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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

vendredi 30 avril 2021

L'ADN de l'infini

Notre galaxie en mouvement.
Elle a une forme incurvée qui serait 
causée par son interaction
avec d'autres galaxies.
L'ingénierie galactique pourra un jour 
transformer les galaxies.
Une photo est équivalente à un enregistrement sonore, les deux sont théoriquement éternels, seul le support ne l'est pas. On peut avoir la même musique ou la même image sur différents supports. Ils sont une volonté d'éternité. De même, le corps et la conscience. La conscience est théoriquement éternelle, mais le corps ne l'est pas. On peut imaginer la conscience sur différents supports. La vie est comme un film, ce film est composé de photos, la rotation des photos donne l'illusion du mouvement, mais en réalité il n'y a pas de mouvement, mais que des états changeants, la cause ultime du changement et de l'ordre des photos est inexplicable. Nous avons donc l'illusion que nous vivons. Pourquoi la vie se passe ainsi et pas autrement? 

La conscience n'est pas identifiable à aucun de nos sens. Si nous fermons un à un tous nos sens, même notre sensation intérieure, nous perdons les notions d'espace et de temps, et de soi-même. La conscience peut exister sans savoir qu'elle est née, on peut se demander quelle sorte de rêves aurait cette conscience. Une conscience qui aurait déjà vécu saurait quand elle était en train de rêver, et quand elle sort du rêve, et c'est tout, mais une conscience qui n'aurait encore jamais vécu ne pourrait pas connaître la différence, car ses rêves seraient sans contenu, comme sa réalité.

L'homme développe des outils, et se comprend comme un outil. Le développement des outils amène les machines, et l'homme se comprend comme une machine. Le développement des machines amène l'ordinateur, et l'homme se comprend comme un ordinateur. Le développement des ordinateurs amène à comprendre la machine comme une éventuelle conscience... Que cela veut-il dire que nous sommes en train de comprendre le monde? Comment cela ne pourrait-il pas dire que nous sommes uniquement en train de nous comprendre nous-mêmes? Car nous sommes composés de ce monde, nous ne faisons qu'un avec ce monde.

Telle est la conscience qu'elle se décolle de la réalité et se dédouble à l'intérieur de l'unité, comme une division cellulaire.

Elle se comprend toujours à partir d'un état extérieur qu'elle produit elle-même, elle veut se comprendre elle-même.

Nous avons une fonction d'autoconscience dans l'Univers, et toutes nos activités s'y ramènent.

Si nous pouvons changer l'ADN de l'infini, qu'est-ce que la «réalité»?

La réalité est celle que nous faisons.

Elle est Fantaisie, Folie, Joie infinie.

Elle est un éclat de Rire.

mercredi 21 avril 2021

Retour sur «Paroles fulgurantes»

Jankélévitch-Penser la mort?
Un livre très accessible
sur la mort, de ce
philosophe habituellement
 difficile à lire
Pour revenir sur mon expérience récente, qui m'a d'ailleurs fait écrire quelques paroles inspirées, je dois avouer qu'après un certain temps, assez bref, les choses que j'ai entraperçues, ont beaucoup perdu de leur intensité, et c'était à prévoir, sinon je serais toujours dans le même état, ce qui ne me permettrait pas de «fonctionner» normalement comme tout le monde, et je devrais alors être interné.

Je vais essayer de décrire avec plus de détails ce que j'ai perçu, avant que tout cela ne disparaisse et que je retombe dans mon «sommeil de la quotidienneté».

Dès le début de l'expérience, je me suis senti «mourant», c'est-à-dire que j'étais en train de mourir, et j'étais certain de mourir dans les minutes suivantes. Ma mort était «imminente». C'est difficile à expliquer, car ça relève beaucoup de la sensation et du sentiment, mais je me suis alors vu «au passé». Je me suis vu de l'extérieur et de l'intérieur en même temps.

Je me suis vu «au passé», mort, de l'extérieur, et puis, je revenais en moi-même en me disant que c'est de moi qu'il s'agit, que c'est moi qui vais mourir, et pas un autre. Que je n'avais aucune chance de m'en tirer, que c'était mon tour de faire le grand saut dans l'inconnu.

C'était un sentiment poignant, déchirant, absolument tragique. Le temps s'est mis à avancer à une vitesse infinie, et tout ce qui m'entourait devenait «irréel». En fait, il suffit de se projeter dans le futur pour comprendre que tout ce qui m'entoure aujourd'hui, présentement, comme le trottoir sur lequel je marche en promenant mon chien, ne sera plus, et que le trottoir est en fait déjà irréel, il n'a aucune consistance, comme la ville entière où je suis, le monde, les êtres, les galaxies, le Soleil: tout est voué à disparaître, et lorsque je meurs, à la seconde même où je meurs, tout ce monde disparaît, en deux sens: au sens où ma conscience n'existe plus, et donc, que je ne peux plus avoir conscience du monde ni de rien, et au sens où je n'ai plus de notion du temps, et donc que le temps devient équivalent à l'éternité, et que donc plus rien de ce que j'ai connu n'existe, littéralement.

Pour mieux comprendre ce que je viens de dire, imaginons que dès la première seconde où je suis «mort», le temps avance à des vitesses infinies. Le temps avance tellement rapidement, que plus rien n'existe vraiment, la Terre a déjà disparu depuis des milliards d'années. Le trottoir sur lequel je circule devient immatériel, la ville est entièrement recouverte par la mer, la Terre éclate, le système solaire éclate, le Soleil, la galaxie: absolument tout devient «immatériel».

Je sens alors plus particulièrement la singularité de ma situation présente, déterminée par une dimension spatiale et temporelle. Mais comment vraiment savoir au fond où nous sommes et à quel temps nous sommes, si nous sommes dans l'infini?

Je sens ce qu'a de particulier ma forme humaine, ma vie, mon aspect, l'époque de l'histoire humaine dans laquelle je suis et qui aurait pu être n'importe quelle autre, le lieu où je suis, etc. En bref, je sens toute ma contingence, et c'est terrifiant. Je sens ma contingence et toute l'unicité de ma contingence, ainsi que l'unicité de toutes les secondes qui passent alors que je suis dans mon être. Au fond, je sens chaque seconde qui passe comme «historique», en un sens très fort, fulgurant même. Je sens aussi toute la contingence du monde.

J'étais littéralement terrorisé parce que je sentais que rien ne pouvait venir à mon secours. Même si j'avais été croyant, cela n'y aurait rien changé. Parce que ce qui me terrorisait c'était d'avoir à quitter ma forme humaine et d'effacer toute mon histoire, toute ma vie, tous mes souvenirs, toutes mes pensées, etc.

L'écriture est vraiment une tentative pour échapper au néant de toutes choses. Mais c'est une illusion, car un jour, au niveau de l'infini, même tous les écrits disparaîtront. Il ne restera plus rien de rien. La seule chose qui, théoriquement, peut continuer d'exister, c'est l'homme.

Je ne peux rien faire contre ma mort prochaine, car la science est encore très loin d'une solution pour l'immortalité. Je sais que la mort n'est pas «nécessaire», parce qu'elle n'est même pas inscrite dans aucun organisme vivant. Nous mourons tous par «usure». Je sais qu'un jour les êtres humains seront immortels. Ce qui manquera par contre à ces êtres humains promis à ne jamais mourir, c'est la peur de la mort, la terreur de mourir, qui fait prend conscience en retour de toute la particularité de sa propre vie, qui produit un «décollement» de la réalité, de tout ce qui est, incluant soi-même. Ce décollement donne le choc qui fait se séparer l'«être» des «étants». L'être humain prend alors conscience qu'il n'a rien à voir avec tout ce qui est devant lui. Qu'il est en quelque sorte une «anomalie», qu'il est absolument étranger au monde, à l'univers, à tout ce qui «est», à l'«étant».

Qu'il est le seul à percevoir la beauté du monde.

Qu'il est le seul à savoir, ou à pouvoir savoir, ce qu'est l'être.

Heidegger-Être et temps
Un livre capital
sur la différence
entre l'être et les étants

Ce savoir naît le plus souvent à partir du choc de l'angoisse existentielle.

Je sais que l'expérience que j'ai vécue me change, elle produit une modification de l'expérience de vie, de ma façon de voir et de penser les choses et les autres, de me penser moi-même.

Ce que j'ai ressenti à propos de ce que j'appelle la «Source» est presque mystique. On pourrait l'appeler «Tao», «Dieu», peu importe. La seule chose que je sais c'est que cette Chose rend fou. Elle est elle-même Folie, abondance insurpassable, infinie, inexplicable, car n'ayant aucune origine, et tous nos repères éclatant face à elle, notre pensée logique, rationnelle, le plus et le moins, toutes nos catégories et dimensions, elle est incompréhensible.

Bref, si on peut dire que l'Infini est une sorte de «source», et c'est la seule façon dont nous pouvons nous le rendre «accessible» au niveau de la pensée, on ne peut l'expliquer ni la comprendre. Elle est Folie pure. Et j'ai ressenti cette folie m'envahir à son contact. J'ai senti quelque chose d'inexplicable et d'incompréhensible, quelque chose qui me cernait de toute part et me débordait à la fois.

J'ai saisi alors le sens du «Transcendant» dont parle les religions. Et j'ai compris que la notion d'un Dieu ou d'un être transcendant est bien réelle. Sauf que cette «transcendance» n'a aucun Ciel pour nous, ni aucun commandement moral à nous apporter, car tout cela ne repose que sur l'interprétation que les hommes font de cette Chose. Il y a par contre une certaine «harmonie» à respecter avec cette Chose, qui est redoutable et terrifiante.

Il y a un mécanisme dans l'esprit des hommes qui les empêche de croire à leur mort. Ce sont toujours les autres qui meurent, mais jamais moi. Je n'arrive jamais à croire que je serai le prochain à mourir, et pourtant, jusqu'à preuve du contraire, nous sommes tous condamnés à mourir un jour.

Nous sommes tous des condamnés à mort en sursis. Nous basculerons tous un jour dans le Transcendant, dans cette Folie pure, dans l'Impossible, comme foudroyés.

Les hommes essaient depuis toujours d'apprivoiser l'Impossible et d'en faire une idée rassurante, d'en faire un «événement». Mais cette expérience fait éclater tous les événements, car elle n'a pas lieu dans le monde tel que nous le connaissons.

Elle a lieu dans une autre dimension, inexplicable et incompréhensible, qu'on pourrait appeler la Folie.

L'Esprit de Hegel n'a pas de «chez-soi» dans son autre, et n'est pas «raisonnable». C'est une Raison calquée sur l'interprétation «chrétienne» du Transcendant.

C'est une non-expérience de l'Impossible.

Un aveuglement «raisonnable», une fermeture à l'Incompréhensible.

Un refus de la Folie, qui est pourtant au cœur de l'être.

lundi 19 avril 2021

Paroles fulgurantes

La source de tout est inexplicable et incompréhensible
La source est Folie

J'ai perçu la Mort.
Je sais ce qu'est la Mort.
Le Moi est Tout
À ma naissance, le Tout apparaît avec Moi.
À ma mort, le Tout disparaît avec Moi.

Le sentiment aigu d'exister est une oscillation entre le fait de se voir en première personne et le fait de se voir en troisième personne, ce qui produit un décollement de la Réalité. On prend alors conscience qu'on est cette personne, et nulle autre, à jamais. Qu'on est cette personne, ou rien.

Chaque instant qui passe est tragique
La vie est tragédie
Le sens est fondé sur ce qui n'a aucun sens

Tout ça ne sera plus jamais
Tout est Unique

Vous ne pourrez vous en cacher
La Mort, tel un meurtrier, viendra vous surprendre, vous enlever la vie
L'essence de tout est Irréel

Le plus et le moins n'ont plus de sens face à la Source.

Personne ne sait pourquoi il est
Notre vie demeure un éternel mystère

La vie humaine est un ancrage dans le sans-fond de la Réalité irréelle.
Les politiciens, qui se croient toujours les plus importants, sont ceux qui dorment le plus au gaz.
Les grands Dormeurs mènent les armées des petits dormeurs.

La vie quotidienne est un collement à ce que nous appelons la «réalité». Cette réalité nous paraît vraie, stable, solide, concrète, permanente, sensée, unifiée, logique et connaissable, tout en étant fondée sur un Secret: le non-sens ultime de tout cela. Tout est pur spectacle sans but, absurde, Rêve, Folie. Ce choc produit l'émerveillement devant la beauté du monde, l'amour fou, et l'éveil.

Cherche inlassablement et tu trouveras
La fin de toute quête
L'illumination
Car tu as vu

L'humanité est le Cœur
Elle veut de tout cœur l'éternité

Il ne sert de rien d'être matérialiste et de s'attacher aux objets, car tous les objets périront un jour comme moi. Le Soleil, le système solaire, la galaxie, l'Univers. Tout a une durée de vie, tout coule sans retour, tout passe. Tout ce sur quoi reposent mes pieds en ce moment même peut disparaître en un éclair, et a en fait déjà disparu depuis l'éternité, incluant moi-même.

La Vérité doit être vue par soi-même, elle est en chacun de nous. Personne ne peut la voir pour nous ni nous la transmettre. Il y a ceux qui ont vu, et les autres qui n'ont pas encore déchiré le voile de la Réalité.

Tout en cherchant, vaque à tes occupations quotidiennes avec calme et patience.
Tous les signes seront inversés quand tu seras foudroyé par la vérité de Tout:
Infinie tristesse de la disparition
Infinie stupéfaction indicible
Folie pure

samedi 10 avril 2021

Croire sur parole

Marshall Applewhite, chef de la
secte ufologiste Heaven's Gate
Croire sur parole est une chose que nous faisons tous les jours.

Nous n'avons pas le choix de le faire, parce que nous ne pouvons tout vérifier, tout contrôler, que nous ignorons beaucoup de choses, et aussi, parce que certaines choses ne sont tout simplement pas prouvables.

Par exemple, lorsque j'écoute tel expert à la télévision, je lui accorde de prime abord un certain crédit, car j'ai déjà accordé crédit à la science comme telle. Il jouit donc, dès le début, d'une certaine faveur de ma part, et cette faveur me prédispose à son tour à croire à ce qu'il affirme. On voit ici que c'est une sorte de système de croyances imbriquées, qu'on pourrait voir comme un système de crédit, basé sur la confiance.

La confiance peut d'une certaine façon être mesurée, et la croyance aussi, mais pas la croyance au sens de «foi», parce que la croyance au sens de foi est tout simplement la «confiance maximum».

Dès que nous devenons croyant au sein d'une religion ou d'une secte (c'est pour moi la même chose), nous accordons notre confiance maximum aux affirmations de notre groupe.

La tendance à croire sur parole est alimentée par notre besoin d'appartenir à un groupe, notre besoin de sécurité, et notre besoin de comprendre et donner un sens à ce qui nous entoure. La croyance religieuse est de nature totalitaire, en ce qu'elle vient régenter tous les aspects de notre vie: de la façon dont nous mangeons, jusqu'à la façon dont nous concevons notre sexualité. La croyance religieuse donne, en principe, réponse à tout, et cela vient expliquer le sourire radieux fendu jusqu'aux oreilles des véritables «convaincus» sur les photos de groupe, car leurs cerveaux a finalement atteint l'effort minimal, et ils peuvent enfin se reposer dans leur béatitude satisfaite. Le gourou ou le Pape pensent pour eux.

Une fois que nous avons réponse à tout, nous pouvons prendre congé de la pensée. C'est vers ce point d'effort minimal que tendent tous les cerveaux, et en général, tous les corps aussi.

Si vous voulez comprendre l'être humain, il vous faut comprendre ce degré de paresse physique et mentale qui l'habite depuis sa naissance. Lorsque les énergies s'étiolent, nous avons tendance à remettre toute la direction de notre vie à d'autres, parce que nous le faisons déjà avec les experts, entre autres.

Forcer physiquement est difficile, mais forcer mentalement est encore plus difficile. Et lorsque nous cherchons à comprendre les choses par nous-même, ou que nous investiguons pour trouver des preuves, nous allons contre notre pente naturelle, qui demande le repos, car l'effort finit par causer de la fatigue et une certaine souffrance. C'est la raison pour laquelle la plupart du temps l'esprit tombe à un point neutre où il ne pense presque plus.

L'esprit vient à fonctionner tout seul, presque comme un instinct, selon des schémas préétablis, des idées préconçues, voire des préjugés (qui sont inévitables). Il ne remet jamais en question tout ce qu'il sait, ou si cela arrive, c'est extrêmement rare.

Ainsi, l'esprit fonctionne quotidiennement avec plusieurs angles morts. Il ne remet jamais en question certaines données qu'il a acceptées à un certain moment donné. Il fait du millage sur ces «données», il sauve de l'énergie, comme un maître se reposant sur ses serviteurs, sans qu'il se rende jamais compte qu'il est plutôt esclave de ses serviteurs.

En fait, il est possible de démontrer qu'une bonne partie des croyances de l'homme moderne sont soit fausses, ou manquent de preuves, ou sont tout simplement des suppositions basées en majeure partie sur la probabilité. Une croyance est fausse si celui qui y croit pense qu'elle est vraie, alors que celle-ci repose en fait sur des erreurs de raisonnement.

Or, les erreurs de raisonnement parmi la population ne sont pas des exceptions, mais sont plutôt la norme.

Par exemple: je crois que la vie a un sens, je dis donc que la vie doit avoir un sens, même si je n'en trouve pas de prime abord et que je trouve qu'elle est même parfois plutôt absurde (la souffrance, l'injustice, la mort, etc.). Je veux motiver cette croyance, car je veux vivre, et je veux que ma vie ait un sens, une direction, une règle qui me permette de me conduire de façon cohérente. Je cherche ce sens. Là, plusieurs réponses s'offrent à moi, comme dans un grand magasin, je trouve devant moi une panoplie de religions et de sectes, et de croyances diverses à saveur ufologique ou futuriste ou socialiste ou darwiniste ou utopique. Tous ces groupes sont là pour m'accueillir et m'offrir enfin la Terre Promise, c'est-à-dire: les vacances de l'esprit. L'erreur première ici consiste à partir de la présupposition que la vie vaut la peine d'être vécue, c'est-à-dire qu'il y a un sens là derrière, qui viendra comme me sauver de tout le non-sens qu'on trouve déjà dans le monde, et dans la vie en général.

Le raisonnement est le suivant: la vie vaut la peine d'être vécue (présupposition), donc la vie doit avoir un sens, par conséquent, la réponse se trouve là quelque part, je n'ai qu'à la chercher, et je me fais suffisamment confiance pour le reste. Mais se peut-il que la vie n'ait aucun sens? Cette question a déjà été sautée par la plupart des gens. Pourquoi? Parce qu'ils pensent qu'une vie sans un «sens de la vie», serait équivalente à un suicide. Et puisque le suicide est interdit, il faut donc s'en remettre à une explication par la religion, ou quelque chose du genre improuvable. Trouver un sens à la vie est donc d'une certaine façon obligatoire. Je n'ai pas le choix de croire que la vie a un sens, sinon pourquoi serais-je encore en vie? Et pourquoi d'abord suis-je venu au monde? Ce n'est certainement pas pour rien?

Oui, tout cela n'est pas pour rien. Nous servons à quelque chose. Mais à quoi? Doit-on vraiment servir à quelque chose, comme un marteau sert à taper des clous?

Si la rose est sans pourquoi, pouvons-nous, nous aussi, être sans pourquoi?

Dire que si ça fait plaisir à quelqu'un de croire que son nombril est le centre du monde c'est OK, c'est se foutre du monde, parce que la vérité passera toujours avant le plaisir dans le système des valeurs. Si je crois en quelque chose que je sais ne pas être vrai, comment cela peut-il être OK? Tous espèrent toujours que ce en quoi ils croient sera véritablement vrai. Personne ne veut fonder sa vie sur un mensonge ou une erreur. Justifier toutes les fausses croyances par l'argument du plaisir que cela m'apporte est complètement stupide. Si je me crois être le dernier prophète ou un envoyé de l'au-delà, et que ça me fait plaisir de manipuler les gens pour les rendre à mes vues et les embarquer dans un suicide collectif «consentant», est-ce que c'est une bonne chose? Personnellement, je n'aurais aucun plaisir à croire en quelque chose que je sais ne pas être vrai. Si la vérité fait mal, on sait par contre où le mensonge et les illusions peuvent nous mener.

Exiger de la vie un sens, c'est de l'égoïsme, de l'égocentrisme, de l'anthropocentrisme. C'est placer l'homme au centre du monde et dire que c'est lui qui possède le sens de tout cela, ce chaos de sens, cette explosion multiple de sens.

Infinie présomption de l'homme, qui sautille sur un grain de sable perdu dans l'univers et qui s'en croit le sens...

Personnellement, j'en ai marre de me faire dire par les autres ce qu'est la «vérité», car je me doute fortement que personne n'en a jamais rien su.

Tous pensent avoir raison dans leurs croyances. Nos croyances d'aujourd'hui, notre foi à nous, est surtout à saveur scientifique. On se base sur des «études», des «faits», des «chiffres», on jargonne aussi beaucoup et on se croit intelligent en prenant les mots pour des idées. On croit que la science ne peut pas être manipulée par des scientifiques qui ont un intérêt dans les recherches en question. Voilà un gros problème.

Selon une étude systématique parue récemment, 90% des résultats obtenus dans les études scientifiques sur les aliments sont bidon. C'est ce qu'on appelle la junk science. Faire de la junk science, c'est faire servir la science à n'importe quoi, pour nos intérêts, surtout financiers. Oui, les scientifiques peuvent être malhonnêtes.

Ce n'est pas si grave en soi de croire que les oméga-3 aident à prévenir le cancer, voire, le combatte. Ce n'est pas si grave en soi de croire que les antioxydants vont rallonger ma vie, et que je doive prendre quotidiennement des bains de thé vert. Ce n'est pas si grave en soi de se gaver de jus de carottes, si on a un cancer en phase terminale comme Steve Jobs. Mais je ne crois pas que ce ne soit pas si grave en soi de croire en des mensonges. Ces aliments dont tout le monde vante les vertus ne sont en grande partie que du marketing. Je ne dis pas que la malbouffe et les pesticides sont bons pour la santé, mais que cette frénésie pour les oméga-3 et les antioxydants n'est fondée que sur des études biaisées, intéressées, à seule fin de vendre des produits et suppléments alimentaires qui suivent les tendances. Si des scientifiques font une étude sur les vertus du café, il faut que ça profite à quelqu'un, et un résultat négatif est irrecevable, bien entendu. Quel laboratoire de cons irait faire une étude sur un produit alimentaire s'il s'attendait à ce que les résultats soient négatifs ou non concluants? Évidemment, la recherche est financée par les principaux intéressés de l'industrie agroalimentaire, et on veut des nouvelles positives, des remèdes «miracles». Une recherche impartiale et indépendante sur le café, par exemple, ne serait apparemment d'aucun intérêt direct. Autrement dit, la recherche est motivée par ceux qui font la recherche, et ceux qui la financent.

On peut aussi aller loin avec des probabilités: on peut devenir autant un farouche darwiniste, qu'un chrétien opportuniste avec Pascal et son pari. On peut aller encore plus loin avec la simple idée honnête, mais simpliste, du «je n'ai rien à cacher». Oui, on justifie ainsi tous les totalitarismes et les caméras dans nos chambres à coucher, même nos toilettes, et l'espionnage de toute notre vie privée en général, incluant notre vie sur tous nos appareils électroniques. Il est faux de dire que tout ce que je fais concerne le gouvernement ou des entreprises privées. Il est donc faux de dire que je n'ai rien à cacher. Nous avons tous, et toujours, quelque chose à cacher par rapport à des intérêts étrangers aux nôtres, et possiblement même, des intérêts contraires aux nôtres, qui peuvent nous nuire grandement. Imaginez que votre chambre à coucher est sous la surveillance du gouvernement, et que le gouvernement est miné par des fondamentalistes religieux pro-vie. Pouvez-vous imaginer le cauchemar? 

Les recherches actuelles sur l'origine de l'univers et l'origine de l'homme en physique théorique et en théorie de l'évolution sont des divagations dignes des maisons de fous. Ceux qui se croient plus évolués et qui parlent maintenant de soucoupes volantes comme si on en croisait à tous les coins de rue, alors qu'il y a 30 ans on riait d'eux à s'en rouler par terre, aiment se fonder sur la Bible et la théorie en vogue des «anciens astronautes» afin de la démystifier, mais ne se rendent jamais compte que finalement, même s'ils parlent de soucoupes volantes qui prouvent qu'il y a une vie extérieure, ils ne croient toujours qu'en la Bible qui proclamait pourtant l'inexistence d'une vie extérieure, et qui n'est finalement aussi, au total, qu'un tissu de mensonges élucubrés par un petit groupe de fanatiques en quête de sens, et de sang. Si les sympathisants des soucoupes volantes essaient de comprendre les soucoupes volantes à partir de la Bible, qui est un tissu de mensonges bimillénaire, on comprend pourquoi ils ont encore tous l'air d'illuminés.

Est-il possible pour tous de faire table rase?

Est-il possible pour tous d'arrêter d'accorder du crédit à n'importe qui, et de se mettre enfin, honnêtement, par soi-même, en quête de la vérité?

Et ce, même si les résultats risquent d'être décevants, minimes, voire nuls?

Je crois que la tentative de découvrir la vérité en vaudra toujours la peine.

Et même si cette tentative échouait, elle aura eu le mérite d'avoir momentanément donné sens à notre vie.

On ne trouve pas la vérité, on la découvre.

mardi 6 avril 2021

Faire, au lieu d'être fait

L'Encyclopédie est
le meilleur point
d'entrée dans la
philosophie de Hegel

Lorsque je lis mes livres de philosophie, j'apprends de nouvelles choses, je comprends de nouvelles choses. Mes livres sont à la philosophie, ce que les outils sont à la menuiserie. J'en ai besoin pour travailler. Oui, je peux travailler par moi-même jusqu'à un certain point, mais un seul homme ne peut pas tout penser, il a besoin à un moment donné de l'aide et des lumières que peuvent lui apporter d'autres esprits.

Ce que je lis crée en moi des pensées nouvelles. Et je me dis que je n'aurais pu parvenir à ces pensées sans avoir lu.

Les pensées des autres nous mettent sur un chemin de pensée.

Ce peut être un chemin qui ne mène nulle part, ou qui mène à une erreur.

Ce peut être aussi un chemin qui nous mène vers ce que nous pensions depuis longtemps, mais sans pouvoir le formuler.

Quoi qu'il en soit, c'est un long travail, difficile, et périlleux, qui demande beaucoup d'attention, de soin, d'application et de concentration.

Il est périlleux en ce qu'il nous fait sortir de la pensée conventionnelle.

Il est périlleux en ce qu'il nous fait remettre tout en question.

Il est périlleux en ce qu'il nous met en chemin pour commencer à penser réellement par soi-même.

Il est périlleux en ce qu'il nous rend libre.
En ce qu'il nous met face à notre périlleuse liberté.

C'est un long travail qui demande aussi de l'amour, et de la passion pour le vrai.

Rien n'est plus rare ni plus difficile que d'arriver à penser par soi-même.
Rien n'est plus rare qu'un homme vraiment libre.

La plupart des gens ne consacrent pas le temps qu'il faut pour approfondir la pensée conventionnelle et arriver ainsi à la dépasser, comme un athlète qui voudrait être champion sans pratiquer. Ils pensent donc toujours à l'intérieur de la pensée conventionnelle, comme d'une petite caverne.

Ils travaillent, ont de l'argent, un statut, mais ils ne sont jamais libres, leur vie durant.

Ils sont en mode «survie», et pendant qu'ils sont occupés à survivre, ils ne peuvent s'occuper de la pensée.

Pour cela, ils devraient abandonner toute considération matérielle. Car le matérialisme est l'anti-pensée par excellence. Penser libère l'homme, et tout ce qui va contre la pensée est à l'origine de la violence. Les livres sont la seule composante matérielle du chemin de pensée, mais ils ne sont pas une fin en soi, ils ne sont qu'un moyen pour parvenir au chemin de pensée. Ils servent en quelque sorte de substituts pour ceux et celles qu'on aurait pu rencontrer en personne, mais qui appartiennent souvent à d'autres époques.

En général, c'est le trop grand attachement aux biens matériels qui empêche les gens de se consacrer à l'immatériel, à l'intérieur des choses.

Leur vie durant, oui une vie empreinte de «labeur» et de «mérite», ils passent à côté de la vérité.

Ils passent à côté d'eux-mêmes.

Ils vivent pour des illusions.

Ils manquent leur vie.

Par manque de confiance en eux-mêmes, beaucoup préfèrent s'en remettre à quelqu'un d'autre pour guider leur vie, en fermant les yeux sur la possibilité que cette personne soit peut-être en train de leur mentir en pleine face et de les manipuler.

Si l'homme veut vivre véritablement, il doit tout laisser derrière lui et prendre le chemin de pensée.

Il a vécu trop longtemps avec des béquilles et doit apprendre graduellement à marcher par lui-même.

Il se peut au début qu'il remplace une béquille par une autre sorte de béquille.

S'il arrive à prendre conscience de cela, il est déjà en route sur le chemin de liberté.

Il commence à faire, au lieu d'être fait.

vendredi 2 avril 2021

Pour ou contre la peine de mort?

J'ai écrit récemment que j'étais pour la peine de mort. C'est peut-être une preuve que je commence à démontrer des signes de sénilité.

Je me suis beaucoup plus souvent, à mon souvenir, prononcé contre la peine de mort que pour dans ma vie.

Je sais que j'ai apporté dernièrement, dans ma justification pour la peine de mort, l'argument qu'il était important de rendre justice aux familles des victimes en exécutant le coupable... Le problème avec cet argument, et avec les arguments en général pour ou contre la peine de mort, c'est qu'ils reposent en grande partie sur les émotions, et on le sait, les émotions sont changeantes.

Dire que toutes les personnes coupables de meurtre doivent être à leur tour mises à mort, c'est dire implicitement que le système ne se trompe JAMAIS, et que nous avons véritablement devant nous le coupable. Or, nous savons qu'il y a déjà eu des condamnés à mort qui étaient innocents... Donc, etc.

Dans l'argument que j'avais avancé, je mettais en avant le fait que l'exécution du coupable représenterait un soulagement pour la famille... Cependant, il y a plusieurs objections à cela.

Premièrement, il se peut qu'il y ait eu erreur sur la personne.

Deuxièmement, certaines personnes proches de la ou des victimes peuvent ne pas être d'accord pour que le coupable paie son geste de sa vie.

Troisièmement, la personne coupable peut souffrir d'une maladie mentale qu'on ne connaît pas encore, ou qu'on ne connaît pas bien.

Quatrièmement, le coupable peut se réhabiliter complètement.

Cinquièmement, et c'est peut-être l'objection la plus importante, SI la personne qu'on tient pour coupable ne l'est pas, et qu'on l'exécute, et qu'on se rend compte de l'erreur par la suite, nous avons alors fait un très grand dommage, et je peux facilement imaginer l'effet terrible sur la famille d'avoir en quelque sorte participé au meurtre d'une personne innocente de plus... pendant que le véritable coupable continue de rôder à l'extérieur.

Et je pourrais ajouter encore plusieurs autres objections.

Le «œil pour œil, dent pour dent», est pourtant une réaction naturelle... Et c'est souvent une règle qui marche et dissuade dans la vie de tous les jours dans des questions autres que le meurtre, par exemple.

On ne peut donc pas abolir cette règle en disant qu'elle n'est pas bonne.

De même, il n'y a pas de règle absolue contre la mort d'une autre personne, qui serait de plus, «coupable».

Dans tous les cas, que ce soit pour ou contre, il n'y a pas de règle absolue, mais seulement un équilibre de raisons. C'est pourquoi il est si difficile parfois de trancher sur ce sujet comme sur d'autres, tel l'avortement par exemple, etc.

Dans un contexte «révolutionnaire» par contre, la peine de mort pourrait devenir courante et banale, comme on l'a vu dans l'histoire de la Révolution française, du régime nazi, de la révolution bolchevique, etc. Dans ce contexte bien précis, il est normal de voir ses opposants comme des ennemis politiques mortels, qu'il faut attraper rapidement, enfermer, et exécuter, possiblement après les avoir torturés pour recueillir le maximum de renseignements possibles sur d'autres ennemis potentiels. Tout cela semble logique et rationnel afin de conserver le pouvoir, et je ne crois pas que les rois aient jamais fait autrement non plus. Cette façon de faire a toujours existé à divers degré. Il n'y a qu'à étudier un peu le colonialisme pour voir que c'est encore le cas.

Il n'y a donc pas de règle qui vaudrait dans tous les contextes contre la mort d'une autre personne. La vie, dans l'histoire, n'a jamais été une valeur absolue, et ne le sera probablement jamais.

Il n'y a qu'à penser ici au rapport entre les bienfaits et les méfaits d'un médicament: si la vie était une valeur absolue, et qu'il y avait un risque même minime de décès avec un nouveau médicament, on ne pourrait jamais l'utiliser. Or, nous savons aujourd'hui que tous les médicaments comportent des risques pour la vie, et nous les utilisons quand même, donc la vie n'est pas pour nous non plus une valeur absolue.