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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 19 juin 2021

Les strates de la réalité

Ces opérations se font si rapidement dans notre esprit que la plupart du temps nous ne les remarquons même pas, et quand nous essayons de les étudier, nous pouvons à peine nous en souvenir, tellement elles se font automatiquement, c'est-à-dire de façon presque inconsciente.

C'est à ce moment qu'on peut réaliser à quel point le cerveau est une formidable machine. Car, nous sommes très probablement des machines, conçues par d'autres machines, et la source de Tout, serait la Machine-Dieu, qui est la machine d'autres Machines-Dieux, et ainsi de suite, à l'infini; il n'y aurait pas un seul Univers, il y aurait des Univers, le Tout de tous ces Univers serait incompréhensible, inexplicable, insondable, mais nous pourrions tout de même l'approcher par la notion que l'on pourrait se représenter d'une «Totalité Infinie», donc à jamais «non-totale», irreprésentable, mais peut-être «éprouvable», c'est-à-dire, qu'on pourrait ressentir ou éprouver profondément. Au fond, le monde n'est peut-être pas du tout ce que nous nous en représentons, mais peut-être davantage ce qu'on pourrait en ressentir. Se représenter la douleur, le plaisir, n'est pas du tout comme de les vivre dans son corps, tous peuvent être d'accord là-dessus. Reste à savoir tout ce que nous pourrions vivre.

Un très bon café, qui peut se 
boire le matin, mais qui est encore mieux
l'après-midi ou le soir, après avoir bu des 
cafés plus corsés. Son goût plus léger,
plus subtil, fait du bien.

J'hésite entre deux cafés, je me représente leur goût, un goûte la framboise, je l'associe au «premier café du matin», comme «pureté», comme café «sain», comme «bon café» pour le matin, comme «plus doux» quoique ce n'est pas tout à fait vrai, car il peut parfois être assez amer, je l'associe aussi à un café précédant, qui goûtait aussi la framboise, et tellement, que je l'identifie comme étant le «même», comme étant un équivalent très fort, et dont la différentiation entre eux serait très difficile, bref, après cette «réflexion» instantanée, je n'ai pas envie de ce café, alors je me tourne vers le seul autre café que j'ai dans mon «option» choisie au départ qui forme comme un «duo» («je prends un de ces deux cafés, et non le troisième, car je viens d'en boire une tasse») je connais déjà son goût un peu amer qui ne me plaît pas tant, alors que je m'attendais au début à autre chose de ce café, un genre de goût un peu plus «brûlé», mais pas trop, que je recompare dans ma tête à un café précédant que j'ai beaucoup aimé, qui goûtait un peu plus brûlé mais qui n'avait aucune amertume, et donc ce café n'est pas à la hauteur de son concurrent précédent par rapport à un «type» de goût de café, type dont se rapprochait davantage le café précédant, je sors mentalement de ma comparaison et j'associe le goût de ce café «que je n'aime pas vraiment» à l'étiquette du sac de café, je fais une chose bizarre, j'injecte comme le goût de ce café dans cet étiquette, et ce café est «éliminé» dans ma tête (je suis revenu mentalement sur mes décisions antérieures négatives sur ce café, et ma décision se confirme une fois de plus), je vais finir le sac, mais je n'en rachèterai pas: toutes ces opérations se font en un éclair dans mon esprit, et elles ne sont pas dans la réalité

Ces opérations qui ont lieu dans mon champ mental et qui se fondent si bien avec la réalité, ne sont pourtant pas réelles.

Elles «ont lieu», mais n'appartiennent pas aux choses là-devant.

En plus d'être implicites, leur description peut difficilement être exhaustives, à moins d'une pratique prolongée de style phénoménologique ou contemplative. Le seul moyen de comprendre quelque chose sur nous-mêmes est de nous arrêter et de nous étudier nous-mêmes. De prendre conscience de tout ce que nous faisons, et de notre «Moi», choses qui ne sont pas dans la réalité.

L'appréciation du goût du café n'est pas dans le café. Les associations, comparaisons et relations que je fais ne sont pas dans la réalité, elles ne sont pas là devant moi, comme le café, le comptoir de cuisine, la bouilloire, ma tasse, etc.

Tout cela se passe dans ma tête. Et pourtant, elles sont pour moi comme réelles. Elles sont réelles, mais comme en toile de fond. La plupart du temps j'en suis à peine conscient, et je les oublie presque immédiatement. Nous nous étudions rarement comme je le fais en ce moment, c'est ce qui est le plus grave. Pourquoi donc l'homme se connaît-il si peu? L'homme est conscient, mais le premier échelon vers l'étape supérieure est de prendre conscience de ce qu'effectue et saisie sa propre conscience, qui est toujours très locale et spécifique, située, mais non devant-soi, et potentiellement connectée à une conscience cosmique, qui signifie qu'elle se trouverait associée à quelque chose de «délocalisé» et de partout à la fois. Je dois prendre conscience que tout ceci est spécifiquement Cela.

Je ne pourrais dire, par contre, que tout mon point de vue n'est pas dans la réalité, car comment pourrais-je le savoir?

Mais c'est possible.

Plus j'y pense, presque tout ce qui se passe dans ma vie n'est pas dans la réalité comme telle.

Les choses que je fais ne sont pas réelles.

L'appréciation de «tout», n'est pas réelle.

Mes émotions ne sont pas «réelles», sauf pour moi.

L'amour que j'ai envers mes proches n'est pas réel, sauf «pour eux», dans une certaine mesure, et «pour moi».

Tout le domaine «affectif» n'est pas réel. Il est créé par l'esprit humain, en partie par les animaux, et peut-être même par certains végétaux. Qu'en saurons-nous un jour?

Ma vie, la plupart du temps, ne se déroule pas dans le domaine de la «conscience».

Je suis dans le domaine de la conscience, alors que j'écris ces lignes, mais une conscience qui se scrute, s'auto-analyse, je réfléchis à la fois sur les idées qui me viennent en tête, sur celles qui se tiennent au fond dans l'obscurité de mon esprit et qui me pressent pour en sortir, qui veulent venir à la lumière, à la formulation, et à la bonne formulation, je réfléchis sur comment les dire, et l'effort est parfois laborieux, parfois les choses semblent au contraire couler de source.

Je dors un tiers de ma vie. Je fais environ quatre séries de rêves par nuit, même si je ne m'en souviens pas toujours. Pendant ce temps, mon cerveau fait de la régénération, des réparations, et du classement. Il classe mes souvenirs de la veille. Mon inconscient construit l'architecture de mes souvenirs et de mon esprit.

Durant le jour, je fais beaucoup de tâches automatiques, comme réagir à l'alarme de mon réveille-matin, comme me lever, aller aux toilettes, me doucher, me sécher, me brosser les dents, m'habiller, faire bouillir de l'eau pour un café, déjeuner, verrouiller ma porte derrière moi, partir au travail en auto, saluer mes collègues, prendre un peu de nouvelles d'eux, me mettre à mon bureau et faire différentes tâches reliées au travail qui demandent une bonne dose de concentration. Avec le temps, si je répète suffisamment ces mêmes tâches, elles deviennent en grande partie automatiques. Et si on réfléchit à ce que je viens de dire, on se rend compte que c'est vrai: on se trouve rarement auprès de soi-même, mais plutôt comme perdus dans les «choses à faire», comme collés sur la réalité.

Pendant tout ce temps, je ne suis pas en train d'analyser ce qui se passe dans mon esprit, autrement dit, ce qui se passe dans ma conscience n'est pas «thématisé». Je suis plutôt dans l'«extérieur», parmi les choses, «dans l'action», et je fais abstraction de moi-même, mais non de façon volontaire. Je me trouve plutôt comme «emporté», dès le matin, dans un tourbillon de «choses à faire». La part de temps que je peux réserver à l'auto-analyse de mon esprit et de mes actes est donc mince.

Si je dors huit heures par jour, travaille huit heures par jour, me déplace plus ou moins deux heures par jour, que ce soit pour me rendre au travail, aller dîner, ou revenir du travail, ou pour divers déplacements, il me reste six heures par jour pour travailler sur moi-même, mais la plupart du temps, il me reste beaucoup moins de temps, car je dois faire d'autres tâches, comme l'épicerie ou le ménage, et si j'ai des enfants ou quelqu'un à prendre soin, c'est encore bien pire, je peux aussi avoir des rendez-vous, ou des appels à faire, ou encore des émissions de télévision à écouter, mais ce n'est pas tout, la plupart du temps je ne suis pas disposé pour faire ce travail, c'est-à-dire que je ne suis pas dans l'état où je devrais être pour effectuer ce retour sur moi-même, qui demande le calme, la fraîcheur des énergies, la concentration totale.

On peut donc facilement dire que la plupart des gens de l'humanité actuelle n'ont pratiquement aucun temps pour eux.

La vie est pour nous comme une course en avant qui ne peut jamais revenir sur elle-même.

Nous quittons notre lieu maternel, et nos rêves, nos amis, nos souvenirs, partent si loin qu'ils ne nous reviennent jamais sous le nez.

Toute notre conscience est centrée sur l'instant présent, comme en un point, et sur ce qui vient dans l'«immédiat», même si on se projette sur les heures, les jours, les mois à venir.

Peu de place est ainsi réservée au «jeu» de l'esprit avec lui-même, à la réalisation de ce qui apparaît véritablement dans la conscience.

Si nous avons souci de nous-mêmes et de la vérité, c'est ce travail que nous devrions faire en premier:

Essayer de dégager les différentes strates de la réalité.

mercredi 16 juin 2021

Je suis Cela

Atteint d'une maladie mortelle qui s'appelle la mort

les pluriels sont tous Singulier

Nous ne savons qui nous sommes, ce que nous sommes, d'où nous venons, quel est notre destin.

Jamais je ne vivrai ta vie, la vie d'elle, de lui, je vis pour l'éternité ma vie, je suis pris dans mon moi-même, dans mon lui-même. Jamais personne ne pourra vivre ma vie, mourir ma mort.

Toutes les vies que je ne vivrai pas, tous les lieux où je ne serai pas, où je ne serai jamais. Tous les corps et les visages que je n'aurai pas, toutes les personnalités que je n'aurai jamais. Toutes les idées. Les désirs. Toutes les époques que je n'ai pas vécues, et celles que je ne verrai jamais.

Je suis ici, jamais ailleurs, autre monde jamais ne verrai.

Le fil de cette vie qui est mienne sera un jour coupé. Et c'est précisément, l'Incompréhensible. De ne plus être Soi.

Ce monde, c'est toujours mon monde, jamais celui d'un autre, de personne d'autre. La fin de ma vie, c'est essentiellement la fin d'un monde, et la fin du monde.

Cette Force qui passe par la prophétie, qu'est-elle? d'où vient-elle? que me veut-elle? Est-ce un message de moi à moi de l'au-delà des mondes? De l'au-delà de moi-même? De l'avant ma naissance, et de l'après ma mort? D'avant la naissance du monde, et d'après la mort du monde?

Comment peut-il être possible de voir l'avenir? La clé du plus grand mystère doit se trouver là. Comment ce qui n'est pas encore arrivé, ce qui n'existe pas encore, peut-il être vu? Comment le passé lointain et l'avenir lointain peuvent-ils être vus? L'instant présent serait-il de tous les temps? Suis-je en train de vivre l'éternité? J'y ferais surface telle une onde, l'espace d'une vie.

L'impression d'avoir déjà vécu, de pouvoir vivre toujours, de pouvoir toujours trouver un moyen d'échapper à la mort, de la sentir loin de soi, très loin même.

Tout ceci n'est-il qu'illusion?

Irréversible?

L'impression de pouvoir revivre sa vie, de pouvoir redevenir jeune?

De pouvoir retrouver intacts les lieux où nos souvenirs sont nés?

Les personnes qu'on a connues, aimées?

je vis pour l'éternité ma vie

pour l'éternité

Je suis Cela.

Sans corps. Sans visage. Sans temps, ni lieu.

L'Illimité, l'Innommable, l'Invisible?

Pourquoi dois-je passer par toi? Revenir à toi, Folie irréversible?

Pourquoi moi?

jeudi 3 juin 2021

Lecture des écrits religieux

Je n'écris pas beaucoup de ces temps-ci, parce que je suis occupé à mon projet de lire les écrits religieux. Chaque jour je lis la Bible, je suis rendu au trois quarts de l'Ancien Testament. J'ai commencé le projet l'an passé, mais dégoûté par ma lecture, car il y a étonnamment beaucoup de violence et d'horreur dans la Bible, j'avais arrêté. J'ai repris depuis peu et je suis un peu plus satisfait de ce que je lis, je suis maintenant à l'Ecclésiastique, dans quelques livres ou environ 450 pages, je serai au Nouveau-Testament.

J'ai acheté dernièrement les Écrits gnostiques (bibliothèque de Nag Hammadi), les Écrits apocryphes chrétiens, les Écrits intertestamentaires (Manuscrits de la mer Morte), les Premiers écrits chrétiens, le Livre hébreux d'Hénoch (ou Livre des Palais), et j'ai acheté d'autres livres religieux de femmes mystiques. Pas facile de se retrouver dans tout cela: par exemple, il y a trois Henoch: l'éthiopien, le slave et celui des juifs. Aussi, il y a beaucoup de livres qui sont inclus dans l'Ancien Testament par les catholiques qui sont rejetés par la Bible hébraïque, comme le Livre des Maccabées qui comporte deux livres pour la Bible de Jérusalem, mais aucun pour la Bible hébraïque, et quatre livres pour les croyants orthodoxes, je crois, alors que le Livre des Maccabées comporte en tout huit livres (peut-être très endommagés et de moindre intérêt), il me semble. Ce sont toutes des choses que je ne savais pas avant de commencer à lire ces écrits, donc j'apprends beaucoup.

Je me suis penché aussi sur l'hindouisme, religion que je connais encore mal. Je veux éventuellement acheter le Mahabharata. Les penseurs indiens et chinois sont pour moi très importants. Dernièrement, j'ai commencé à explorer les Philosophes confucianistes. Le Journal intime d'Amiel est pour le moment en pause, même si c'est bon. Dans le genre, je dois aussi explorer le Journal littéraire de Léautaud, qui m'a été recommandé par un ami.

J'ai acheté hier le Livre de la vie de Thérèse d'Avila et un livre sur le Talmud. Je dois explorer La pesanteur et la grâce de Simone Weil et essayer d'en tirer le meilleur parti et m'en inspirer. Dans la même veine mystique, il y a les sermons de Maître Eckhart que je dois terminer. En parallèle de tout ça, j'ai Mon Combat de Hitler à terminer de lire. Je dois avouer que c'est un livre radical, où on peut lire clairement les intentions malveillantes de Hitler, honte à ceux qui prétendaient l'ignorer. On reste surpris quand on lit que le racisme y est une notion presque positive, ainsi que le fanatisme, et ça me fait réaliser à quel point le monde était dans une véritable impasse à cette époque et que le carnage était inévitable. Je lis ce livre parce qu'il est encore d'actualité; j'ai cru voir sur internet qu'il était aujourd'hui très populaire dans le monde arabe, et ailleurs où on déteste les Juifs. Aussi, j'ai appris que les deux livres meilleurs vendeurs étaient la Bible et Mon Combat de Hitler. Ce sont des livres dont tout le monde parle à tort et à travers, mais que peu connaissent pour les avoir lus. C'est pourquoi je dois lire ces livres avec attention. Je crois que c'est le respect minimal à avoir envers les livres et la connaissance.

Dans ma lecture de la Bible, dont le titre est La Bible de Jérusalem, j'utilise trois versions: La Bible de Jérusalem en grand format, avec peu de notes, la Bible de Jérusalem en petit format, avec plus de notes et des introductions différentes, et la Bible de Chouraqui, dont le classement des livres est différent, et dont le français est parfois étrange, afin, semble-t-il, de coller davantage au texte original, ce qui est pour moi plus ou moins utile quand on en arrive au point d'un français incompréhensible. Ainsi la traduction de Chouraqui ne me sert pour l'instant que de référence pour des variations sur certains mots, mais il m'arrive de trouver parfois son texte beaucoup plus clair et beau que celui de la Bible de Jérusalem, qui s'avère parfois trop travaillé, trop stylisé, et assez loin du texte qu'on pourrait penser original. Par exemple, dans ce texte on a en Ecclésiastique 28,4: «Pour un homme, son semblable, il est sans compassion, et il prierait pour ses propres fautes!», tandis que dans Chouraqui on a: «L'homme ne pardonne pas à l'homme, mais il prie pour ses propres fautes.» La version de Chouraqui est ici bien meilleure!

Même si je semble m'opposer fortement à la religion chrétienne, et à toutes les religions en général, je tiens à connaître le sujet, ou plutôt à en faire au moins une première lecture afin de ne pas avoir à me prononcer sur des choses que je ne connais pas, ce que j'essaie le plus possible d'éviter, afin de ne pas être pris en défaut. Si j'attaque un auteur ou un sujet, je tiens à en être bien informé, car j'aurais l'air un peu fou qu'on vienne m'affirmer le contraire de ce que je dis dans une polémique par exemple. Je tiens avant tout à éviter ce genre de situation, et pour le motif impersonnel: j'ai à cœur la connaissance, et en faisant cela je lui démontre ma fidélité, et je tiens à ce que mes lecteurs aussi me fassent confiance, car le principal ici n'est pas moi, ou la popularité, mais la vérité.

Oui, je tiens plus que tout à la vérité, et je suis dans une quête perpétuelle de la vérité, dans un souci de moi-même et des autres.