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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 juin 2009

La belle qui ne voulait se donner à personne

J'ai eu la chance de sentir l'odeur des champs lorsque j'étais jeune. J'aurais passé ma vie dans ces champs, mais à un certain moment j'ai oublié leur odeur. Tout maintenant est asphalté et bétonné. La maison de mon enfance est entourée de rues, le champ a disparu.

Nous n'avons jamais ce que nous voulons quand nous le voulons; c'est toujours après, trop tard, toujours trop tard, si tard qu'on s'est fatigué de le vouloir, et voilà qu'arrive ce qu'on voulait, mais ça nous laisse maintenant complètement indifférent.

Il y a une femme dans la cinquantaine qui m'intéresse, mais ça va être drôlement dur de l'avoir. Une autre cause perdue d'avance. Elle a un accent français, elle est belle, paraît cultivée, et surtout un brin retapée, question d'ajouter une corde de plus à l'arc de mes perversions. Je la vois souvent dans le voisinage. Je l'ai accosté au magasin, aucune étincelle. Elle doit penser qu'il est impossible que je m'intéresse à elle, car je n'ai même pas l'air d'avoir trente ans; elle ne fait que parler avec des hommes de son âge au café, sauf une fois où je l'ai vu parler avec un homme dans la trentaine (un compétiteur!). Il y a un vieux beau qui s'intéresse à elle, probablement un ancien culturiste, un vrai bouledogue; il m'a vu la regarder un peu longtemps, depuis ce temps il m'en veut, un méchant épais. Il me regarde avec des yeux durs, semble faire des commentaires sur moi à distance; sa haine envers moi est palpable : je menace de lui enlever sa poule! Bien sûr, je suis un jeune loup; mais la belle en question ne veut se donner à personne. Il m'arrive encore de la croiser quelques fois, elle marche toujours seule.

Madeleine m'a transmis le virus de l'implosion. Je suis saturé de tout, je me coucherais pour l'éternité. Je semble en pleine implosion de forces depuis des mois. Je me retire, je me sens tiré de l'arrière. Et je n'ai souvent pas les forces pour me rendre compte d'une telle baisse d'énergie. Je me suis court-circuité. Le médecin m'a diagnostiqué une dépression et tient à ce que je prenne des médicaments; il me dit qu'il n'y a rien à faire et que ça ne passera pas. J'ai refusé. Je lui ai dit que j'allais m'en sortir seul, avec du gym, du bronzage, des vitamines... et des poules. Je sais que je suis dans le pétrin, mais je ne peux rien faire pour y remédier, le corps ne répond plus. Je n'ai même pas la force de me suicider; de toute façon, c'est hors de question de repenser à cela. Je suis un survivant, un résistant, et je n'ai pas fait tout ce chemin pour me suicider. Surtout, je dois prendre soin de mon ex qui est malade, de mes chats et de mes cours à l'université. J'ai pris ma queue dans le miroir comme Mark Wahlberg dans le film cheesy Boogie Nights, et je me suis dit avec un air sérieux affecté, cette queue-là, elle va en fourrer des nounnes! J'ai élaboré un plan de sorties systématique dans les bars, question de remonter mon orgueil de mâle, et ma feuille de scores. Mon inspiration : le sorcier yaki Don Juan Matus (Castaneda) sur l'esprit du chasseur, du guerrier, et le chamanisme. Je dois faire quelque chose, je dois réalimenter la machine, briser le cercle. Pour cela, je dois me réhabituer à vivre, faire comme s'il ne s'était rien passé, oublier, tourner la page définitivement. Pour cela, je dois baiser à mort.

Le film « The Notebook » (dans lequel l'acteur principal est une réplique exacte de moi quand j'avais 25 ans) m'a écoeuré de l'amour romantique traditionnel; quelque chose cloche dans cet amour-là. Cette forme d'amour ne correspond plus à la réalité mouvante d'aujourd'hui. Malgré tout, il se formera toujours des couples d'amoureux romantiques à l'ancienne. On ne décide pas toujours de ces choses-là.

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