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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 13 septembre 2021

SadoMaso

Je n’ai pas l’intention d’écrire pour faire un récit continu, mais discontinu, et je dirais même probablement chaotique, comme le fut ma vie. Si je me mets à parler de sexualité si tôt dans mon récit, c’est parce que la sexualité a occupé une grande place dans ma vie, comme pour la plupart des gens. Sauf que moi je vais en parler en long et en large, et dans le détail, parce que j’aime ça, parce que j’aime me complaire dans la boue, comme le cochon. Ce récit est d’une certaine façon une satisfaction personnelle masturbatoire. Je m’autosatisfais, donc. La sexualité est circulaire. Quand on en fait, on aime en parler, et quand on en parle, on aime en faire. Le processus s’autoalimente, jusqu’à la jouissance et la satisfaction, qui nous détourne vers autre chose. Personnellement, j’ai la plupart du temps toujours vu mon désir sexuel comme un obstacle dans le chemin de mes intérêts non-sexuels. Avant d’avoir étanché ma soif érotique, j’étais toujours incapable de passer à autre chose. La sexualité occupait tout mon esprit et le rendait esclave de basses pulsions. Impossible de résoudre une équation mathématique ou de faire une chose quelconque rationnelle et froide. Contraint d’assouvir ces pulsions, et non content d’avoir à le faire, je m’exécutais comme une machine. Comme si c’était un devoir imposé par la nature. La nature c’est bien, mais plus tard elle finira aussi par me dégoûter. En effet, les basses pulsions, les pulsions automatiques d’assouvissement du bas-ventre, me sont devenues, avec le temps, détestables, à éliminer, pourrais-je presque dire. Cette relation ambivalente avec le plaisir sexuel m’a fait éventuellement osciller vers les relations sadomasochistes. Même si je n’ai jamais réellement vécu de relation sadomasochiste, j’étais fasciné par celles-ci, comme Foucault. Par contre, peut-être que la plus pure relation sadomasochiste est celle dont nous n’avons pas conscience. Celle que nous vivons consciemment n’en serait alors qu’une pâle imitation, une sorte de répétition, de rituel, destiné à rendre sensible la relation sadomasochiste réelle qui a lieu à notre insu, contre notre gré, et qui elle, est véritablement déplaisante, et sans aucune compensation, comme on en trouve la plupart du temps dans la fausse relation sadomasochiste, qui est en réalité très soft et factice au regard de la vraie. Il y aura toujours une très grande différence entre une relation voulue et une relation non voulue, et on pourra en convenir facilement. Par exemple, si la personne soumise est consentante, alors la satisfaction de la voir soumise s’envole, parce qu’elle le veut. Qui veut sa soumission n’est pas réellement soumis, puisqu’il a un pouvoir sur sa soumission. S’il a encore une ombre de pouvoir, il n’est pas réellement soumis. C’est un jeu, une comédie, une imitation de la soumission réelle sous-jacente, et dont il est impossible de prendre conscience, puisqu’elle est masquée par cette fausse relation. Par cette fausse relation sadomasochiste, le soumis pense avoir un pouvoir sur sa soumission, et cela le rassure, mais en réalité, il est impuissant devant sa soumission totale, et c’est ce qu’il ne peut admettre, ce que personne ne peut admettre jamais, et c’est le fondement de cette relation factice, qui offre ainsi un échappatoire, une compensation, un faux soulagement. Par conséquent, le sadique est aussi baisé dans ce rapport, puisque la domination qu’il exerce est limitée par la volonté de l’autre. Une domination réelle n’aurait que faire normalement de la volonté de l’autre justement, au contraire, elle veut l’écraser, la contraindre sans limite. Dans ce rapport réel, il existe un véritable danger, et ce danger doit exister pour qu’il soit réel. Sans ce danger, c’est de la comédie, un jeu, un fade substitut, un rituel du véritable sadomasochisme sous-jacent profondément caché et crypté. Le danger est précisément ce qu’on tente avec acharnement d’évacuer quotidiennement de la société. Un société sans danger, sans risque, est possiblement une société juste, mais quelque peu fausse et ennuyante, et cela, tout le monde le sait dans son for intérieur, tout le monde le sent en quelque sorte. C’est pourquoi on court parfois après tous les dangers possibles, on s’accroche à eux avec toute l’énergie du désespoir, avec l’espoir de réussir à conserver intact un reste de vie réellement vivante, c’est-à-dire non-machinale. Le beau risque doit être sauvé à tout prix, mais en même temps le plaisir de mettre des grilles sur la réalité pour avoir l’impression d’être en contrôle, est une tendance lourde, qui ne mène pourtant qu’à plus de chaos. Car le vivant ne se laisse pas soumettre par la face consciente de l’esprit, ce serait trop bête. Nous ne sommes pas les maîtres de cette vie, nous n’en sommes que les piètres acteurs, à jamais impuissants, comme des marionnettes. Regardons un peu autour de nous. Combien de personnes sont-elles réellement heureuses dans leur vie et dans ce qu’elles font? Voyez-vous, moi je suis heureux quand j’écris, mais il m’est impossible de vivre de ce que j’aime. Par contre, est-ce cette impossibilité, cette limitation, qui fait que j’aime écrire? Ceux qui croient cela sont les vrais débiles dans la société, ceux qui n’ont aucune réelle capacité personnelle. Ceux qui s’imbriquent très bien dans le système et qui se rapprochent parfois, un peu trop des machines. Pour moi la valeur d’un individu s’estime à la capacité d’être «personnel», et non d’être «professionnel». Un jour, tout ce qui relève du professionnel sera balayé par les machines, et il ne restera plus que l’individu personnel, acculé cette fois à son néant véritable.

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