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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 17 juillet 2010

La survalorisation de l'«efficacité» narrative

Rien à dire encore une fois. Bois une bière, c'est tout. Elle est bonne.

Je ne suis pas obligé d'écrire, mais j'écris pareil, pourquoi? Bonne question.

Peut-être parce que je suis fasciné par les touches? Que j'ai envie de pianoter, mais que je claviote à la place?

C'est vrai que j'aime taper. N'importe quoi. J'aime voir le texte avancer à l'écran, constater que je ne dis absolument rien, ça m'occupe l'esprit un moment, ça me distrait.

Je rêve d'avoir quelque chose à dire, d'avoir une idée brillante à exposer, mais ça ne vient pas.

Vous voyez, c'est ça la vie : souvent, on n'a rien à dire. Il n'y a pas de mise en scène possible. Mais pourtant c'est ce qu'on voit dans chaque narration, que ce soit un film ou un roman : les personnages ont toujours quelque chose à dire. C'est pas la vie réelle ça. C'est même très loin de la vie réelle.

Dans la vie réelle, il y a des trous, des silences, des blancs de mémoire, de longs moments de réflexion «intérieure». Il est rare que les choses s'enchaînent comme dans une narration. Une discussion entre deux individus qui viennent de se rencontrer et qui sont intéressés à poursuivre l'échange, comme dans une première date par exemple, ressemble plus à dialogue «réseautique» que narratif et «linéaire».

Premièrement, les deux personnes n'ont pas une vue directe ou une compréhension d'ensemble de leur vie comme les personnages d'histoire qui se racontent et semblent détenir la clé de tous les aspects de leur vie.

Les personnages disent souvent «je suis ceci, je suis cela» et font le tour d'eux-mêmes comme des choses qu'on tient sous le regard. Ils ne sont pas «opaques» à eux-mêmes, puisqu'ils ne peuvent pas l'être face au public qui serait alors en droit de demander une justification de leur présence dans l'histoire. C'est ce qu'on pourrait appeler l'«économie» narrative : il n'y a aucune «perte». Toute l'histoire est pensée en fonction de l'«efficacité».

La survalorisation de l'efficacité narrative nous amène à couper des pans entiers de notre vie dans notre compréhension «rationnelle» de nous-mêmes. Nous choisissons les éléments qui entrent dans une composition linéaire et nous faisons abstraction du reste, de ce qui va dans tous les sens, de ce qui est «chaotique» ou «imprévu». C'est ce qui amène cette fausse impression de «complétude» chez les individus, alors qu'il n'en est rien et que la personne demeure toujours essentiellement «en projet».

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