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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 juin 2009

La chambre

Nous venions d'emménager moi et Cecilia, écrit Max, dans cette grande maison située au coin de la rue Du Tremblay et de l'Avenue de L'Élysée à Chomedey. Une maison de rêve où je désirais passer le reste de mes jours en compagnie de ma femme dont j'étais amoureux fou et qui allait bientôt donner naissance à une fille. Je veillais tard le soir dans mon bureau au sous-sol, pour terminer mes travaux de corrections; ma nouvelle entreprise de traduction de documents en tous genres ne me laissant pas beaucoup de temps libre, j'en profitais néanmoins, étant au sous-sol, pour fumer de temps à autre un de ces cigares à l'arôme suave qui me plaît tant, bien installé dans mon fauteuil de cuir, projetant mes pensées dans une sorte de rêve sur le mur d'en face adjacent au foyer. Nous étions sur le point d'entreprendre des travaux de rénovation afin d'agrandir le sous-sol. À cette fin, nous devions abattre quelques murs, et surtout, un mur creux que j'avais découvert récemment dans cet immense sous-sol, et qui occasionnait chez moi une certaine frayeur que je n'arrivais pas à m'expliquer. Derrière ce mur étrange, il y a un espace libre, pensai-je, car le plan de la maison n'indique aucun mur à cet endroit. Et je cogne sur le mur : un son creux en retentit. Que peut bien cacher cette maison? ce mur creux? me demandai-je avec inquiétude. Et à nouveau je cogne sur le mur, en prenant bien soin d'écouter le son qui retentit de ce mur, dont l'étrangeté nous saute maintenant, pensai-je, en plein visage. La présence de ce mur, précisément à cet endroit, est totalement incompréhensible, pensai-je, à cet instant. Je partis chercher la masse, avec l'intention ferme de démolir ce mur sans plus attendre, même s'il était minuit et que j'allais réveiller Cecilia en sursaut. Ce mur doit tomber immédiatement me dis-je, sans plus attendre. La masse s'enfonce dans le mur bruyamment et crée une ouverture. Un courant d'air froid et vicié en provenance de la fente fouette mon visage affolé, continuant néanmoins à tenir la masse fermement et frappant sans relâche. Cecilia descend l'escalier en panique, en me demandant horrifiée, ce que je suis en train de faire, pensant que j'étais devenu soudainement fou, parcourue de tremblements. Je poursuivis mon travail d'abattage de ce mur en essayant de lui expliquer à sa demande entre deux coups de masse pourquoi ce mur devait tomber immédiatement, sans plus attendre, lui répétai-je plusieurs fois. Finalement, j'arrivai à créer un espace assez grand pour m'introduire à l'intérieur de ce qui semblait être un couloir. Cecilia me tendit en panique une lampe de poche, en me priant de bien faire attention, car on n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se cacher à l'intérieur, et si les anciens propriétaires, ou même de plus anciens encore, avaient construit un mur à cet endroit, ils devaient bien y avoir une raison, raison tout à fait obscure, pensai-je, néanmoins. Dès que je mis le pied à l'intérieur de cette pièce, je vis de loin, dans l'obscurité, ce qui semblait être un bureau couvert de paperasse. J'avançai en longeant le couloir, accompagné de Cecilia, et nous découvrîmes ce qui nous parut être la chambre en désordre d'un jeune homme, avec lit, draps, vêtements, affiches sur les murs et un bureau recouvert de papiers en désordre. Cecilia, avec sa curiosité habituelle, jeta immédiatement un coup d'oeil sur la masse de papiers, encore ébranlée par ce que je venais de faire. Ses yeux se remplirent soudainement de crainte et d'effroi lorsqu'elle remarqua ce qui semblait être le nom de l'auteur d'un des papiers sur le haut d'une page. A-t-elle aperçu le nom d'un ami, d'un parent ou encore d'une personnalité connue sur ce papier pour être effrayée de la sorte? pensai-je à cet instant, intrigué plus que jamais. Max, me dit-elle d'une voix étranglée, absolument terrifiée, écrit Max, l'auteur de ces papiers, c'est... c'est toi... ils sont signés... Max Möller.

Abasourdi par ce qu'elle venait d'affirmer, je vérifiai moi-même les papiers, puis une lumière s'alluma et Cecilia, inquiète, épongeait mon corps recouvert de sueur : je me remettais péniblement d'un cauchemar. Je lui dis que c'était probablement mon souper que je n'arrivais pas à digérer, j'allai donc me faire bouillir un peu d'eau avec du citron. Après avoir posé un nouveau drap sur le lit, je retournai à la cuisine, et en croisant l'escalier qui mène au sous-sol, je vis qu'il y avait de la lumière en bas. Je descendis l'escalier, hésitant, et puis j'aperçus la masse, le trou dans le mur à propos duquel je venais de faire un cauchemar, et de dos, un homme assis confortablement dans mon fauteuil fumant un cigare qui me lance : À tout hasard, mon cher Max, aurais-tu oublié l'ange sanglé pointe acérée sang?

Je descendis les marches lentement, en essayant de voir qui pouvait bien être cette personne, puis je chutai en bas de ce que je croyais être l'escalier, mais c'était plutôt de mon lit que je chutai en emportant avec moi couverte, lampe et table de chevet, causant un grand fracas. Sophia vint à ma rescousse, en m'aidant à me relever et en m'expliquant que je m'étais assoupi après que nous eûmes fait l'amour. Je me remis de mes esprits assez vite lorsque je constatai l'heure, et que je devais rentrer rapidement à la maison. Cependant, je restai fortement marqué par le double cauchemar que je venais de faire, et me demandai que pouvaient bien signifier les propos énigmatiques de l'homme au cigare, assis confortablement dans mon fauteuil. Était-ce une partie de moi qui parlait ainsi à moi-même dans ce fauteuil? Ou encore, écrit Max, étais-je sur le point de devenir fou? me demandai-je.

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