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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 3 octobre 2022

Bienvenue en enfer

La journée a commencé comme ça. Je me suis rappelé ce bonhomme qui m'a dit, y a longtemps: «Un bon matin tu vas te lever et t'auras 50 ans!». 

Je me souviens très bien de ma réaction: j'étais dubitatif! C'est la preuve que lorsqu'on est jeune, on ne voit absolument pas la réalité telle qu'elle est. On est comme obnubilé par nous-même, par notre force, notre vigueur, notre jouissance, notre soif de vivre. Un voile nous couvre les yeux. Nous vivons dans l'illusion d'être éternel, invincible, et que nous ne deviendrons jamais des vieux.

J'ai été très malade dans les derniers jours. En fait, j'en arrache depuis fin juillet, depuis que j'ai attrapé la covid. Au mois de juillet, j'ai passé une semaine à l'hôpital, parce que j'ai fait de la fièvre intense pendant trois jours, et qu'à ce moment-là, mon système immunitaire attaque mes plaquettes et les réduit presque à zéro. J'ai une combinaison malcommode de deux maladies contraires auto-immunes: le syndrome anticardio-lipine (qui fait des caillots) et le purpura thrombopénique immunologique ou PTI (qui fait saigner). Ça fait peut-être 20 ans que j'ai développé le syndrome, et ça a commencé avec une embolie pulmonaire, ensuite j'ai eu une thrombose veineuse profonde dans une jambe, et un caillot au cœur. Je prends du Coumadin à vie à cause de ça. Le PTI, je l'avais latent, mais il s'est déclaré en 2018 au moment de mon divorce, qui fut très pénible et stressant. Depuis ce temps, j'ai reçu beaucoup de traitements d'immunoglobuline pour faire remonter mes plaquettes. Normalement, je dois faire une prise de sang par semaine, et si mes plaquettes sont en bas de 50 000, ils me donnent un rendez-vous à l'hôpital le lendemain pour que j'y passe la journée à recevoir mon traitement, parfois avec de la cortisone intraveineuse aussi.

Mais dernièrement, je suis devenu intolérant à l'immunoglobuline. Les deux dernières fois où j'en ai reçu, j'ai eu des migraines qui descendaient dans le cou pendant 3 ou 4 jours, avec de la fièvre, des étourdissements permanents, du sang dans le nez qui forme de grosses croûtes mouillées, et j'ai des phases où j'urine sans arrêt. On peut autant dire que je n'ai plus de vie après ces traitements, car je suis incapable de rien faire, et je deviens très irritable.

Je suis d'ailleurs parti de mon travail tôt ce matin, car j'étais encore étourdi et la migraine était en train de revenir. Pour toutes ces journées de maladie, je n'ai aucune compensations. L'hôpital qui m'a engagé m'a donné le statut de temps partiel, tout en me faisant travailler à temps plein (je fais même des heures supplémentaires!), il n'est alors pas obligé de me donner de compensations de maladie. Lorsque j'ai essayé de trouver de l'aide après mon épisode de covid, complètement abasourdi par la complexité des démarches (personne ne savait vraiment à qui je devais m'adresser), dans un premiers temps, j'ai rempli les questionnaires de l'hôpital, plus les appels, ensuite, j'ai fait des démarches auprès de la CSST, questionnaires plus appels, puis, voyant que ça augurait mal, j'ai fait une demande en prestations de maladie auprès de l'assurance-emploi. L'hôpital ne me donne rien, la CSST ne me donne rien, et je viens d'apprendre que je vais recevoir seulement 50$ de l'assurance-emploi, à cause de la semaine de carence, et parce que dans la deuxième semaine où j'ai manqué deux jours de travail, j'avais déjà presque atteint le montant maximum approximatif de 500$ par semaine. François Legault a dit qu'il n'y a pas un Québécois qui va perdre une cenne à cause de la covid... Pardon?

samedi 1 octobre 2022

Le Livre des Mille Pensées 4

49. Je suis de plus en plus enclin à croire qu'il existe quelque chose de telle qu'une sorte d'«âme». Les témoignages de personnes ayant vécu une expérience de mort imminente, sur le fait d'avoir perçu à l'extérieur de leur corps les faits et gestes qui se passaient autour d'elles, sont difficiles à parer.

50. J'aimerais passer de l'«autre côté» de la connaissance, c'est-à-dire arrêter de courir après elle et enfin connaître toute la vérité sur tout.

25 août 2022

51. Il m'est arrivé aujourd'hui, et c'est la seconde fois depuis peu, de me sentir soudainement, comme par magie, à une autre époque de ma vie, comme si j'étais toujours le même. Cela ne dure que quelques secondes et la sensation est très instable et fugitive. Je construis une «senteur» à partir de senteurs environnantes, et cette senteur, ou ce parfum imaginaire, ouvre les portes du temps, du souvenir présent, actuel. C'est très étrange. C'est comme si je prenais certaines parties des odeurs que je perçois et que je les recombinaient pour réactiver des vécus. Le souvenir profond est absolument lié à l'odorat.

52. Je n'accepte pas de vieillir, de souffrir et de mourir. Je ne peux pas me faire du tout à ces idées, ces éventualités. Je ne veux pas mourir, car ma soif de connaissances nouvelles est infinie: je ne veux pas que ça s'arrête, jamais. Tel est mon souhait. Je veux vivre toujours pour connaître toujours davantage. Il y a tellement de plaisir à connaître, comprendre, découvrir.

29 août 2022

53. Tout le monde se fout de toi? Fous-toi de tout le monde. On ne trouve qu'une personne de valeur sur un million.

31 août 2022

54. J'ai envie de manger les livres, comme de la bouffe. J'ai envie de manger la musique, j'ai envie de manger les femmes. On dirait que mon appétit sexuel, ma «soif», s'est diffusée sur tout. Déjà jeune, je rêvais de me cacher dans une épicerie et de ne sortir de ma cachette qu'après la fermeture, dans la nuit, pour goûter à tout, puis un peu plus tard, mon rêve se transforma en désir de me cacher dans une bibliothèque ou d'y entrer par effraction, ce qui une fois a presque eu lieu. J'avais essayé un soir, après la fermeture, la porte arrière de la bibliothèque municipale, et à ma grande surprise, elle était ouverte, alors je suis entré, mais immédiatement après le système d'alarme s'est déclenché, alors j'ai pris la fuite. J'ai volé beaucoup de livres dans cette bibliothèque-là. Une fois j'avais rempli mon sac à dos de livres, desquels j'avais pris soin un à un d'enlever la bandelette magnétique, mais arrivé à la sortie, ça s'est mis à sonner, j'étais pétrifié! Je me suis dit que j'allais être obligé de vider tout mon sac, mais non, la madame au comptoir m'a dit de passer... C'était la dernière fois que je volais autant de livres, mais j'en ai volé d'autres par la suite, quand j'étais à l'université. Par la suite, j'ai arrêté complètement. Je ne sais pas pourquoi je suis comme cela, mais cette insatiabilité ne me donne aucun répit et m'épuise parfois. Elle me cause un certain stress absurde, car je sais bien évidemment que je ne pourrai pas lire tout ce que je veux. Aujourd'hui, je suis dans les meilleurs clients des librairies sur lesquelles je jette mon dévolu, ça me coûte énormément d'argent, mais on dirait que je m'en fous. J'ai toujours l'impression que je vais mourir sous peu, alors l'argent n'a plus la même valeur. Je me fais plaisir.

55. Le savoir est toujours en progrès, alors, qu'est-ce que le «savoir»? Comment se fait-il que nous croyons toujours savoir?

56. J'avais autrefois l'idéal de vulgariser, de vouloir simplifier et expliquer la haute philosophie à l'homme de la rue, et cet idéal était franchement naïf, car l'«homme de la rue», et pas juste lui, n'en a rien à foutre. Je m'imaginais que ce qui m'intéressait, intéressait ou devait intéresser tout le monde. Que parce que ça avait de la valeur pour moi, que ça en aurait pour les autres. Je me trompais sur toute la ligne.

3 septembre 2022

57. Je vois avec les yeux de l'esprit, parfois avec les yeux de l'âme, mais je n'arrive pas à bien saisir le moment où je passe de l'un à l'autre.

58. Comment peut-on prétendre que nous pouvons nous comprendre nous-mêmes? Comment savons-nous que c'est possible? Et si c'est possible, que cela signifie-t-il? Si nous pouvons nous comprendre nous-mêmes, ainsi que tout l'univers, nous sommes le Dieu que nous cherchons. Mais encore, pourquoi est-ce ainsi? À quoi bon être Dieu?

59. Nous nous identifions à nos sens, mais nous pourrions avoir de tout autres sens qui changeraient notre appréciation de presque tout. Nous serions alors forcé de nous redéfinir en entier.

60. Le journal que j'écris présentement, qui peut savoir quel être pourrait un jour le lire?

61. Quand j'y pense, une grande partie de ma vie est déjà morte, en ce sens qu'elle faisait partie d'un monde qui n'est déjà plus. Même si je retrouvais mon «moi» de ce temps, je ne retrouverais pas le monde, ni au niveau physique, ni au niveau spirituel-historique, tel qu'il était.

62. Être à la place du passager, s'observer soi-même, quand le conducteur est mal en point.

63. J'ai l'impression d'être dans une course par en avant perpétuelle. J'essaie de ralentir le temps en achetant toujours plus de livres... Comme d'autres se paient des voyages.

4 septembre 2022

64. Je vis souvent comme si la sexualité n'existait plus. Il m'arrive de passer facilement plusieurs jours sans y penser, ce qui ne m'arrivait jamais auparavant. Depuis mon pénible divorce, qui a eu pas mal de conséquences sur ma santé, les choses ont beaucoup changées. Disons que j'ai mis mes priorités ailleurs que sur la tragicomédie de l'amour.

5 septembre 2022

65. La vieillesse et la mort sont deux choses indépendantes, mais sachant que la vieillesse est programmée dans le corps humain, il est possible de se demander si la mort ne l'est pas aussi. La preuve que la vieillesse est programmée est la «progéria» chez les enfants, une maladie provoquant un vieillissement prématuré.

66. Nous avons tous une fonction bien précise sur terre. La vie a donc nécessairement un but, un sens pour chacun, qui s'insère à l'intérieur d'un sens plus grand, qui nous échappe. Le fait incroyable est qu'en cet «instant-ci», en ce «lieu-ci», j'existe, je vis. Je n'aurais pu naître ailleurs ni à une autre époque, car je suis inscrit, ainsi que tous mes ancêtres et les futurs hommes à naître, dans le développement du «code génétique» ou du «plan» de l'humanité. Tous les moments de notre vie existent déjà en possibilité avant notre naissance et continuent d'exister, en possibilité, après notre mort.

10 septembre 2022

67. Les médias sociaux ont au moins la vertu de pouvoir nous révéler comment certaines personnes se foutent de nous en réalité, car il est plus difficile d'ignorer quelqu'un qu'on connaît quand on le croise en personne.

68. Tout te tue, et on finit par te prouver que c'est toi le problème. Ceux-là crèvent aussi. Des enfoirés d'un autre genre.

11 septembre 2022

69. Il serait assez stupide que je m'en fasse pour mes livres, alors qu'il serait beaucoup plus raisonnable que je m'en fasse pour ma santé, et encore. Si toutes mes lectures ne peuvent produire que de l'anxiété, c'est ridicule, car c'est le contraire que je visais au départ.

12 sept 2022

70. Quand je pense aux écrivains connus qui estiment qu'ils n'ont pas réussi à avoir ce qu'ils voulaient dans la vie, comme entres autres, Swift et Chateaubriand, et que ce fait les rend d'autant plus intéressants, cela me fait comprendre que je m'inquiète beaucoup trop de ce que je n'arrive pas à avoir ou à réaliser, car cela servira peut-être à en amuser d'autres. Alors donc, ma philosophie devrait s'appeler le «foutisme», car je devrais me foutre davantage de tout. Je suis trop sérieux. La vie ressemble à une grosse farce sinistre. La vie avec une gang d'innocents.

71. Le «foutisme intégral»: ma nouvelle philosophie.

15 septembre 2022

72. «Un voyage dans la maladie mentale»: ce pourrait être le titre de mon roman.

73. Pour la première fois de ma vie, je sens que je n'ai plus d'avenir, qu'il est trop tard, que l'horizon se rétrécit, se noircit. Je me sens fatigué, malade, et non-libre. Chaque instant est celui de ma mort.

74. Je veux tout donner, c'est-à-dire «moi», car moi, c'est Tout. C'est le sens de la vocation. Tu te donnes en entier, et c'est «toi» qui se donne, même si tu ne sauras jamais vraiment «qui» tu es.

75. C'est terrible de lire des «livres sacrés» et de ne pas savoir vraiment ce qu'il en est au fond. Mon sentiment me dit, aussi incroyable que cela paraisse, que ce sont toutes œuvres d'hommes. Humain, très humain. C'est à ce point qu'on s'efforce de plaquer un sens sur la vie. Dieu est depuis toujours le grand absent dans ce drame qu'on se raconte. Pourquoi choisir des prophètes au lieu d'illuminer tout le monde d'un coup? Ce serait pourtant si facile pour un «Dieu» d'être beaucoup plus efficace... Il doit bien y avoir une raison à cette inefficacité...

76. Quel est le sens de tout ce «savoir» en progression? Que cela signifie-t-il au niveau de l'Univers?

77. Il est impossible de jamais savoir le sens de l'Univers, car il est «infini», mais puisque le fait de ce savoir est «fini», nous ne pouvons jamais vraiment savoir s'il est impossible de le savoir... Voilà une petite lueur d'espoir amusante.