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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 6 juillet 2010

Les idiots de TLMEB

Je me souviens du temps où j'ai commencé à bloguer. Je cherchais à mettre le plus de tags possible comme sur le blogue très populaire de Un Taxi La Nuit. Je voulais m'inscrire sur plein de sites de blogues pour être lu par le plus de monde possible, pour avoir une certaine reconnaissance, et aussi dans le vague espoir de connaître une certaine popularité et qu'une maison d'édition me propose un jour de publier quelque chose. J'ai finalement été publié deux fois, mais en Suède. J'étais très fier de mon coup.

Lorsque TLMEB est arrivé avec l'idée d'établir un classement pour ses blogues, quelques blogueurs se sentaient en compétition avec d'autres et n'aimaient vraiment pas ça, au point qu'ils se sont désinscrits de TLMEB ou qu'ils ont arrêté de bloguer par simple découragement de toujours être si loin dans le classement et de ne jamais arriver à être premier. Sur le coup, je trouvais que c'était vrai, je trouvais ça un peu stupide de nous mettre ainsi en compétition, mais en même temps, je croyais pouvoir en retirer quelque chose, j'étais donc partant pour la compète, comme tous les mâles ambitieux qui rêvent de se promener un jour en Ferrari sur Crescent et d'embarquer des poules de luxe.

Ce qui s'est produit avec la montée de la compétition, c'est que les autres tags ont commencé à disparaître progressivement de la plupart des blogues, moi-même je les ai retirés du mien et je n'ai conservé alors que celui de TLMEB avec son palmarès de blogueurs en mode rat race, occupés dorénavant à se bitcher l'un l'autre, spectacle surréel assez pitoyable lorsqu'on se déconnecte de tout ça et qu'on assiste de loin à la manifestation de toute cette promptitude des Québécois à exceller dans le volontariat à la petitesse.

C'est l'impression que ça m'a fait aujourd'hui lorsque je suis allé sur TLMEB pour voir où certains blogues avec qui je «compétitionnais» en étaient rendus dans leur score. Je me sens tellement loin de tout ça maintenant. Je les imagine tous en train de trimer dur pour gagner un point dans le palmarès, alors que j'ai l'impression d'être en vacances sur ma petite plage, sans aucune pression. Maintenant je trouve ça ridicule, mais il fallait que je passe par là, que j'essaie le jeu, que je vive l'expérience, comme pour mes expériences sur les réseaux sociaux dont j'étais fou à l'époque. Oui : «fou».

Le processus ressemble à ça : ça devient indispensable, et on s'imagine mal une vie sans son petit compte Facebook ou MySpace, on s'implique fort, on ouvre des groupes, beaucoup de membres s'y joignent, mais bizarrement, il n'y a aucune participation. On se dit qu'on est en train de perdre son temps solide avec du monde qu'on ne connaît pas, et qui, au bout du compte, se foutent complètement de nous. Alors on se désinscrit, puis après deux jours on se réinscrit pour toutes sortes de «bonnes» raisons, et se désinscrit à nouveau au bout d'un mois pour se réinscrire pas longtemps après, et ça continue comme ça une couple de fois, on oscille fortement, puis finalement on se désinscrit pour de bon par pur ennui et on ne revient plus.

C'est à ce moment qu'on réalise qu'on a été temporairement fou ou hypnotisé en pensant que ces réseaux sociaux nous étaient indispensables... Eh bien, c'est la même impression que m'a faite aujourd'hui la vue des palmarès par catégories de TLMEB : des gens qui perdent leur temps à compétitionner stupidement et qui ne voient pas que tout cela ne mène nulle part, mais qui sont incapables d'être seuls dans leur coin et finissent par faire comme tout le monde comme si ça allait de soi, mais ça ne change rien à l'affaire : ils se retrouvent quand même seuls dans leur coin ensemble. Cependant, ce qu'ils perdent en passant par ces interfaces et en étant exposés constamment au jugement parfois sévère des autres, c'est leur capacité à être «eux-mêmes», tout simplement. On constate souvent que les billets sont tout sauf «naturels», qu'on cherche à piquer la curiosité avec des titres accrocheurs ou provocateurs, et qu'il y a toujours ce souci de l'autre, du lecteur, mais que l'écrivain, la personne réelle, le «sujet», lui, a disparu.

Nous ne devenons alors que des «divertisseurs» évalués, jugés, sérialisés et standardisés par l'autocensuration, des promoteurs numérotés des réseaux sociaux et des moteurs de recherche où toute authenticité, individualité et personnalité propres ont disparu.

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