«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 3 février 2016

Deux tests sur l'être et le paraître

Bien malin qui peut distinguer facilement les deux lorsqu'il s'agit d'êtres humains!

S'il y a une chose dont je me rends compte avec l'expérience, c'est que l'être humain aime «jouer»: il aime se cacher à lui-même, et surtout, aux autres!

Il est très malin aussi pour se cacher la vérité.

Qui peut savoir qu'un tel qui grimpe depuis des années est malheureux et ne le fait que pour devenir «quelqu'un»?

On dirait que la pression pour paraître prospère est plus forte que le besoin d'être vrai.

Et le phénomène Facebook n'aide pas la chose. Comme si la technologie froide qui nous aliène (et qui joue maintenant, en cela, le même rôle que la religion jouait auparavant) nous rendait tous narcissiques.

Je ne sais pas pourquoi ni comment est-ce possible, mais il semble que l'être humain accorde plus d'importance à l'image qu'on lui renvoie de lui de l'extérieur, qu'à comment il se sent de l'intérieur.

C'est peut-être la plus grande preuve que l'être humain n'est pas libre.

Maintenant, le problème, est-ce la société dans laquelle il vit?

Est-ce le système économique?

Est-ce au niveau mondial?

Est-ce un problème de la nature humaine, si nature humaine il y a?

Difficile à savoir...

Mais j'ai deux tests de mon cru pour mesurer le degré de vérité de ce que nous faisons:

1. Le test du seul survivant

Imaginez que vous êtes seul au monde, vraiment SEUL POUR TOUJOURS, il n'y a que vous et les choses, aucun être humain n'existe sur la Terre, sauf vous, la nourriture que vous trouvez ou faites pousser, et les animaux. Le monde est comme si tous les êtres humains l'avaient quitté d'un coup et tout est resté en l'état. Que feriez-vous spontanément comme activité pour vous faire plaisir, en gardant à l'esprit qu'il n'y aura JAMAIS personne pour l'apprécier, par exemple, si vous composez une chanson, vous serez seul pour l'écouter, si vous prenez une photo, vous serez le seul pour la regarder, si vous devenez un brillant mathématicien, il n'y aura personne pour vous reconnaître et vous donner des prix, si vous écrivez un livre, vous en serez le seul lecteur.

Dites, dans ces circonstances, qu'elles sont les choses qui gardent une valeur intrinsèque pour vous. C'est-à-dire, que vous feriez peu importe qu'on vous reconnaisse ou admire, qu'on vous donne des prix ou qu'on vous lise.

Après avoir répondu à cette question, vous prendrez conscience de la dimension SOCIALE de nos actions quotidiennes, et même, de nos plans de vie et de carrière.

Vous prendrez conscience de ce que vous faites davantage pour les AUTRES que pour VOUS et votre satisfaction personnelle.

2. Le test du milliardaire

Imaginez que vous gagnez à la loterie 1 milliard 600 millions, comme cela s'est vu dernièrement aux États-Unis. Quel plan de vie choisirez-vous et que ferez-vous quotidiennement?

Si vous quittez votre emploi avec plaisir et ne voulez plus jamais faire rien qui s'en rapproche, vous travaillez en grande partie pour L'ARGENT.

Il y a 90% de chances que vous choisissiez cette réponse, puisqu’actuellement, selon les sondages, il y a environ 10% des gens sur la planète qui sont heureux au travail. Autrement dit, il y a dans le monde, en ce moment, seulement 10% des gens qui aiment vraiment leur travail.

Et quand on poursuit le raisonnement: si seul ce qui est fait par amour a de la valeur, cela veut dire que 90% de ce que nous faisons ou produisons, en ce moment, n'a AUCUNE VALEUR.

Vous me répondrez que l'éboueur doit bien passer ramasser les vidanges, que cela est nécessaire, mais cela ne donne quand même pas plus de valeur à ce qu'il fait. Un jour, la technologie fera qu'il n'y aura plus aucun sens à ramasser les vidanges comme on le fait aujourd'hui. Il y aura probablement des installations devant chaque domicile et un véhicule robotisé passera devant chez vous pour ramasser son contenu. C'est l'avenir et nous voyons déjà cette possibilité avec Google qui a conçu un véhicule routier capable de circuler partout sans conducteur, tout en transportant des passagers.

Donc, l'argument par la nécessité n'est PAS BON.

En fait, cet argument n'est jamais bon, il ne vient révéler que notre manque d'imagination. C'est cela, le «sens des réalités». Pour ma part, je préfère, et de loin, le «sens des idéalités». Il faut chercher en tout l'idéal, innover mentalement, plutôt que de se ramener toujours à ce qui existe déjà ou à ce qui est «possible» actuellement. Il faut une grande prétention pour se piquer de savoir ce qui est vraiment «possible» aujourd'hui. L'«impossible» finit toujours par arriver quand même.

À l'époque des frères Wright, les gens ne croyaient pas qu'un avion allait réussir à voler un jour. L'argument c'était que ce qui est plus lourd que l'air ne peut se maintenir en l'air, c'est logique non? On se rend compte aujourd'hui à quel point un tel argument était superficiel: il ne dénotait que le manque d'imagination. Tout le monde aujourd'hui vole en avion, et c'en est même rendu un acte banal.

*

Ces deux tests permettent de voir le degré de vérité de votre vie.

Pour ma part, je constate souvent que les gens s'efforcent d'être ce qu'ils veulent qu'on pense d'eux.

Leur volonté de fausseté est indécrottable.

Ils passent leur vie entière à être ce qu'ils ne sont pas... Certains se tannent de jouer à ce jeu et baissent le masque pour devenir «vrais», peu importe ce que cela va leur coûter, d'autres (la plupart) passent leur vie entière dans le paraître, sauf quand ils sont rendus très vieux et que tout part à vau-l'eau.

Mais si on y pense un peu (et il n'est pas question ici de degrés d'intelligence), quand on est rendu en fin de vie, il est un peu tard, il me semble, pour être vrai. C'est plutôt en début de vie qu'on aurait dû l'être, et le rester.

Au bout du compte, la vérité avec soi-même et avec les autres est la vraie mesure du bonheur.

L'envie ne devrait pas avoir sa place.

Si la vérité vous conduit sur l'aide sociale, vous serez pauvre, mais peut-être serez-vous plus heureux que si vous passiez toute votre vie à vivre une vie empruntée, autrement dit, à NE PAS VIVRE.

On ne peut pas être heureux si tout est faux dans notre vie, peu importe qu'on soit riche ou super intelligent ou super talentueux ou super beau.

Vie, vérité, liberté, amour et bonheur sont intimement liés.

Il est vrai que l'argent peut aider à faire le bonheur, surtout dans un monde où presque tout dépend de l'argent.

Mais je crois que les gens ont plus de peur à vivre dans la vérité qu'il y a de risque réel à se retrouver pauvre et misérable parce qu'on a simplement voulu ÊTRE SOI-MÊME.

Bien sûr, dans la vie réelle, on ne pourra jamais vraiment faire abstraction des autres. Par exemple, ce que j'écris en ce moment est définitivement tourné vers les autres, les lecteurs potentiels, mais une chose demeure dans mon action: j'aime écrire, j'aime me lire, j'aime le texte (les traces écrites) parce qu'il m'aide à réfléchir sur moi-même.

Il y a donc beaucoup de satisfaction personnelle dans ce que je fais, sinon, bien sûr, je ne le ferais pas!

Après tout, je ne retire aucun revenu de mon blogue ni aucune véritable reconnaissance dans la vie réelle, puisque je suis anonyme.

Si j'étais seul sur la Terre, j'écrirais dans des calepins pour moi-même; mes écrits seraient comme des aides-mémoires destinés à périr à la fin de ma vie. Le but, en écrivant, serait donc que la matière qui se trouve dans mes écrits se retrouve complètement en moi, assimilée, vivante, en action.

Si j'étais milliardaire, non seulement j'aurais plus de temps pour écrire, mais j'aurais aussi plein de projets en rapport avec l'écriture, et l'art.

Cela dit, les deux tests sont amusants, mais celui qui est le plus probant, selon moi, est le test du seul survivant, car si on est seul au monde, il ne sert plus à rien d'être riche: les milliards ne servent plus à rien.

Autrement dit, c'est dans un tel monde qu'on se rendrait compte que l'argent, au fond, ne sert qu'à faire travailler les autres.

Pour finir, le test du seul survivant me permettrait de déduire que mon amour du jeu d'échecs est faux, puisqu'il est impensable de jouer aux échecs sans un adversaire!

Cependant, si on fait le test de façon inverse, c'est-à-dire qu'après avoir vécu dans un monde absolument seul, on doit vivre dans un monde où il n'est plus possible de vivre seul, et où on doit donc vivre constamment avec les autres, les résultats changent: le fait d'aimer le jeu d'échecs prend beaucoup de sens, puisque je ne peux jamais vraiment faire abstraction des autres.

Dans la réalité, c'est ainsi que ça se passe: on ne peut vraiment imaginer un monde sans autrui.

Chez Heidegger, la structure de l'être-pour-autrui est un existential, c'est-à-dire que c'est une structure d'être: on vit toujours, d'une certaine façon, avec autrui en tête.

Et l'on doit croire que si un monde isolé était possible, l'être humain qui l'habiterait vivrait avec l'espérance que d'autres êtres humains reviennent y habiter un jour.

En effet, l'homme n'est pas grand-chose sans les autres.

Mais le test du seul survivant permet néanmoins d'apercevoir le décentrement par rapport à soi qu'entraîne la présence des autres.

Et c'est cela qui est intéressant.

Il y a comme un gauchissement de l'être par la simple présence d'autrui, et ce gauchissement est mutuel.

C'est un gauchissement vers une Image dont on ne connaît pas la provenance réelle, mais qui capte l'attention, les énergies, les destinées, et donc l'être des individus.

Et dans la mesure où on prend conscience de cet effet, on peut travailler dessus et donc sur soi-même.

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