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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 juin 2009

Le ciel n'a pas d'histoire

Le ciel n'a pas d'histoire, pensai-je, assis sur le balcon. Terre rime avec guerre. L'Être est la chair du monde. Le Temps est secondaire. Eckhart, toujours aimé, même si je ne suis pas croyant. Le détachement, j'aime beaucoup, même si je suis loin d'être détaché dans la vie de tous les jours. La vie pratique rend impossible le détachement. Il faut se battre continuellement pour survivre, faire sa place, garder sa place; le détachement, en contexte pratique, c'est la mort. Et de plus, on n'y a pas droit : un être complètement détaché aujourd'hui, on dirait qu'il est dépressif, qu'il faut le soigner, qu'il n'est pas normal. Il faudrait l'attacher, le bourrer de pilules, l'injecter, essayer de lui remonter le moral, l'analyser, le psychanalyser. Il est impossible de lui foutre la paix, ce serait inconcevable, immoral même; la vie a toujours été synonyme de guerre, d'agression, de harcèlement; l'impératif de production est là, il faut servir, servir à quelque chose, produire, l'homme n'est pas autre chose, une machine, un instrument. Servir ceux qui ont l'argent, et tout ça s'en va joliment au Ciel. Car l'argent est synonyme de pouvoir. L'argent n'est pas de l'argent, c'est du pouvoir, et les riches savent très bien comment conserver le pouvoir. Ceux qui ont l'argent croient vraiment à une différence qualitative entre eux et ceux qui n'ont pas de pouvoir, pas d'argent. Lorsqu'ils donnent, ce n'est jamais de tout coeur, mais pour avoir quelque chose en retour : plus d'argent, plus de pouvoir. Ils utilisent la bonté des gens. Les gens sont bons. Jambons. Perpétuellement trompés. Par les riches, par les politiciens. En même temps, même s'ils savaient, ils n'y peuvent rien, car ils sont en bas, et tout le secret des riches est de ne pas faire voir à ceux qui n'ont aucun pouvoir jusqu'où s'enfonce réellement leur misère, à quel point ils sont en bas, et eux, en haut. Ils veulent nous faire croire que l'argent n'amène pas le bonheur, alors qu'ils se paient les meilleurs médecins, les meilleurs avocats, les meilleurs professeurs. Ils consolident continuellement leur mainmise sur le peuple et ne laissent aucune marge. La religion est une consolation inventée par les riches, pour les pauvres. Pour pas qu'on leur saute à la gorge lorsqu'ils viennent nous dire quoi faire, toujours avec condescendance. Une condescendance innée, naturelle, de sang. Ils ont les soldats et les armes de leur côté. Ça aide à conserver le respect. Faut pas se conter d'histoires : l'aristocratie d'avant la Révolution est toujours là, beaucoup plus forte qu'avant. C'est une autre sorte d'aristocratie, justifiée différemment, et en même temps la même. C'est la même histoire qui se répète, continuellement. Le même sang qui revient, toujours. Si je pouvais m'envoler hors de ce Purgatoire, loin dans le ciel qui n'a pas d'histoire.

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