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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 23 mai 2010

La coke, le manque et l'obsession

J'avais l'habitude de prendre de la coke depuis le début de ma vingtaine, mais depuis quelques mois, je n'en prends plus. Pourquoi? Simplement à cause d'une baisse dramatique de la qualité de la coke à Montréal... J'imagine que ça fait partie de toutes les autres compressions qu'on connaît en ce moment, on veut faire plus d'argent avec moins, etc., en réalité, c'est une véritable arnaque. Moi qui croyais qu'aucune thérapie ne pourrait venir à bout de ma consommation... Car ce n'était pas un «problème» comme tel, avec le temps on s'assagit, on se trouve une situation, etc., donc je n'en prenais qu'une fois par deux ou trois mois, c'était devenu depuis longtemps sporadique, thérapeutique, par contre, j'avais absolument besoin de cette dose arrivé à une certaine période, pour me «restarter».

Apparemment que c'est la même chose pour le pot, etc., enfin, c'est ce que des consommateurs réguliers m'ont dit, moi je n'en prends pas (parce que je trouve que c'est plus nocif que la coke, et encore plus du fait que les gens croient que ce n'est pas une substance dangereuse, et qui rend dépressif), que le stock finissait souvent par manquer et qu'il n'était pas très bon parfois. En général, je pourrais dire qu'en vingt ans, et peut-être plus particulièrement depuis les dix dernières années, la qualité de la drogue est passée de très bonne à bonne, puis à médiocre, si on peut même en trouver... La répression est très forte, et ce n'est pas pour rien qu'on appelle les consommateurs réguliers des «junkies» : c'est parce qu'on leur passe réellement de la junk, de la merde, parce qu'il n'y a tout simplement plus de stock nulle part...

Je me souviens d'avoir acheté de l'acide (LSD) sur St-Denis quand j'avais quinze ans. C'était probablement les dernières fois où on pouvait trouver du vrai LSD à Montréal. J'ai connu le vrai trip de LSD comme les hippies l'avaient vécu, à la Syd Barrett, j'ai eu peur de devenir fou, ou plutôt, de le rester... J'ai compris c'était quoi d'halluciner «ferme» : je voyais des têtes de mort partout, je savais que j'hallucinais, je touchais les surfaces, les contours, pour m'assurer que ce que je voyais était bien réel, et je me disais que le lendemain, après le trip, je pourrais revoir ces formes, ces têtes de mort partout où je les avais vus, dans le sable, dans le stucco du plafond, etc., mais le lendemain bien évidemment, j'ai constaté la force hallucinante de cette drogue : il n'y avait absolument aucune trace de ce que j'avais vu et touché la veille... Quelques années plus tard, j'ai pris ce qu'on appelle du «buvard», il n'y avait plus de pilules d'acide comme tel. C'était tellement mauvais que je n'ai eu absolument aucun buzz.

J'ai eu deux expériences avec la coke alors que j'étais ado. Une des deux fois j'ai ouvert le sac à main de la blonde de mon père alors qu'elle était à la piscine, j'ai aperçu le gros sachet de poudre blanche, j'ai pris un stylo Bic, j'ai enlevé le tube d'encre, j'ai foutu le tube dans le sac et j'ai sniffé une bonne shot. Ça ne m'a rien fait, mais ça ne m'a pas empêché d'aller me vanter auprès de mes amis. Je disais que je me sentais comme un surhomme, physiquement surpuissant, que j'étais donc de «bonne humeur», etc.

Je n'ai jamais compris ce phénomène d'«accoutumance» à la drogue, pourquoi les premières fois ça ne faisait rien. C'est pourtant la même drogue et les mêmes doses qui m'avaient tant fait buzzer par la suite...

Je me souviens de la première fois où j'ai fumé du crack, j'avais été initié par un groupe de fumeurs, tous collés ensemble enfermés dans une salle de bain. Ma blonde me disait de ne pas faire ça, mais elle était tellement gelée elle-même qu'elle n'a pas résisté longtemps à ma volonté, ou plutôt, à mon obstination de vouloir essayer, de vouloir être initié, car le groupe fumait toujours sans moi dans l'appart, je me sentais seul, à part, je sentais que je manquais quelque chose, et moi qui n'avais jamais été le genre à avoir peur d'essayer quelque chose, personne ne pouvait m'arrêter, je devais savoir qu'est-ce que ça fait...

À tour de rôle on passait la «pipe», qui était alors une canne de liqueur pliée avec des trous, à la new-yorkaise; on déposa la cendre sur les petits trous pour faire comme un coussin afin de retenir la roche alors que j'aspire et qu'elle fond par le feu du briquet. On déposa la roche de crack sur la cendre, et en regardant comment les autres faisaient, je savais déjà comment procéder, néanmoins, on me guida tout le long de ma première consommation, on me montra comment aspirer, «lentement», en ne tirant pas trop fort, et en gardant ma respiration jusqu'à ce que je sente le buzz rentrer... Ça me semblait un rituel très relaxant, et ça l'était effectivement, malgré qu'on pourrait penser que la coke puisse nous rendre très nerveux, tous étaient très relaxes dans cet espace restreint. Je dirais que j'avais l'impression de participer à un rituel spirituel, surtout avec cette méthode de «lente» aspiration, c'était très plaisant et enivrant. (Je fais un parallèle : «âme» veut dire «souffle» en latin ou en grec, je ne sais plus : aurait-il eu un lien secret dans le passé entre le «principe immatériel» et les substances qui «élèvent »?)

Cependant, pour cette fois, comme pour les autres premières fois, je n'ai rien senti. On aurait dit que mon cerveau avait besoin de temps pour s'habituer à l'entrée de cette nouvelle substance infernale... Pourtant, si on donne de l'alcool à un jeune qui n'en a jamais pris, il va saouler immédiatement, et comme les autres; ce sera un effet encore plus percutant s'il prend de l'acide pour la première fois. Je ne comprends tout simplement pas cette phase d'«initiation» avec la drogue... Des fois je me demande si ce n'est pas tout simplement le cerveau qui apprend à avoir une certaine réaction face à l'entrée de la substance; il produirait alors lui-même le buzz... Je me souviens d'avoir eu des rêves où je fumais du crack et où je me réveillais avec le buzz!

Sur un autre plan, je me demandais qu'est-ce qu'on peut bien chercher en prenant de la drogue. Eh bien, peut-être qu'on cherche l'ivresse, le sentiment d'intensification de la vie, du plaisir, qu'il soit sexuel ou autre. La coke produit cet effet en agissant directement sur le centre du plaisir dans le cerveau, alors c'est normal de vouloir absolument répéter l'expérience comme si on était «accro», même si cette substance est considérée comme ne causant qu'une dépendance «psychologique». Personnellement, je crois que c'est le cas pour toutes les drogues, même l'héroïne. J'ai connu une grande consommatrice d'héroïne qui a arrêté sec le lendemain d'une overdose qui avait failli lui coûter la vie : elle n'a jamais été malade et n'a jamais eu de tremblements ou quoi que ce soit d'autre... J'ai alors pensé que c'est nous qui créons les «faux effets» du manque. Ça fait l'affaire par contre des compagnies pharmaceutiques qui vendent à ces gens de la méthadone pour rien...

Aujourd'hui je vois toutes les thérapies simplement comme la manifestation du manque de volonté. Ce sont en réalité des «thérapies de la volonté», pour se tourner contre la drogue, mais pas des thérapies pour guérir de la drogue comme telle... Est-ce qu'on peut guérir de l'amour, du sexe? -Pas pour très longtemps. D'ailleurs, les prêtres catholiques en ont fait la preuve de façon assez éclatante. Si vous combinez la coke et le sexe, alors là vous avez le nirvana de la dopamine cérébrale. C'est une question de chimie.

Seulement, il y a un côté négatif à tout, même au nirvana. Ce qui me fait vivre si intensément peut finir par me tuer si j'en abuse : et ça, c'est valable pour tout. Et si cette chose ne me tue pas, ce qui est mon cas, car j'ai vraiment abusé, eh bien, elle peut causer parfois une certaine lassitude quand on n’en consomme pas. Pourquoi? Parce que le cerveau est «rebranché» (rewired) pour recevoir son plaisir de cette source... Et ce «rebranchement» s'est opéré dès ma première dose. Il en résulte une moins grande capacité à recevoir du plaisir d'autres sources, que ces soit du sexe, de ses activités préférées ou autre chose. C'est un médecin qui avait fait allusion à ça alors que je le consultais.

Pour finir, je voulais dire que ma consommation d'alcool a augmenté pas mal depuis que je ne consomme plus, mais qu'en revanche, j'ai pratiquement perdu l'envie de prendre de la coke. L'alcool et le tabac sont des drogues légales, mais je m'aperçois qu'elles sont pratiquement plus nocives que les drogues qu'on diabolise tant à cause de notre ignorance et de notre aveuglement. Il y a plus de 500 produits chimiques toxiques dans la cigarette, y compris de l'arsenic ; je ne comprends tout simplement pas pourquoi la vente de ces produits est encore légale.

Si on trouvait de l'arsenic dans de la coke saisie par exemple, immédiatement on sonnerait l'alarme, ce serait les descentes partout, les grosses enquêtes, les arrestations, etc. Mais ces compagnies de tabac font fumer de l'arsenic à tout le monde depuis des décennies et il n'y a aucune réaction, pourtant on le sait, c'est seulement une question d'habitude et d'acceptation sociale : «si tout le monde peut fumer, ça ne doit pas être si mauvais que ça» qu'on se dit inconsciemment. Et pourtant, attends au bout de quelques années pour voir les effets, le verdict est sans appel : t'es presque assuré d'avoir le cancer du poumon...

En 1998, 13 295 Québécois sont morts des suites du tabagisme, soit une moyenne de 36 personnes par jour... Et après on vient nous rabattre les oreilles avec le «fléau» de la drogue? Un peu de cohérence svp. Si on tape tant sur ces drogues et peu sur le tabac ou l'alcool qui sont beaucoup plus nocifs, c'est parce que ce sont des drogues acceptées et «fonctionnelles» : c'est-à-dire qu'elles ne nous empêchent pas vraiment de travailler. Oui, le but est de toujours rester utile au système, ou plutôt, exploitable, et de nous faire toujours rester dans un certain «état d'esprit», obsédé par les spéciaux des circulaires, la 6/49, pis les chars...

Voici d'ailleurs un petit extrait du site Info-Tabac :

«Les chercheurs ont estimé que le tabac avait tué 9 224 Canadiens de plus en 1998 qu’en 1989. Comme d’autres recherches l’avaient fait auparavant, la présente étude atteste que les produits du tabac tuent six fois plus que les meurtres, l’alcoolisme, les accidents de voitures et les suicides combinés ensemble.

Parmi toutes les régions canadiennes, c’est au Québec que le ratio des victimes du tabac est le plus élevé. Dans notre belle province en 1998, le tabagisme était à lui seul responsable de 25 % des décès enregistrés.»

Imaginez, 1 décès sur 4 est causé par le tabac! C'est fort!

En conclusion : l'augmentation de ma consommation d'alcool vient remplacer mon «besoin», ou mon envie, de prendre de la coke, une certaine dose thérapeutique que je prenais habituellement aux deux ou trois mois et qui me faisait du bien. J'avais l'impression alors de faire la vidange et de restarter la machine : j'avais de l'énergie et de la bonne humeur pour un mois ou deux, puis je recommençais quand j'en ressentais l'envie. Mon poids était stable et je n'avais pas autant besoin de boire. Maintenant que j'ai arrêté de consommer, je bois beaucoup plus, à un point tel que c'est rendu un vrai problème : je n'ai donc remplacé un problème que par un autre, mais plus gros et beaucoup plus coûteux, financièrement, et au point de vue de la santé. Mais comme je l'ai dit à propos de la nocivité de l'alcool et du tabac : j'ai de la difficulté à arrêter de boire, peut-être plus qu'à arrêter n'importe quelle autre drogue...

C'est un nouveau défi pour moi, et c'est pourquoi j'escalade le Mont-Royal, comme j'en ai déjà parlé à Minou : je traverse une épreuve «physiquement», qui symbolise l'épreuve que je dois traverser «mentalement», et qui m'aide à y parvenir. Je refais littéralement mon architecture cérébrale et mentale, et c'est aussi pourquoi, inconsciemment, j'ai décidé de commencer à parler d'architecture sur mon blogue.

Je veux me guérir cette semaine, j'en ai plus qu'assez de cette merde...

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