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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 5 juillet 2010

Jazz rime avec gaz

Le jazz c'est gazant. Il n'y a rien de plus plate que de se planter quelque part pour assister à un spectacle, que ce soit du jazz ou autre.

Le commentateur du spectacle de Cyndi Lauper à RDI : «Une voix un peu nasillarde, mais nous avons passé quand même une très belle soirée, etc.»

Moi c'est le bout «nous avons passé une très belle soirée» avec un sourire satisfait : je trouve tellement qu'il y a du mécanique là-dedans, ça m'énerve au plus haut point ce genre de phrase et d'air affiché pendant qu'on l'énonce. L'air dit tout : c'est comme si la personne avait assisté à quelque chose d'«exceptionnel», mieux, c'est comme si elle avait assisté à l'«Histoire de la pop», et peut-être même, pourquoi pas, à l'«Histoire mondiale» en personne. Tous se pourlèchent les babines d'avoir assisté à un événement «unique», mais en réalité il n'y a rien de plus crissement banal aujourd'hui, puisque tous les événements sont «uniques» justement, made in China en série. L'unicité ce n'est plus la personne, c'est «eux» sur un piédestal, ou c'est vous la masse qui reste béate devant ces nouveaux dieux, dans une autre forme d'unicité, mais idiote et nulle. Le conseil que j'aurais à donner à tous ces courailleux de spectacles c'est  : get a life, ou, get a brain.

J'étais en train de pisser l'autre jour au gym et j'avais devant moi une publicité comme on en trouve partout aujourd'hui au-dessus des pissotières, comme si ces connards ne pouvaient pas nous foutre la paix deux secondes, et je regardais cette pub qui me révélait quelque chose : une foule dans l'obscurité avec des portables en train de filmer çà et là ce qui se passe en avant sur la scène, mais tous rivés vers ça justement et comme seuls, tous vraiment seuls, avec leur crisses de portables, dans une vie de solitude, le cerveau branché sur une source qui leur dit quoi écouter, comment s'habiller, ce qu'il faut ressentir dans telles et telles circonstances, qu'est-ce qu'il faut dire, comment réagir, comment penser, qu'est-ce qui est «bon», qu'est-ce qui est «mauvais», ou, à la rigueur, ce qui est «in» et ce qui est «out», etc.

Je me disais intérieurement que l'être humain est définitivement sérialisé, et puis finalement, que ça va mal. J'ai rembobiné mon boyau, remonté mon short, et suis parti m'entraîner. Je vais commencer à lire tout ce qu'Adorno a dit sur la fameuse «industrie culturelle», puisqu’autant je ne la voyais pas auparavant et je trouvais cette critique alarmiste voire fausse, autant je sens maintenant que nous sommes en plein dedans et que tous les dangers qu'on craignait, dont on nous avertissait à grands coups de cloches, de canons, ou de casseroles en fonte, eh bien, ils se sont réalisés et il est peut-être déjà trop tard. En tout cas, cette «unicité» zombique est très dangereuse, et une grande guerre ou de grands troubles sociaux ne sont probablement pas loin. Ces foules en délire devant une source unique me font penser aux foules en délire devant Hitler : les acteurs changent, mais l'histoire se répète, et tous n'y voient que du feu.

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