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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 juin 2009

Bazooka Joe est sur l'acide

Je me souviens de mon adolescence. J'espérais revivre les années soixante, j'écoutais Jimi Hendrix, Caravan, The Stooges, King Crimson, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Sly, Blue Cheer, etc. Je voulais que Mai 68 revienne, que Woodstock revienne, je rêvais hippie. J'étais un hippie dans l'âme; j'avais 2000 disques des années soixante et début soixante-dix, je capotais ben raide et j'étais totalement dedans. Je fumais du hash dans une belle pipe en bois repliable, on faisait des feux dans les endroits cachés des parcs, on buvait sans limites, on se roulait des cigarettes avec du Drum, on séchait les cours pour se passer le joint assis en rond au rythme de Led Zep.

C'est à cette époque que j'ai fait mon premier trip d'acide tangerine. Un trip absolument fantastique qui fut marquant pour le reste de ma vie. J'ai compris bien des choses cette nuit-là. Je comprenais aussi pourquoi Syd Barrett s'était retrouvé à l'asile. Je me trouvais fou d'avoir pris trois caps d'acide d'une shot. Mais le buzz ne rentrait pas après une demie-heure, alors j'ai pris les deux autres que je venais d'acheter sur St-Denis, croyant que c'était de la merde; j'ai été à l'abreuvoir de la station de bus d'Henri Bourrassa, je suis revenu m'asseoir pour attendre le bus, et puis j'ai ouvert un paquet de gomme Bazooka pour lire la joke plate et je suis parti à rire pendant 1 heure sans arrêt... J'avais mal aux côtes. J'ai été obligé de descendre avant mon arrêt car je riais trop fort; je riais d'un punk, du chauffeur de bus; j'ai même ouvert la fenêtre pour rire dans le vent.

J'ai descendu au parc du Tremblay à Laval, et là, je me suis dirigé vers les balançoires. C'est à ce moment que le trip a commencé. C'est inexplicable, la force hallucinatoire du LSD, c'est très très fort. Après un certain temps, je suis revenu chez moi; mon père dormait dans le sofa devant la télé avec les barres de couleur et le son aigu annonçant la fin des émissions. Moi je regarde la télé et je dis à mon père : c'est bon cette émission-là! avec un air amusé. Je trouvais vraiment que c'était intéressant. Je ne sais pas, je voyais une intention derrière tout ça, et c'était drôle, c'était bien pensé. Mon père n'a pas compris à quel point j'étais gelé : mes yeux étaient noirs. Je suis reparti me promener, car je ne pouvais pas tenir en place.

Avant de sortir, je me suis collé la face dans le moustiquaire de ma fenêtre de chambre, et là j'ai constaté à quel point j'étais gelé. Je m'amusais à enfoncer mon visage dans le moustiquaire et à le retirer, puis le renfoncer; j'avais la vision du monde d'un moustique. Je suis retourné au parc et c'est là que j'ai communiqué avec les esprits. Je pensais à la mécanique quantique, à Max Planck, à la guerre du Vietnam. Le temps semblait stoppé. Le monde semblait figé. J'étais transporté par le vent, dans mes rêves, entre les couches de la réalité, du sens, dans une autre dimension. J'étais dans le monde de Supertramp, Breakfast in America. Je souhaitais être emporté et ne plus jamais revenir... Mais je suis toujours là aujourd'hui, et je vous raconte mes trips.

Cette époque de ma vie est bien terminée, et bien d'autres époques encore. Les rêves de ma jeunesse ne sont plus et mes bons souvenirs se dissipent dans le flot du temps. Cependant, d'une certaine façon, le trip continue, à chaque fois que je réécoute la musique qui m'a fait tant rêver. Aussi longtemps qu'il y aura de la musique, le rêve sera vivant. Je serai vieux et usé que je serai toujours dans le monde de mes rêves, ce monde qui est le mien et que j'emporterai un jour avec moi.

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