Je suis sorti sur le balcon hier soir dans la nuit, étonné de voir qu'il pleuvait autant. J'avais froid, je grelottais, mais tout me semblait plus réel subitement. J'entendais le bruit de l'eau qui coulait des toitures, par gouttes, par flots, c'était une petite symphonie qui me rendait nostalgique. La ruelle était déserte, les hélices installées un peu partout dans les jardins tournaient rapidement, de rares lumières chez les voisins, la nuit était sombre. J'étais seul, là, à trembler comme un cave, obstiné, les bras repliés sous les aisselles pour me réchauffer, et je regardais la merveille de ce monde se révéler à moi, cette beauté qui me reste habituellement cachée.
Je suis seul, face à cette brique rouge . On dira qu'elle est banale, laide, etc., mais ce soir, dans mon unicité inexplicable, où je suis seul contemplant toutes les choses de ce mini-univers, rien n'est banal, tout rayonne dans son pourquoi. Ce que j'ai devant moi, je ne l'ai que pour un temps sous mes yeux, ma mort m'enlèvera tout; ainsi, tout devient précieux, même un banal sac de vidanges ou un brin d'herbe, ou encore une goutte d'eau qui tombe d'un toit. Seulement le fait de pouvoir regarder devient précieux, à moi qui dois mourir dans un instant ou dans cent ans. J'ai la chance de pouvoir regarder ce sac, cette brique, cette ruelle, et c'est moi qui regarde, un moi évanescent, disparaissant...
Ce monde, même dans ses formes les plus aliénées, est beau, parce que c'est mon monde. Un monde à la beauté cachée et farouche. Nous faisons partie de ce tout, nous l'utilisons, mais nous le contemplons rarement. Nous prenons rarement le temps de faire une pause dans nos tâches quotidiennes, de faire une percée hors de notre univers mental habituel, trop connu, et nous nous empêchons ainsi de puiser dans sa richesse réelle, gratuite et inutilisable.
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