Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 juin 2009

Un billet pour partir en douce

Le temps file à toute allure et je n'ai jamais le temps de me relire; je lis, j'écris et ça glisse, tout est toujours remis à plus tard, dans un coin de tiroir, de bureau ou de chambre. Je reporte sans cesse mon projet d'écrire un livre, mais finalement j'écris toujours et il ne dépend que de moi d'être un réservoir inépuisable d'expériences vécues.

Inspiré par Thomas Bernhard. Terminé Béton. J'aime son style, et surtout le fait qu'il n'y a pas d'intrigue. Il nous tient en haleine comme un thriller. La mort est toujours d'entrée de jeu présente dans ses romans sous la forme du deuil, ou du suicide, et il y a aussi le thème récurrent de la soeur méchante.

Il faut être presque idiot aujourd'hui pour croire qu'un ancien ami, une ancienne rencontre veulent de vos nouvelles. Vous avez été jeté, par conséquent oublié. Et être oublié aujourd'hui signifie qu'on a même oublié qu'on vous a oublié, donc vous êtes doublement oublié. Il faut avoir un trop grand coeur pour penser à ces gens-là, une trop grande mémoire pour se souvenir des bons moments passés ensemble. J'en ai plein qui m'ont oublié, probablement parce que je ne servais plus leurs fins. La plupart des gens ne valent même pas qu'on leur adresse la parole, ni même que l'on se souvienne d'eux. Une fois utilisés, il faut vite les jeter comme une marchandise qui n'est plus bonne à rien.

Oui, le temps passe vite. Mais ces gens semblent toujours regarder en avant, jamais en arrière. Comprendre la vie ne les intéresse pas. Ils vivent, c'est tout, comme les plantes, les animaux, et puis s'en vont, ils passent. Oui, ils passent comme les nuages au-dessus de ma tête. Moi je suis toujours ici, et je les regarde passer en direction de nulle part. J'essaie de leur demander où ils vont, mais ils ne me répondent pas, et ils ne le peuvent. Ces gens n'existent pas, ils sont morts nés, et je crois que dans ma vie je n'ai rencontré plus ou moins que des morts nés.

J'ai rappelé un de mes anciens amis au téléphone, c'est confirmé : il est définitivement mort. Je voyais la tendance au fil des années s'accentuer, et puis voilà, c'est fait, il marine dans son confort et sa sécurité et ne fait que radoter des conneries apaisantes. Il me parle de son gazon, de sa grosse bagnole, de sa grosse cabane, de sa blonde, de son frère, de la blonde de son frère, de ses maux de dos, de la météo, de sport, d'anecdotes mille fois entendues...

Il ne veut plus rien savoir du changement, des idées, il n'y a plus aucune trace d'intelligence, plus d'étincelle, et je ne rencontre qu'un mur d'inertie et de bêtise, caractéristique des matérialistes, comme le sont ses parents. Il dort au gaz, profondément, et il est trop tard pour se réveiller, il le sait, il le sent. Il ne lui reste donc qu'à s'accrocher à son argent et souhaiter de partir en douce le moment venu, sans heurts, sans trop souffrir, comme un acteur qui quitte la scène, comme un salaud.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire