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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 juin 2009

Une paire de fesses sur le Plateau

Depuis ma tendre enfance, je suis habitué à me promener tout nu, que ce soit en pleine forêt avec mon père dans un camp nudiste, ou chez moi l'été en famille lorsqu'il faisait très chaud. Aussi, lorsque je me baignais dans la piscine intérieure de mon immeuble, j'aimais enlever mon speedo quand il n'y avait personne, je me sentais libre, et je jouissais des sensations nouvelles que la nudité me procurait dans l'eau. Il arrivait aussi que je me fasse surprendre, et je courais alors après mon costume de bain qui flottait quelque part dans la piscine, sous le regard scandalisé des nouveaux arrivants. J'adorais ensuite prendre un sauna, où je pouvais me mettre tout nu à mon aise, et me masturber comme un fou en fantasmant sur les jolies filles que je croisais quotidiennement dans l'ascenseur.

J'ai été élevé dans un climat de moeurs très légères, presque sans aucune restriction. Je pouvais rentrer et sortir à l'heure que je voulais, à condition de ne pas déranger; je fumais du hash en cachette avec la blonde de mon père, et il m'a même laissé baiser sa dulcinée dans son lit, alors qu'il couchait sur le divan. Elle n'est jamais revenue vers lui, et c'est à partir de là que l'animosité a commencé entre moi et mon père. Peu importe. Vous savez maintenant que je n'ai pas été éduqué dans des conditions normales, et que je ne m'en porte pas plus mal pour autant. Je suis seulement complètement stupéfait lorsque je vois la masse s'affoler devant le sein de Janet et crier que cela pourrait causer des traumatismes aux enfants. Pour moi, ces gens sont carrément fous. Tout ça c'est de l'hypocrisie, et le seul traumatisme que peut causer un sein, c'est l'éveil d'un désir profondément refoulé, ou qui est tout simplement inacceptable en public, selon les normes de la masse.

Tout ça pour dire qu'il y a environ trois mois, j'étais en train de faire mon entraînement au gym et qu'un incident typique s'est produit. Pourquoi typique? Parce que ces choses n'arrivent qu'à moi. Il était près de vingt-deux heures, et la concierge commençait à faire son ménage des vestiaires. Elle met une petite pancarte devant le vestiaire, pour préciser qu'elle passe la mope, etc. Moi, j'ai fini de m'entraîner, et je veux juste câlisser mon camp : il est tard, je suis fatigué et je travaille demain. Et là, je la vois qui jase à l'entrée de la porte avec un régulier du gym, probablement en attendant que le plancher sèche, je me dis, tassez-vous de d'là, je rentre! Elle devait probablement être surprise que je ne respecte pas la consigne, alors elle est rentrée avec le gars en passant le couloir en forme de S, et moi, tranquillement j'enlève mon chandail, mes souliers, mes bas, pour la préparer à ce qui s'en vient, et là je me dis, bon, elle décolle toujours pas et reste plantée là à me regarder tout en jasant, elle doit être habituée de voir des gars tout nus en tant qu'ancienne screw, ou autre, et j'enlève mon short...

Tout de suite c'est l'explosion, les cris de panique, l'hystérie totale: elle est en train de virer folle dans le gym! Moi je pensais, elle va voir que j'enlève mon short, elle va s'excuser et se retourner ou sortir, parce qu'après tout c'est un vestiaire câlisse, c'est moi qui a la priorité et aussi c'est un peu normal de voir des gars tout nus dans le vestiaire, non? Ben non justement, elle est restée plantée là dans une attitude de défi, pour voir si j'allais baisser mes culottes et lui manquer de respect en lui flashant mes fesses. Car pour elle, dans son esprit tordu d'attardée érotique, la nudité devant les autres, c'est un manque de respect. Le gars avec qui elle jasait a dit, es-tu folle elle? Y en a qui auraient payé pour voir ça! Elle m'a fait une crise très violente, m'a abreuvé d'insultes à la sortie du gym devant tout le monde, et je suis certain que si elle avait pu, elle m'aurait même fait battre. Tout ça pour une paire de fesses inoffensives! Faut être malade en crisse!

Elle ne me lâchait toujours pas et me salissait devant tout le monde; au début ça m'avait amusé de la voir paniquer, mais là je trouvais que ce n'était plus drôle du tout et elle a réussi à me faire sortir de mes gonds. Je lui ai dit, en m'approchant et en la regardant dans le blanc des yeux, as-tu un problème toé? C'est vraiment sorti tout seul. Là, elle a compris qu'il fallait qu'elle se calme un petit peu, car je commençais à perdre le contrôle; elle a pris son trou et puis je suis parti complètement à l'envers, car je suis un homme habituellement pacifique et je déteste la violence; par contre, je ne laisserai jamais personne me piler dessus comme ça sans rien faire.

Pourquoi un sein, quand c'est vu d'un point de vue médical, ça passe, et que tout le monde peut le regarder sans être traumatisé? Pourquoi une nounne, quand c'est vu dans le cadre d'un examen gynécologique, ça passe, et que tout le monde peut la regarder sans être traumatisé, live à la télévision? (Je fais référence ici à une émission de sexologie populaire d'il y a presque vingt ans à TVA où on avait eu droit à un examen gynécologique live d'une demi-heure, avec une des plus belles nounnes de Montréal étalée dans tout l'écran! Inutile de dire que ça a fait un scandale et que l'émission a finalement été retirée.) - C'est parce que le cerveau, en public, bloque le désir et voit le corps uniquement comme un objet. Mais dès que le sujet revient en privé, il ne perçoit plus la chose comme un objet, et c'est là que nous constatons que cette belle réaction vertueuse d'indignation et de scandale, qui peut facilement tourner à la violence et au meurtre, n'est qu'un comportement de masse intériorisé.

D'où nous viennent cette agressivité hors de proportion et cette censure envers la nudité? Probablement de la libido refoulée et qui ne peut, malgré soi, se libérer d'aucune façon, car nous vivons dans une société à la morale ascétique, qui valorise la souffrance, et qui est par conséquent profondément antiorgiastique. Une des causes du problème, selon moi : l'homme occidental est crinqué sur le travail et sur l'aliénation, au lieu d'être crinqué sur la sensualité, l'ouverture aux autres et l'épanouissement de la personnalité. Il ne sait pas ce qu'est la véritable liberté et le véritable respect, alors qu'il n'a que ces mots à la bouche.

Pour moi, son respect n'est souvent que de la peur, et sa liberté, n'est qu'une liberté de travailler et de saccager. Avec ces mots à la bouche, il détruit l'environnement, saccage les ressources naturelles, écrase la faune et la flore, torture les animaux, pollue les océans, contamine la terre, dresse et soumet les êtres humains à l'exploitation totale, et j'en passe... On critique le renversement du sens des mots et la torsion des sentiments en Corée du Nord, où l'humiliation et la torture sont des choses du quotidien, mais je crois qu'on a, nous aussi, un travail à faire sur nous-mêmes et sur notre suffisance face à ces pays qui nous donnent l'impression qu'on est au paradis, qu'on est donc beaux pis fins, et qu'on est libres nous autres, et qu'on se respecte, etc. Et après, remplis de notre suffisance, on va jouer au gendarme dans le monde avec assurance et fierté. Notre situation est seulement moins pire, mais cela n'empêche pas qu'elle soit misérable.

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