens suggérait avant les frères Wright, qu'un avion étant plus lourd que l'air, ne pourrait jamais voler.

Selon Zweig, dans son livre «Le Monde d'hier», les passeports sont des nouveautés d'après la Première Guerre mondiale. Les impôts aussi n'ont pas toujours existé.

Si on porte attention à ce fait, on se rend compte qu'à chaque nouveau conflit dans l'histoire, on s'enfonce toujours plus dans l'appareil étatique et la dépendance envers lui.

En Chine même, il n'y avait pas de police. Si on voulait déplacer ses marchandises précieuses, on employait des hommes versés dans les arts martiaux. Aujourd'hui, on court-circuite tout cela: on ne montre pas aux citoyens comment se défendre, on donne un pistolet à un homme en uniforme, et on s'en remet à lui pour notre sécurité. Nous devenons donc ainsi tous dépendants envers les services policiers, et indirectement par ce moyen, envers l'État. À chacun sa spécialité, toujours aliénante de la «spécialité» des autres. C'est peut-être là un restant de platonisme.

Ce n'est qu'un exemple des dépendances factices que nous développons. 

L'État est-il vraiment une nécessité, ou un mauvais pli que nous avons pris collectivement?

Il n'y a qu'à regarder ce qui s'est passé en Russie lors de la révolution russe pour comprendre que c'est de cette façon, précisément, que des bandits qui se font passer pour des apôtres du bien collectif et de la liberté prennent le contrôle des forces armées, de la police, de la population et du pouvoir, au nom d'une idée qui était à la base légitime, émancipante et juste, mais qui n'avait désormais plus cours, et dont on enfermait les véritables représentants, les «anarchistes», en prison, pour ensuite les exterminer. C'est de cette étoffe que sont faits les Lénine et les Staline de ce monde, et les politiciens en général, toujours occupés à diaboliser les véritables héritiers.

Ils gueulent haut et fort ce que tout le monde veut entendre, et puis, une fois rendus au pouvoir, on doit attendre que cette idée se réalise, et ça n'arrive jamais. On réalise alors qu'on s'est fait avoir sur toute la ligne, mais il est trop tard: tous les pouvoirs sont entre les mains de ces hypocrites usurpateurs de la liberté, et notre situation est encore pire qu'auparavant, puisque nous sommes maintenant les prisonniers d'un capitalisme d'État, de surcroît totalitaire. C'est cette erreur qu'on ne doit pas essayer de reproduire ici ou ailleurs.

Le «marxisme» a tellement marqué les esprits au fer rouge, qu'il est impossible aujourd'hui de vouloir un retour à une politique même vaguement inspirée de Marx. Pourtant, je suis persuadé que plusieurs des idées de Marx pourraient être exploitables. Cependant, je n'irai pas plus loin dans cette direction, car c'est un penseur que je connais encore peu.

Ce qui me saute au visage aujourd'hui, avec une évidence fulgurante, c'est que les valeurs de notre monde actuel sont croulantes, mortes depuis longtemps. Oui, nous avons affaire à des arbres qui se tiennent encore debout, mais qui sont creux à l'intérieur, et qui n'attendent qu'une petite poussée collective pour s'effondrer. Les valeurs dans lesquels nous sommes encore engagés collectivement, sont obsolètes depuis plusieurs décennies. En fait, ces valeurs sont tellement inopérantes, qu'elles sont devenues hyperréelles, puisque tout le monde continue d'agir en conformité avec elles, alors que chaque personne prise individuellement n'y croit plus vraiment. Ce sont des valeurs en trompe-l'œil, comme un faux hibou sur un toit, destiné à imposer le respect aux naïfs oiseaux.

En fait, le monde dans lequel nous évoluons progresse tellement rapidement, que oui, nous sommes en retard sur nous-mêmes. Je ne dis pas qu'il faut balancer la technologie par-dessus bord, au contraire, mais il ne faut pas qu'elle serve à tuer notre liberté. Je crois que mettre des caméras partout ainsi que des systèmes de surveillance, qu'ils soient informatiques ou autres, est une voie fausse, une voie vers un possible grand enfermement d'où aucun cri revendicateur d'une liberté désormais disparue, ne pourrait sortir, jamais.

Mais tous ces tournants vers plus de technologie aliénante, plus de surveillance, plus de «sécurité», sont-ils vraiment nécessaires? Quand l'idée vient des politiciens, ça ressemble beaucoup à un racket de protection. Les comploteurs provoquent des attaques, dans le style du 9/11, et ensuite arrivent pour nous proposer des solutions mondiales onéreuses, et franchement, inutiles et stupides, et accusent ironiquement de «partisans de la théorie du complot» les citoyens qui sentent à bon droit anguille sous roche. Nous n'avons pas le choix alors d'acquiescer docilement aux mesures de sécurité, et nous sommes tous collectivement désarmés devant un tel cynisme. Tout cela pour la majorité semble d'ailleurs provenir du meilleur bon sens. Penser autrement serait considéré comme criminel et irresponsable.

Oui mes amis, ça fait tellement longtemps qu'on nous joue dans la tête, qu'on nous brasse le yogourt entre les deux oreilles, qu'on ne s'en souvient même plus, et pire encore, qu'on trouve ça bon et normal.

Oui, l'heure est à la philosophie, à la pensée critique concrète. L'heure est à la remise en question de toutes les évidences, de toutes les certitudes, de toutes les bouées de sauvetage auxquelles nous nous sommes accrochés, et qu'avec le temps, nous avons mises autour de notre cou, et dont nous avons impérativement besoin de nous débarrasser si nous voulons continuer à avancer.

Je dis qu'il est possible de vivre sans État, mais que pour cela, nous devons d'abord changer notre état mental.

La question est complexe et je devrai y revenir éventuellement dans d'autres articles.

dimanche 21 mars 2021

Le visible et l'invisible

J'écoutais l'autre jour un documentaire sur l'attaque des tours du World Trade Center, et un homme y parlait de son histoire cette journée-là.

L'avion avait percuté la tour à peu près au milieu je crois, et lui était au-dessus de l'impact, donc tout ce qu'il y avait sous son étage était inaccessible en grande partie, puisque l'avion avait détruit les cages d'ascenseur et tous les escaliers de secours, sauf un.

Lorsqu'il a tenté de descendre, les corridors étaient remplis de fumée et il allait prendre l'escalier le plus près de lui (il y en avait 3), mais il a senti une main se poser sur son épaule qui lui indiquait de prendre un autre escalier plus loin.

Il s'est avéré que cet escalier était le seul encore en fonction, et que lui et une autre personne qu'il a réussi à sauver des décombres sur son étage, faisaient maintenant partie des 4 survivants qui se trouvaient au-dessus de l'impact. La tour s'est effondrée peu après.

Je crois à ce témoignage. 

Et j'y crois parce qu'il y a d'autres témoignages de personnes qui disent qu'ils avaient senti à l'avance que quelque chose de grave allait se passer sous peu. Des personnes ordinaires avaient soudainement des visions d'avions et de feu, et un artiste a même peint une toile sur ce thème quelques jours avant les attaques.

Et je crois à ces derniers témoignages parce que des pressentiments de mort imminente ou de catastrophe imminente sont arrivés à de nombreuses personnes dans l'histoire.

Comment une telle chose est-elle possible?

Comment des phénomènes importants peuvent-ils être «dans l'air» avant même qu'ils se produisent?

Ce sont des phénomènes que nous n'arrivons pas encore à comprendre. Avant de sauter à des conclusions rapides et de dire que c'est des esprits, des anges, ou même Dieu qui interviennent, il faudrait se demander s'il ne serait pas possible d'expliquer ces phénomènes autrement.

Mais premièrement deux questions s'imposent: savons-nous réellement ce que nous sommes, et connaissons-nous réellement la nature du monde dans lequel nous sommes?

Il est possible que nous nous fourvoyions complètement dans l'interprétation de ce que nous sommes, ainsi que dans notre interprétation de ce que le monde est réellement, et ceci pourrait expliquer pourquoi nous n'arrivons pas à comprendre ces phénomènes.

Pouvons-nous dire aujourd'hui que des hommes du Moyen-Âge avaient une perception réaliste d'eux-mêmes et du monde par rapport à ce que nous savons aujourd'hui sur nous-mêmes et le monde? Évidemment, non.

Il est donc possible que nous nous trompions complètement aujourd'hui sur tout ce que nous croyons vrai à propos de nous-mêmes et du monde.

Notre interprétation et notre vision des choses sont limitées par notre degré d'avancement scientifique, et de la connaissance en général.

S'en remettre à des choses que nous ne comprenons pas, et que nous refusons même d'essayer de comprendre, c'est baisser les bras et s'en remettre à la superstition et à des explications faciles sur tout, autrement dit, c'est signer la mort de la raison et de l'intelligence.

Cette voie est un retour en arrière, et je refuse de la prendre.

J'ai été moi-même directement témoin de phénomènes inexplicables à plusieurs reprises dans ma vie. Comme entendre les paroles exactes que quelqu'un allait dire juste avant de les dire, ou sentir le regard de quelqu'un au loin derrière une fenêtre dans l'ombre et que je ne peux voir qu'avec peine et me disant d'arrêter de toucher à son camion, ou encore de voir un objet inconnu à l'avance juste avant que je le découvre, ou même de deviner les couleurs de la chambre d'une demoiselle inconnue en Nouvelle-Zélande seulement en jasant avec elle sur Facebook.

Je crois à la télépathie entre les êtres vivants, mais je crois aujourd'hui qu'une forme de télépathie est possible aussi avec les objets, ou par l'intermédiaire d'objets.

Je pourrais apporter d'autres exemples, et nous sommes pour la plupart je crois, tous témoins de ces phénomènes, mais nous en sommes souvent inconscients, ou à peine conscients. Pour ma part, certains de ces phénomènes passent près d'être oubliés immédiatement après leur apparition, puisqu'ils sont très rapides, momentanés, qu'ils effleurent pourrait-on dire la conscience, et que de plus, nous ne savons pas vraiment quoi en faire, et que nous les attribuons alors tout simplement au hasard ou à une force mystérieuse que nous appelons la «chance».

Dans mon cas, tous ces phénomènes se sont produits dans un état de «rêverie», d'attention non-dirigée qu'on pourrait appeler péjorativement «distraction», ou même parfois dans le rêve.

Il est important de rêvasser, mais surtout, de prendre conscience par la suite de ce que nous avons perçu dans cet état de rêverie, et des associations qui se sont faites «par elle-même», et c'est ce qui est le plus difficile. Car il est difficile de s'abandonner à la rêverie et d'avoir en même temps l'intention soudaine de reprendre le contrôle. De plus, les rêveries ne sont pas toujours fertiles en prémonitions ou autres, et ces «bénéfices» ne sont pas non plus disponibles sur commande, contrairement à ce que pensent les croyants de la plupart des grandes religions d'aujourd'hui. Implorer Dieu ou les esprits, ou quoi que ce soit ayant un pouvoir surnaturel, de nous donner une bonne récolte, ou de retrouver une personne disparue, etc., n'est pas possible. 

Je ne dis pas qu'un résultat positif soit éventuellement possible, mais dans mon cas, et à ce qu'il semble dans le cas de bien d'autres personnes, comme les voyants entres autres, cela n'est pas possible.

Le «don» n'est pas toujours là.

Il est besoin d'une sorte d'«abandon» à l'invisible, donc d'une suspension de la volonté consciente et intentionnelle.

Il y a des choses qui apparaissent dans la conscience qui proviennent de la conscience, mais d'autres qui n'en proviennent pas mais passent pour être de nous. La distinction est bien souvent pratiquement impossible à faire.

Pour faire une analogie bien de notre époque, disons que notre esprit est un peu comme un téléviseur: celui-ci capte des postes, mais s'il pouvait capter des postes d'autres planètes ou d'autres mondes, celui-ci ne pourrait pas les distinguer des postes qu'il capte sur la Terre, parce qu'ils apparaissent sur le même téléviseur.

Nous ne sommes pas loin ici du paradigme de l'Allégorie de la caverne de Platon, reprise de nombreuses fois dans les temps modernes sous différentes formes dans des romans, des idées philosophiques (les «cerveaux dans une cuve» de Putnam) ou des films comme La Matrice.

Certains physiciens d'aujourd'hui remettent en question l'existence du temps, et disent que la perception du temps est une illusion, et qu'il n'y a, par conséquent, pas réellement de passé, de présent et de futur.

Boèce a dit: Total simul: tout est simultané. Comment cela peut-il être possible? Pour ma part, je ne comprends pas cette dernière affirmation, mais je reste quand même ouvert à sa possibilité.

Avec le recul, je repense à certaines choses qui me sont arrivées après avoir mis les mains sur le tombeau de Frère André. J'ai eu par la suite un rêve bref dans lequel il apparaissait avec 2 livres, en me proposant tacitement de faire un choix: un très gros livre massif qu'il appelait le «Livre des hommes», et un petit livre compact qu'il appelait le «Livre de Dieu». Le choix évident s'imposait à moi.

C'est ce qui a commandé mon idée d'écrire «Le Pouvoir du Vide», un petit livre compact, qui essaie de s'inspirer de cette vision. Je ne dis pas que je suis un inspiré de Dieu, mais je crois que s'il avait à écrire un livre, il serait bref, compact, parfois difficile à saisir et très profond, d'une profonde beauté, et au plus haut point efficace, sinon l'efficacité même.

Je n'ai sûrement pas réussi à capter dans ce livre toute l'essence de ce que pourrait penser Dieu, mais mon modèle est là, et je vais tenter à nouveau, et inlassablement, de me rapprocher toujours plus de ce qu'il aurait pu écrire aux hommes.

Je crois que des forces invisibles sont derrière moi, et m'appuieront éventuellement dans ce projet d'unification des hommes autour d'une vérité essentielle.

Pour terminer, voici un texte prémonitoire que j'ai écrit en 2009: https://unjournalsansfin.blogspot.com/2009/08/recycler-le-neant.html

Dans ce texte, je parle de la rencontre avec une personne dans le métro de Montréal. Je parle aussi de moi-même qui tient une porte, ce qui me fait penser au Frère André qui a été longtemps simple portier. Bref, pas longtemps après avoir écrit cet article, et c'est ce qui m'a permis de faire le lien, j'ai pris le métro et arrivé à une certaine station, une fille est entrée et s'est assise directement devant moi. 

Immédiatement, elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a demandé si je m'appelais untel (le pseudo que j'utilisais à l'époque sur un autre blogue qui n'existe plus comme tel), et je lui ai répondu par l'affirmative. Sur le coup, je n'ai pas réalisé l'improbabilité de ce qui se passait. De plus, je ne me souviens pas d'avoir mis sur mon blogue une photo complète de mon visage, mais seulement la moitié, pendant un court laps de temps.

Je suis sorti du wagon à la station suivante je crois, puisque nous n'avons pas eu le temps de nous parler. Dans ma vie, il ne m'est pas arrivé souvent de croiser des personnes que je connais dans le métro de Montréal, et la plupart du temps, il est très rare aussi qu'on y revoie 2 fois les mêmes personnes. J'en ai déduit que cette rencontre avait quelque chose de mystérieux.

Est-ce que j'ai provoqué inconsciemment cette rencontre à tout le moins non fructueuse? Ou est-ce que je l'ai perçue à l'avance à travers une sorte de voile?

Je n'ai pas de réponse à cet événement encore aujourd'hui, mais je reste davantage ouvert et attentif à ce que j'écris, en lien avec ce qui se passe autour de moi.

samedi 20 mars 2021

Le sens de la vie

La question du sens de la vie, et aujourd'hui j'en suis toujours plus persuadé, est vraiment centrale dans la philosophie.

C'est probablement l'unique question qui vaille la peine, et le plus grand défi.

Je dois toujours travailler à résoudre cette question, et même si je suis dans l'impossibilité d'y répondre clairement, je dois y apporter des approximations, des éléments de réponse, voire ambigus ou contradictoires.

Même si certains philosophes comme Nozick s'en sont moqués, l'essai doit être tenté de répondre à cette question folle du sens de la vie, car si on peut y répondre, on peut répondre à toutes les questions.

La philosophie est, selon moi, tout entière dans cette quête.

Anarchiste sans le savoir

J'écoutais un peu plus tôt un documentaire sur l'anarchisme. Je suis tombé dessus par hasard. J'ai été étonné de la vitalité de ce courant à des époques antérieures, de son influence, et éventuellement de son massacre par les forces en place.

Quand je relie mes textes, soit sur ce blogue, soit sur d'autres, je me rends compte que je suis depuis toujours un anarchiste.

L'unité de ma pensée est beaucoup plus facile à saisir quand on part de ce principe. Même moi-même j'arrive à mieux me comprendre seulement que maintenant.

Je sais que j'ai critiqué ailleurs l'anarchisme en disant que c'était utopique, voire impossible, mais il reste que je suis anarchiste. J'ai toujours été non-conventionnel à plusieurs niveaux. 

Être anarchiste n'est pas une option politique, c'est une façon d'être.

Je ne sais pas si l'anarchisme pourrait être un jour réalisé, et si nous pourrions vraiment tous vivre sans États, mais ce n'est pas impossible. Peut-être que la technologie nous permettra d'y atteindre.

Je ne crois pas que l'anarchie soit possible sans une technologie très avancée qui nous libérera d'abord du travail et du besoin.

Mais il ne faut pas compter sur elle seule pour nous y mener, il faut que l'anarchiste oriente la technologie dans cette direction.

Il faut qu'il se serve de la technologie pour nous libérer, au lieu de nous faire prisonniers d'elle et du système en place.

Il faut comprendre certaines organisations «criminelles» comme des mouvances anarchistes, des tentatives de renverser l'ordre.

Les hackers font partie de cette mouvance.

Les révolutionnaires ayant été matés concrètement et éliminés, c'est maintenant au niveau virtuel que la lutte se poursuit le plus intensément pour la liberté et la gratuité.

J'ai toujours vu les forces anarchistes comme des forces de désordre, mais se peut-il que ce soit nous qui sommes dans l'erreur depuis le début?

Que si nous rencontrons tant de forces d'opposition, c'est parce que nous nous éloignons toujours plus de notre nature profonde, de ce qui est réellement bien pour nous?

Après deux ou trois siècles fondés sur la Raison, peut-être serait-il temps de prêter un peu l'oreille à la Folie en nous.

Le sentiment aigu d'exister et la réification

 Il m'arrive quelquefois en pleine nuit d'avoir le «sentiment aigu d'exister».

Je ne peux pas dire que c'est une impression indescriptible, car je vais faire de mon mieux pour en parler, même si ce n'est pas la même chose que de le vivre.

Quand j'éprouve le «sentiment aigu d'exister», qui peut arriver en plein jour, mais qui marque davantage en pleine nuit, je suis tout simplement terrorisé par ma propre existence.

Je me sens alors «situé», comme pourrait dire un certain Sartre, c'est-à-dire, situé dans une «situation», ce qu'est le temps, l'espace, ma peau, ma mort à venir.

Je me sens «emprisonné» dans mon corps, dans ma vie, et simultanément, je sens que je ne colle à rien. Je me sens en quelque sorte «condamné», condamné à vivre, condamné à souffrir, condamné à mourir, mais en tant qu'autre, mais à la fois comme intensément moi-même.

Je sens que rien n'y peut rien changer. Je sens que toute ma vie, ma présence, sont contingents, que j'aurais pu ne jamais exister, ou être tout autrement, par exemple avec une apparence différente, un autre métier, un autre pays, une autre langue, ou même que j'aurais pu être dans une autre époque, ou encore sur une autre planète.

Je sens que j'existe, et que ma mort est «imminente» (je me sens presque de l'autre côté). Je sens aussi que j'existe depuis peu, et je vois défiler toute ma vie depuis mon enfance. Je perçois le court laps de temps qui m'est imparti pour vivre, et je sens que je n'ai rien fait, et que je n'aurai pas le temps non plus de rien faire. C'est paniquant en quelque sorte. Une frayeur m'envahit, et j'ai l'impression alors d'être dans un moment «critique», voire dangereux.

Je ne peux pas dire que ce genre d'expérience soit entièrement négatif. Il en ressort peut-être un bien dont je ne mesure pas la portée.

Lorsque la frayeur passe, qu'on pourrait appeler une sorte d'«angoisse existentielle», il n'en reste cependant plus rien. Enfin, c'est ce que je crois.

Par contraste, l'attitude opposée qui consiste à s'instrumentaliser au service d'une cause, ou de quoi que ce soit, ce peut être un travail, un métier, une fonction, est une réification de soi-même, un devenir «chose». On endosse alors tout ce qui colle à soi.

On se fait «chose» pour échapper à sa finitude, mais aussi à son infinitude.

Cette attitude est courante pourrait-on dire, et donc assez banale.

Cependant, ce n'est pas parce que cette attitude est courante qu'elle est bonne ou saine.

La réification de soi-même est en quelque sorte une exigence dans de nombreuses situations. Elle est inévitable. 

Mais est-elle bonne?

Personnellement, je ne crois pas.

Car si je me réifie moi-même, c'est-à-dire que je me sers de moi-même comme d'un «moyen», et que je m'oublie comme «fin» (pourrait dire Kant), je suis enclin à exiger la même attitude des autres, et je suis aussi enclin à les traiter comme je me traite moi-même: c'est-à-dire comme un moyen.

Or on sait que cette attitude est inhumaine.

Je ne peux jamais me servir des autres comme d'un moyen pour parvenir à mes fins personnelles en laissant l'être humain derrière, mais c'est pourtant ce que nous faisons dans le capitalisme. L'employeur ne réifie peut-être pas lui-même l'employé, parce que nous ne sommes pas en régime esclavagiste, mais l'employé par contre n'a pas le choix de se réifier lui-même pour «correspondre» à ce qu'on attend de lui, ou à ce que la «vocation» qu'il a choisie attend de lui.

On pourrait appeler cela de l'autoaliénation, ou encore, du «professionnalisme».

Et cette attitude est opposée au sentiment aigu d'exister, parce qu'autant cette dernière attitude est terrorisante et effrayante, autant la première est rassurante et anesthésiante.