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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 13 juillet 2010

Questions sur le sens de la vie

1. Est-ce que je me sens connecté avec mon passé, avec mes rêves de jeunesse?

Ce matin, oui. Ça faisait longtemps que je n'avais pas repensé à mon passé plus lointain. Habituellement, je reste confiné aux dix dernières années de ma vie, alors qu'il y a toute une montagne de vie, d'espoirs et d'histoire au-delà. Je suis sorti de mon rêve très tôt ce matin, alors je suis resté dans mon lit en repassant dans ma tête ce que j'avais vu. J'étais dans un état qu'on pourrait appeler l'«esprit neuf» dont parle le Zen, et que je comprends d'une certaine façon, mais ce n'est peut-être pas la bonne interprétation, peu importe.

Pour moi, l'«esprit neuf» est directement et constamment relié à son passé. C'est donc tout le contraire d'une évacuation de celui-ci. C'est un renouement avec la première vision des choses, non entachée, un retour à l'«esprit du débutant».

Il ne faut pas le confondre avec la prescription de Don Juan Matus d'«oublier son histoire personnelle». Cette prescription peut sembler similaire à celle de faire un retour à l'esprit du «débutant», mais en réalité elle est, selon moi, le contraire, puisqu'elle est anhistorique et vise à faire «table rase» des expériences du passé, de sa vision passée, et recommencer à neuf à partir de maintenant, donc, en dehors de la vision encore «vierge» de l'esprit du débutant.

2. Quelle fut l'impression laissée par ce retour en arrière?

Je me suis senti laid dans ce que je suis devenu. Je n'ai pas été à la hauteur de mes espérances, je n'ai pas donné le meilleur de moi-même et je me suis laissé décourager.

Bref, je ne suis plus la même personne que j'ai été. J'ai fait beaucoup de chemin, mais je ne me suis jamais rendu nulle part. Je n'ai jamais accepté d'avoir une identité fixe, et cela fut, en somme, le problème de ma vie. J'ai toujours eu peur de mourir en restant fixe, en choisissant un métier, en m'enfermant dans une discipline, etc. J'ai toujours lutté pour être libre de tout et laisser mes possibilités ouvertes, jusqu'au niveau existentiel. Mais ce monde n'est pas fait pour des êtres libres, il est fait pour des animaux, et c'est ce que personne ne voit tant qu'on ne revient pas à l'«esprit du débutant», et aussi, à l'esprit du jeu. Voyez-vous, les hommes s'entretuent aux frontières : nous sommes fous. Nous avons oublié qui nous sommes.

Finalement, avec mes rêves multiples, mes rêves de plus en plus flous, pris à lutter pour trouver de l'argent, pour survivre, je suis devenu laid, mesquin, méchant, sombre : j'ai perdu ma vision «neuve» des choses. Je me suis souillé moi-même, j'ai voulu m'éliminer. Je n'avais plus de respect pour moi-même ni pour les autres, ni pour rien.

Je suis devenu critiqueur de tout, je n'arrivais plus à avancer dans rien, de plus en plus frustré par ce monde, et parfois pour de longues périodes, par moi-même qui n'arrivait pas à m'y adapter. Je sais intimement que ce n'est pas la bonne chose à faire, de chercher à me conformer, mais je n'ai tellement plus de ressources avec le temps, avec l'âge et le découragement d'avoir à toujours tout recommencer, que je sens que n'ai pas le choix de passer dans le moule et de tout oublier, de laisser définitivement de côté mes espoirs passés, mes rêves.

Ce matin, je sentais que la mort n'était pas loin. Que je suis peut-être atteint d'une tumeur ou d'un autre mal qui en finira rapidement avec moi. Je suis dans une impasse, je stagne, je fais du surplace, ce que je fais ne va nulle part, et surtout, je n'ai plus de projet de vie depuis longtemps, parce que je n'ai pas assez d'argent pour pouvoir me payer ce luxe. Je suis usé. Je me sens usé. Tout est effrité par la pauvreté : ma bonne humeur, mon espoir, tout ce qu'il y avait de beau en moi. Je suis une expérience. J'ai fait une expérience avec moi-même. Je voulais tester mes capacités à pouvoir résister à ce monde, à la chosification.

Je me suis bousillé moi-même. Je ne crois plus en rien. J'ai coupé tous les ponts avec mon être à cause de la pénurie de l'«avoir», à cause de mon pari sur l'«être», un pari mortel dans ce genre de société crinquée sur l'argent et le «travail», ce dernier étant synonyme la plupart du temps d'«exécuter une tâche désagréable». Tout demande un effort considérable, voire, monumental. Tout est long et difficile, pour nous décourager d'aller plus loin. Pour finir par tous nous ranger dans des petites cases bien ordonnées en consommateurs satisfaits...

Non, ce monde n'est pas le mien. Je vis dans un monde en transition, un monde de dinosaures qui a encore besoin d'une petite poussée pour tomber définitivement.

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