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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 15 juillet 2010

On vend son corps ou on casse des gueules

1.Je descends les marches pour aller chercher le magazine qui est pris dans la fente de la porte et qui fait joyeusement monter tout l'air chaud jusque chez moi. Je pense en le regardant : «m'as-tu vu le fouillis d'informations inutiles et de merde... tout pour te distraire d'apprendre vraiment quelque chose... des potins, des potins, que des potins... ça te remplit une cervelle ça».

2.Je me sens agressé chaque fois qu'on me tend un journal au métro ou qu'on me sollicite lorsque j'écoute la tévé à aller dans des festivals, des expositions, des activités culturelles, des spectacles, à faire ceci ou à faire cela, à aller ici ou là, etc. «Il FAUT aller voir tel film, tel spectacle...» Pourquoi il FAUT? Est-ce que j'ai autant pas de vie moi?

3.Quand dans un couple les sujets principaux de discussion sont la vaisselle, les vidanges pis les bills, ainsi que «qu'est-ce qu'on va manger à souère» : ça va mal.

4.Soit que les gens ont le cerveau mou et que l'industrie culturelle contribue à le ramollir davantage, soit que c'est parce qu'il est déjà très mou que l'industrie culturelle est prospère. Le premier choix jette la faute sur la société et l'industrie, le deuxième, sur les individus eux-mêmes par les mauvais choix qu'ils font.

5.On dirait que tout conspire à nous rendre passifs et superficiels afin de nous faire consommer davantage de bidules dont nous pourrions facilement nous passer.

6.La machine capitaliste produit TROP : elle doit trouver des incitatifs qui conduisent à toujours plus de consommation, elle doit titiller le désir pour tel objet, telle chose, tel mode de vie, etc. Elle doit nous exciter, nous solliciter et nous rendre impulsifs en permanence. Elle doit mouler l'opinion «publique» et nous inciter à s'y conformer. Elle doit créer des distorsions sémiotiques en ne nous vendant pas seulement une auto ou une banale paire de souliers, mais «un mode de vie». Elle n'a pas le choix : c'est le fonctionnement même du système qui impose cela... jusqu'au grand crash financier. Seul le crash peut arrêter la machine. Pourquoi le crash? -Parce que ça rentre pu : les gens ont trop consommé, obésité, etc. Pourquoi tout doit casser rapidement? Parce que les biens qui sont trop durables sont improductifs à la longue pour le système capitaliste, etc. Quand les gens n'achètent plus, ne consomment plus pour une raison ou une autre, ou qu'ils ne consomment que le strict nécessaire : c'est l'embouteillage des biens qui cherchent preneurs, et le crash. Est-ce qu'il faut que les gens consomment davantage? -Non, il faut ralentir la machine, c'est tout. Mais cette option est impossible à cause de la concurrence. D'une façon ou d'une autre, la division et la non-coopération nous amènent tous vers la faillite à long terme : la faillite de tout : de la société, de l'environnement, de l'industrie.

7.Le fonctionnement du système capitaliste n'est pas différent du troc : je suis payé tant d'argent pour faire tel travail : la quantité d'argent que j'obtiens en contrepartie du travail n'est pas une mesure approximative de l'énergie qu'il m'en coûte pour l'exécuter, mais une simple entente sur l'équivalence entre deux biens : le produit final de mon travail et le bien auquel j'aurais droit en échange. Il se produit aussi les mêmes problèmes que dans le troc : une fourrure = 30 livres de beurre : à un moment donné, toute la tribu a les fourrures dont elle a besoin, et l'autre tribu a aussi du beurre en masse en réserve... Qu'est-ce qui se produit? -Il faut l'inciter à consommer PLUS de beurre, et à se multiplier, à fourrer non-stop en lui pitchant de la porno à tour de bras et des pubs sexy, etc., afin qu'il se crée de nouvelles bouches à ingurgiter. Et pour l'autre tribu : on doit lui faire des fourrures plus cheap, qui dureront moins longtemps, ainsi que diversifier ses goûts en créant toujours de nouveaux modèles, etc., de façon à ce qu'elle consomme continuellement de nouvelles fourrures et qu'elle soit incitée à mépriser les anciennes, ou à les jeter tout simplement.

Quand les gens ne sont plus capables d'ingurgiter davantage de beurre parce qu'ils vont éclater ou qu'ils sont rendus chroniquement malades ou qu'ils en ont accumulé des montagnes telles qu'ils en auraient jusqu'en 2150, et que de l'autre côté la tribu commence à raccommoder ses fourrures et méprise la mode, il se produit le CRASH. C'est-à-dire, dans le système capitaliste, que nous restons avec nos biens présents, et que l'argent ne vaut plus rien : nous revenons au troc pur : si je veux manger, je dois aller à l'épicerie et donner de l'or par exemple, ou d'autres biens estimés approximativement équivalents... Le seul problème, c'est que nous n'avons aucune crisse d'idée de quelles pourraient être ces équivalences! À quelle quantité de nourriture correspond par exemple une télévision au plasma? L'évaluation individuelle serait interminable, et disons-le, carrément impossible. Le pillage et la guérilla étant plus simples, il est davantage probable, dans cette situation, que c'est cela qui se produira.

8.Après avoir passé ma télévision au plasma, mon ordinateur et mes autres biens d'une certaine valeur, je n'aurai plus rien à échanger contre de la nourriture et des vêtements : je dois donc PRODUIRE quelque chose dont les autres auront besoin si je ne veux pas manger que des bananes pendant le reste de l'année. Supposons que je me mette avec d'autres à construire un petit atelier de production de bouchons à bouteille de vin. C'est bien beau cette idée, mais même si Maxi accepte mes bouchons à bouteille de vin en contrepartie de nourriture, à un moment donné, la compagnie n'en verra plus l'utilité parce qu'elle en aura trop et les refusera. Donc, quel est le résultat de ce beau système capitaliste : je ne sais plus comment rien PRODUIRE, puisque je ne fais seulement qu'ACHETER des produits. Je peux aussi vendre mon cul, mais disons que quand tout le monde a bien joui, je me retrouve encore une fois bredouille. Quand on n'a vraiment plus rien à vendre, on vend son corps ou on casse des gueules.

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