Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 juin 2009

Sans retour

J'étais concentré sur la lecture, depuis quelques jours, de la Science de la logique de Hegel. Je garde de bons souvenirs de cette période, surtout des marches que je faisais tard la nuit, où je rêvais d'une grande carrière en philosophie : je voulais devenir spécialiste de Hegel.

Il m'arrivait souvent de gravir tôt le matin, en faisant mon jogging, une petite colline dans un parc situé à proximité d'où j'habitais, à Ville-Émard, d'où je pouvais apercevoir l'Université de Montréal, et je m'y imaginais faisant de brillants travaux sur la métaphysique d'Aristote. Aussi, lorsque j'étais sur cette montagne, seul sous la pluie, je faisais un voeu : celui de réussir dans la vie et d'être heureux.

J'étais déchiré entre ma passion pour la science et ma passion pour la philosophie. Je rêvais de faire une carrière en mathématiques, de devenir peut-être actuaire, je le désirais fortement.

Toutefois, il était pour moi impossible d'aller plus loin avant d'avoir trouvé des critères pour mon action. J'étais donc forcé de passer par la philosophie avant les mathématiques, et de trouver des réponses.

Aujourd'hui je dois avouer que, quinze ans plus tard, je n'ai pas encore réussi à trouver de critères clairs et définitifs pour mon action. C'est en quelque sorte mon échec personnel. Par contre, en y réfléchissant de nouveau aujourd'hui, je crois que s'il existait de tels critères, et que nous soyons rationnellement forcés de les suivre, peut-être serions-nous alors comme des machines.

L'être humain doit avoir en lui une part d'irrationnel, de folie; c'est ce qui nous porte à l'aimer, et parfois même aussi, à le détester. Personne n'aimera jamais un robot ou une machine, à moins qu'il ait en lui cette touche de folie, qui fait son humanité.

Ce que je ne savais pas encore clairement à cette époque, c'est que mon voeu allait s'avérer être impossible à réaliser. Je ne voulais ni le voir, ni le croire, mais j'étais à tel point dans le pétrin, que je suis devenu dépressif. J'ai voulu prendre les pilules que les médecins me prescrivaient, tout en sachant que ce n'était pas une solution et que j'allais connaître une mort lente de ma personnalité, de mon esprit, de tout ce qui faisait que j'étais moi-même; ma haine ne devait pas se tourner contre ma personne par ces moyens : je préférais mourir d'une surdose de n'importe quoi, être assassiné, me suicider ou encore être victime d'un accident mortel. Je voulais mourir rapidement.

Emprisonné dans ma chambre à Ville-Émard, dans un milieu que je ne connaissais pas, sans emploi, sans études, sans amis, sans amour, sans espoir, je n'avais aucun moyen de m'en sortir. J'ai fermé tous mes livres en pleurant et j'ai décidé de partir pour une aventure que je considérais comme sans retour.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire