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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 25 mai 2010

Sur le sens de la phrase : «Je dors là»

Est-ce qu'une phrase peut vouloir dire que ce qu'elle veut dire? Voilà une grande question. En effet, à chaque fois que je fais une constatation plate, terre-à-terre, de premier niveau, elle est toujours immédiatement et systématiquement comprise par ma blonde au deuxième niveau, un niveau auquel je n'ai jamais encore eu personnellement et mentalement accès... C'est peut-être dû à ma formation très tôt au coin de la science, je ne sais pas. Mais on dirait que ma blonde pense selon une autre logique que la mienne : la plupart du temps, on ne se comprend pas. Il faut toujours que j'explique, que je précise, que j'interprète, et que je me défende de vouloir dire (je pense à Wittgenstein) autre chose que ce que j'ai dit.

Par exemple, un exemple simple, la phrase «Je dors là», que j'ai proféré tantôt et qui a causé un tumulte : eh bien, elle n'a pas été comprise dans le sens que je voulais, et pourtant, ce n'est qu'une phrase composée de trois mots. Vous imaginez ce que ce serait pour un paragraphe, un livre, une oeuvre, une histoire... C'est inimaginable tous les contresens qui peuvent se former dans un simple bouche à oreille, dans une simple élocution mal comprise, et on ne parle que d'élocution, on ne parle pas encore de sens, vous imaginez! Même à l'écrit : le simple fait de mal formuler une phrase ou de la formuler de façon maladroite, peut entraîner de graves erreurs d'interprétations. Aussi, quand on a toutes les interprétations en main, tous les sens, il est encore possible de mal choisir. Pourtant, la Terre continue de tourner quand même et l'on arrive à avoir des rapports sociaux normaux, comme si tout allait sur des roulettes : c'est peut-être la meilleure preuve qu'il y en a qui se contentent de se fermer la gueule au lieu de composer des dissertations sur ce qu'ils ont dit en réalité, ce qui ne ferait que les foutre davantage dans le pétrin.

Pour revenir à mon propos : j'ai dit ce matin à ma blonde qui était debout à côté de moi en train de se préparer pour aller au boulot «Je dors là». Je ne me souviens plus précisément pourquoi je lui ai dit ça, mais ce devait probablement être à cause que je dormais ... Néanmoins, cette simple phrase en tous points d'apparence anodine cache un abîme d'incompréhension : elle a compris la phrase «Je dors là» dans le sens de «Laisse-moi dormir», alors que je n'ai jamais voulu dire ça. Alors là, immédiatement, sans avertissement, la cassette s'est mise en marche : elle m'a reproché de ne pas l'avoir laissé dormir, en fait, de ne jamais la laisser dormir, puis que je me tourne beaucoup, et vu mon poids, c'est comme si elle avait une baleine dans le lit, et etc. Et puis ta chatte que je lui ai dit, tu ne penses pas qu'elle nous réveille les deux constamment quand elle miaule à toute heure de la nuit pour avoir de la nourriture ou je ne sais quoi? Elle n'est pas dérangeante elle?

Mais là n'est pas la question, car au départ je n'ai jamais voulu dire «Laisse-moi dormir»... Alors, vous voyez comment on est parti, hein? Et sur des terrains glissants en plus. Rien pour que je puisse me rendormir en effet, et c'est d'ailleurs pourquoi j'écris ce maudit billet au lieu de dormir...

Elle a eu ce qu'elle voulait, je viens de comprendre là : me faire me lever en même temps qu'elle, même si je ne travaille pas, juste pour se venger d'avoir à aller travailler et moi pas... Maudit que la femme est rusée...

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