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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 14 septembre 2021

Les états paroxystiques et la «pleine conscience»

Alors que j'étais en train de me préparer un café, j'ai pris conscience que je n'étais pas en train de m'interroger sur le «mystère» de la vie, et je me demande encore pourquoi.

Pourquoi, en ce moment même, l'existence ne semble pas poser problème pour moi? 

Je me trouve à être dans mes tâches, à être occupé par différents besoins et désirs, différentes pensées, à être accaparé par les actualités de la télévision, par la politique, la pandémie, etc. Jamais tout cela ne me semble inutile, contingent ou complètement absurde.

On dirait que dans la conscience «ordinaire», il y a un mécanisme rassurant qui nous empêche de faire de l'existence et de la réalité une question. Ce mécanisme nous empêche de voir, en fait, le mystère insondable de notre existence. C'est, je crois, un mécanisme qui nous «protège» et nous permet, donc, de «fonctionner», en tant que les machines conscientes et auto-programmables que nous sommes. En fait, «conscience» et «auto-programmation» sont peut-être ici des synonymes, puisque l'auto-programmation implique de pouvoir prendre en compte virtuellement toutes les données qui nous sont accessibles par les sens et la pensée, que ce soit sur soi-même ou sur l'univers, et de pouvoir ou de vouloir les changer, ou simplement de les connaître et les apprécier, ce qui serait ce que nous appelons la «conscience».

Ce mécanisme, donc, serait un voile entre nous et la réalité, ainsi qu'un voile envers nous-mêmes. Ce mécanisme nous permettrait en quelque sorte de voir en «deux dimensions», mais nous empêcherait de voir la «profondeur» de la réalité et de notre existence.

J'ai remarqué que je ne pouvais être vraiment créatif que dans des états paroxystiques, le plus souvent induits par une peine d'amour, des troubles émotionnels intenses, la musique, l'alcool, le cannabis ou la cocaïne.

Mes dernières créations artistiques sont le produit de la musique, de l'alcool et de perturbations amoureuses vertigineuses. Je ne m'étais jamais connu de talent poétique, mais durant cette période-là, je suis devenu comme un surhomme d'intuition poétique et de rythmique tordue. Je tenais à dépasser toutes les règles de composition et de narrativité et à être absolument original, c'est-à-dire, à créer quelque chose de nouveau et dans quoi je pouvais reconnaître mon empreinte unique, sauvage et éclatée, qui reflétait par sa forme, mon émotion et mon état d'esprit en direct. Je ne voulais pas faire un travail à froid, bien campé sur ma chaise et puant le labeur académique, mais être le témoin échevelé emporté au ciel par le cyclone. Ici je me souviens d'une lointaine influence de Céline et de Bernhard pour le style d'écriture, et plus encore, d'Hélène Monette avec son livre «Où irez-vous armés de chiffres?» que j'admire énormément.

Mes dernières réflexions existentielles sont le produit de l'angoisse, de la musique, et du cannabis. Le cannabis produit chez moi, la plupart du temps, une crise existentielle presque traumatique. À chaque trip, je perçois de nouvelles vérités que je n'avais jamais soupçonnées auparavant, englué que j'étais dans toutes sortes de préoccupations. L'effet n'est pas très amusant et génère un grand flot d'anxiété en moi, mais j'ai remarqué que celui-ci était bénéfique pour la réflexion et la création littéraire. Je l'utilise donc encore parfois pour stimuler ce côté de moi.

J'aimerais bien pouvoir être toujours en état d'incandescence dans ces états exceptionnels, mais la chose a ses limites. Les états poétiques ne peuvent durer bien longtemps, car ils sont trop intenses et extrêmes. J'ai pensé hier que mon problème, en fait, était de manquer de créativité. Pourtant, je sais qu'une créativité absolument hallucinante se trouve en moi, mais je n'arrive pas à puiser dedans à volonté. Si j'en avais été capable, j'aurais déjà plusieurs poèmes et nouvelles de publiés, mais je n'ai ce que j'estime n'être que des «fragments».

Cependant, bien que l'usage de substances soit nocif à la longue, et dans mon cas, ça ne prend pas longtemps avant que les effets négatifs se fassent sentir, j'ai découvert qu'elles permettaient, en autant que nous en prenions conscience, de répliquer en miniature les effets de «recul» par rapport à soi et par rapport au monde qui nous amènent dans des états de conscience supérieure, que nous pourrions appeler des états de «pleine conscience». C'est ma conjointe qui m'a permis de réaliser cela, puisqu'elle a commencé à faire de la méditation de «pleine conscience» et que j'ignorais ce que c'était, je lui ai donc demandé de me l'expliquer.

C'est seulement après son explication que je me suis rendu compte que je faisais souvent de la «pleine conscience» sans le savoir. Et chaque fois que j'en fais maintenant, elle me le fait remarquer. La pleine conscience était auparavant une façon «non-consciente» pour moi de «faire le vide», mais il y a aussi plusieurs autres techniques que j'aimerais explorer et pratiquer.

Ainsi, lorsque je suis allé promener mon chien l'autre jour, je me suis assis sur un banc pendant qu'il gambadait non loin de moi dans l'herbe, et je suis devenu soudain un «témoin pur» de toute la scène. Je suis devenu conscient de tout ce que je percevais: le soleil, le ciel, la beauté des nuages en mouvement, la sensation du vent sur ma peau, les multiples senteurs des arbres, des champs, etc. En un instant, j'ai fait le vide de mes pensées: j'ai oublié qui j'étais, j'étais dans le monde, et à quelle époque j'étais. Je suis devenu mes sens. Malheureusement, cet état ne peut durer très longtemps à l'extérieur, mais il peut être reproduit à l'intérieur, chez-soi, en méditant.

J'ai donc dans l'idée que je devrais me mettre à la méditation de pleine conscience, afin de stimuler ma créativité, au lieu de l'induire par des moyens qui se trouvent à  être non viables pour moi.

Bien que c'est toujours difficile, il est possible de s'abstraire de soi-même et du monde à n'importe quel instant, afin d'entrer dans un état supérieur de conscience qui correspond concrètement, à d'autres niveaux de vibrations cérébrales. Mais la pratique répétée, l'exercice, et j'y crois, permettra de mieux y parvenir avec le temps, et d'une meilleure façon et à un degré supérieur de qualité qu'avec n'importe quelle substance psychotrope ou musique ou turpitude émotionnelle.

Toutefois, je ne suis pas contre les substances, ni contre la musique «qui nous vire à l'envers», ni pour le «calme intérieur». Je crois que «tout est bon» pour parvenir à extraire le meilleur de nous-mêmes, et arriver à nous dépasser. Ce sont ces moments paradoxaux à la fois de vide et de surconscience qui font que la vie vaut la peine d'être vécue.

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