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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 mars 2010

Il faisait une belle femme

Je l'ai revu l'autre jour, j'étais au café. Je ne crois pas qu'il m'ait reconnu, de toute façon, il n'était pas vraiment attentif à rien, il ballotait là, comme un ballon de plage sur l'eau, en débitant des conneries sur un ton qui descendait à chaque fois en fin de phrase avec un bs, ce qui indiquait le niveau de décadence auquel il était parvenu. J'avais honte d'avoir couché avec cette loque.

Tout ça remonte à au moins quinze ans, c'était un des travestis de la faune transex de l'époque. Il était convaincant en femme, et il avait indéniablement un côté assez féminin pour que je puisse ne pas le prendre pour un gars. On s'était retrouvés dans un appart sur St-Cath dans l'est, un appart vide avec un téléphone seulement, mais full equip avec toutes les fonctions. Je trouvais ça bizarre. Je n'arrivais pas à déterminer si c'était son appart, ou quoi d'autre? Peut-être qu'il squattait là... ou qu'il faisait des clients par petites annonces... En tout cas, on a fourré comme il faut. Il faisait une jeune femme pas pire, il devait avoir vingt-deux ans, dans ce coin-là, j'ai bandé, on a utilisé des capotes je crois, m'en souviens plus. On baisait sur un futon posé directement sur le sol : c'était vraiment basic notre affaire. Pas de meubles, pas de colocs, pas de drogue, pas d'alcool : le lit, ma graine, son trou du cul. J'ai dormi là. Le lendemain, on a trouvé de quoi manger en fouillant dans les armoires. Puis, on est allé se faire griller sur le toit : c'était une belle journée d'été et il faisait très chaud. Je suis parti dans l'aprèm, puis on ne s'est plus jamais revu. Je me câlissais de toute dans ce temps-là, je pense même que j'avais une blonde, je n’étais pas vraiment conscient, je marchais sur les poussées d'hormones. Il faut dire que la conscience et la fidélité sont des choses assez récentes chez moi.

Ce qui m'a donné un choc, c'est qu'à l'époque je l'imaginais devenir une vraie femme bientôt, c'est-à-dire, commencer la prise d'hormones puis se préparer tranquillement pour le changement de sexe. Mais ce n'est pas du tout ce qui est arrivé : il n'est pas devenu une femme à l'esprit vif comme c'était possible de l'entrevoir à ce moment-là, il est devenu un gros nonchalant mou sans volonté sur le bs, un gars fini, pourri en dedans. C'est vraiment honteux, mais rien ne m'indiquait quand on s'est connu que c'était une personne très intelligente de toute façon. Je crois aujourd'hui que le farniente qui le caractérisait alors était plutôt un indice de sa stupidité et de son incapacité que de la langueur occasionnelle d'une personne intelligente, mais prétentieuse et un peu au-dessus de ses affaires.

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