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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 juin 2009

La chip frustrée

J'ai perdu mon emploi hier, de façon un peu inopinée, car je devais travailler encore deux semaines et puis après foutre le camp. Mais comme le café où je travaillais, c'est des trous du cul, ils m'ont fait un coup de cochon et m'ont congédié avant, sans m'avertir. Depuis quelques mois, j'étais devenu l'homme à abattre dans ce café; je voulais me faire congédier, mais eux, ils ne le voulaient pas. À force de faire des crises, ils ont bien fini par comprendre que ça ne se passerait pas comme ça, et que j'étais carrément devenu fou. Après ma brise de bec au téléphone avec la gérante, car elle ne voulait pas me donner ma semaine d'avis, je suis allé faire un tour au salon de bronzage, question de me détendre un peu et de reprendre du poil de la bête.

J'ai pris un 10 minutes dans l'Ultra, puis je me suis étendu tout nu dans la machine, en relaxant. La machine ne me semblait pas marcher trop fort, je me suis dit, tu vois, t'as encore de ton ancien bronzage, ta peau absorbe bien les rayons, té en santé, etc. Et puis je suis sorti de la machine, je suis retourné en direction de la maison; en passant devant le IGA, où ils n'ont jamais de figues ni de bonnes dattes de ces temps-ci, j'ai eu envie de me prendre un pot de Häagen-Dazs, Dulche de Leche, alors j'ai bifurqué. Comme d'habitude, lorsque je vais au marché pour prendre quelque chose, j'achète plein de choses, sauf celle pour laquelle j'étais rentré en premier lieu. J'ai acheté de la laitue frisée, des pilons de poulet, de l'aneth (que j'adore), 3 sauces barbecue (en cas), 2 boîtes de dattes d'Iran (que j'aime moins que celles de la Californie, mais qui de ces temps-ci, ne sont pas mangeables) et puis, en passant devant le rayon des bières (je suis toujours épaté par la créativité du Québec en matière de bière), j'ai décidé d'essayer une bière à l'hibiscus, en croyant peut-être retrouver le goût de la blanche de Vobiscum Dominus (de Charlevoix), qui est ma préférée et qui me manque tant.

Arrivé à la maison, j'ai mis ma bière sur le balcon, puis j'ai commencé à sentir les effets du bronzage. J'étais rouge comme une tomate. Là je me suis dit, t'as pas de notion de temps câlisse, ça fait sûrement 2 mois que té pas allé, etc. J'étais croustillant comme une chip. En plus, je n'aimais pas ma bière à l'hibiscus; j'aurais dû prendre une bière pour homme, comme j'aime d'habitude, telle la India Pale Ale des Maîtres-Brasseurs. Alors, je bois ma bière, frustré, croustillant comme une chip, tapant à l'ordinateur, et la bière me fait un mauvais effet : je buzz mal et je saoul plus vite, en plus du mauvais goût. Quelque chose d'étrange s'est alors produit : je me suis mis à écouter du Julio Iglesias et à brailler. Ben oui! Moi aussi il m'arrive d'être sentimental! Le problème, c'est que normalement j'écoute du death metal, alors vous comprendrez que quelque chose de bizarre se produisait. Était-ce la bière? ou le bronzage? ou les deux? I don't know.

Quand ma blonde est arrivée du travail elle m'a appelé la chip, et puis ensuite elle m'a dit que j'avais reçu un coup de soleil sur la tête, comme d'habitude (ha ha ha), et que ça faisait la 2e fois que je me brûlais en 3 mois, etc., (c'est elle qui me beurre toujours de crème) et que j'étais un vampire parce que je n'avais aucune notion du temps... Seulement, lui ai-je répondu, l'hiver où j'étais brun comme un étron, je ne prenais jamais moins que 10 minutes, des fois 12, des fois 15, alors laisse le temps à mon égo mâle de s'habituer à être maintenant une peau sensible...

Je me suis levé à 4 heures du matin, car je n'arrivais plus à dormir, croustillant que j'étais dans le lit, pour lire un peu, écouter de la musique, écrire, puis je me suis fait du café. C'est là que j'ai compris quelque chose : je n'ai vraiment aucune notion du temps. Il y a plusieurs années, j'ai joué aux échecs pendant 3 jours non-stop au Café Noir sur Mont-Royal, des parties rapides (5 minutes), et je ne me souviens pas d'en avoir perdu une seule. Le gars, un torontois, était pu capable, ni sa blonde ni son chum; je lui jouais continuellement le gambit Letton, et lui me disait que c'était pas bon et je gagnais toujours. Il ne comprenait pas pourquoi je gagnais. La ronde des heures était stoppée, et je savais que j'arrivais à une nouvelle journée par les travailleurs du matin qui arrivaient pour prendre leur café, et puis plus tard, la gang des joueurs d'échecs qui revenaient pour jouer.

Pendant une de ces parties, je m'en souviendrai toujours, la lassitude m'avait gagné et je prenais conscience du fait que j'étais profondément seul, et que je fuyais cette douleur, cette solitude, ce qui me faisait d'autant plus m'accrocher à mon jeu, et soudainement une chanson de Julio Iglesias s'est mise à jouer (tiens, ce quétaine, pensai-je), et par mon état d'esprit anormalement aiguisé, je me suis concentré sur les paroles de la chanson, et j'ai ressenti la musique avec tout mon être. Je me suis exclamé intérieurement, crisse que c'est bon! Je trouvais que dans sa façon de chanter et dans ses paroles, il était tellement vrai, profond, sincère, et qu'il vivait vraiment l'émotion de la chanson. La chanson a pris fin, puis j'ai continué à jouer comme si rien ne s'était passé, mais j'avais une tempête d'émotions en dedans. J'ai rangé tout ça dans un coin de ma mémoire pendant près de 7 ans (!), en me promettant que j'allais un jour retrouver cette chanson et revivre ce plaisir à nouveau.

Eh bien, c'est seulement hier que j'ai repensé à chercher le titre de cette chanson, et puis je l'ai finalement trouvé, après des heures de recherche, c'est la chanson Il faut toujours un perdant. Cet homme est un véritable phénomène par sa puissance d'évocation (je pense aussi à d'autres artistes connus). Et même si je l'ai écouté involontairement pendant toute ma jeunesse à la radio, les paroles de ses chansons ne pouvaient faire sens pour moi, car je n'étais qu'un jeune garçon, et je ne savais pas encore ce qu'étaient les délices d'une touffe de femme.

Tout ceci m'a amené à la réflexion sur le sens des mots. Les mots ne peuvent prendre leur véritable sens qu'avec l'expérience de la vie. Avant cela, les mots ne sont que des mots. Et Julio m'a fait comprendre cela, et aussi à quel point je suis ridicule et émotif, et beau en même temps, en m'émouvant lorsqu'il chante de sa voix chaude et sensuelle et qu'on dirait qu'il fait l'amour au micro avec ses babines qui miment un cunnilingus. Julio, tu joues avec mon cerveau. Et ma blonde, qui continue de se moquer de moi me lance, té un beau fou! Ben oui, je le sais, je suis beau dans ma folie. Lui aussi il était beau dans sa folie. C'est ça que ça fait l'amour, et surtout, les chansons d'amour. Ça va passer...

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