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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 15 mars 2010

J'attends que toute pète

J'ouvre ma boite courriel Yahoo, on me crisse un hamburger juteux en pleine face. Conséquence : j'ai une faible envie de manger un hamburger fait maison, ou de la viande de boeuf, mais je n'ai pas l'envie spécifique de manger un Wopper, non. Une seconde avant, je n'avais pas envie de manger de la viande de boeuf, une seconde après l'image, j'ai un nouveau désir conscient de manger quelque chose de précis : un hamburger. Si l'entreprise en question ne peut pas être certaine que je vais venir chez elle pour acheter des hamburgers, elle a au moins une plus grande chance que j'aie envie de manger de la viande de boeuf tout court après avoir vu l'image. Alors, si la pub ne profite pas directement à l'entreprise concernée, à qui profite-t-elle?

C'est la même histoire pour la bière : je vois un commercial de Budweiser, bière que je ne bois jamais, et si l'envie me prend à ce moment-là, je vais acheter de la Coup de Grisou, de la Guinness ou de la Sleemann. L'entreprise fait donc alors de la pub pour les autres entreprises, à moins que l'une d'elles lui appartienne... et c'est l'avantage pour celles-ci de devenir toujours plus grosses, comme des monstres tentaculaires qui s'approprient des domaines diversifiés de la consommation de masse, et d'acheter d'autres marques sans qu'on le sache.

Comme disait Baudrillard, personne n'a jamais eu la preuve que la pub était efficace. On lance de l'argent là-dedans en espérant qu'il y aura un retour d'investissement, mais rien n'est garanti, et qu'est-ce qui dit que c'est vraiment la pub en question qui a eu cet effet?

L'entreprise Body Shop se vante de ne pas faire de pub, elle se contente d'en faire avec les façades de leurs magasins qui ont pignon sur rue et qui se multiplient comme les cafés Starbucks, qui eux aussi ne font pas de pub. Mes félicitations, mais personnellement je m'en fous, parce que plus rien n'a d'importance quand on est rendu là : on se fait encore de la pub en disant qu'on ne fait pas de pub, et voilà, j'en parle.

Je parle de tout ça parce que le harcèlement publicitaire m'énerve au plus haut point. Au point que je n'écoute presque plus la télévision depuis des années, que je n'achète plus de magazines ou de journaux, que je n'écoute plus la radio ni les nouvelles, que je ne vais plus au cinéma depuis que je me suis fait bombarder de pub la dernière fois pendant presque 1 heure complète, que je jette toutes les circulaires avant même de les avoir regardé ou je me contente de marcher dessus et de les laisser s'accumuler, que je raccroche sauvagement après trois secondes lorsqu’une personne m'appelle pour faire un sondage ou me vendre quelque chose. Il est inutile de mentionner que quand on m'aborde dans la rue pour me quêter de l'argent, je ne les regarde même pas, et il arrive même qu'une personne m'aborde pour avoir un renseignement, mais je ne réponds même pas la plupart du temps, je suis déjà rendu loin... Je ne veux plus rien savoir de personne.

Conséquence finale de l'excès de pub et de sollicitation : JE ME FERME À PRESQUE TOUT. Je pense en circuit fermé, je consomme peu, je n'écoute presque plus de musique, je ne suis aucune mode et je ne vais à la librairie que pour acheter des livres dont j'ai vraiment besoin et que je ne trouve pas en usagé.

J'ai les nerfs à fleur de peau, et personnellement, je crois que le tissu social a subi un fisting tellement intense et profond, qu'il ne pourra plus jamais retrouver sa solidité d'antan. C'est fini ce temps-là. Plus personne ne pourra s'entendre avec personne. La surcharge d'information fait que nous sommes maintenant tous différents, que nous croyons tous des choses différentes et dans le détail. Nous vivons dans la multiplication exponentielle des opinions divergentes.

C'est la surinformation et la pression du capital sur celle-ci qui cause cet éclatement total de l'univers mental des individus. À chaque instant, nous sommes prêts pour la guerre, car nous nous détestons tous viscéralement, peu importe que vous soyez de la gauche ou de la droite, pacifiste ou autre. Les gens de la gauche, contrairement à leur allure peace and love et d'acceptation de tous, sont les plus sauvages, car ils se sentent agressés et sont, dans leur esprit, continuellement en position de défense. J'ai vu de près à quel genre de personnes j'avais affaire dans une engueulade avec la responsable d'un OSBL pour lequel je travaillais bénévolement : c'est pas du beau monde. Ces gens ne travaillent pas pour de l'argent, ce qui serait dans leur cas un moindre mal, ils travaillent pour des idées, des principes, ce qui les rend autrement plus féroces, rancuniers et méchants, car tout est justifié n'est-ce pas quand il s'agit de faire à notre place notre propre bien? Vous voyez, c'est la même idée meurtrière qu'on retrouve partout, jusque chez Mill avec l'utilitarisme, jusque dans la tête des scientifiques. TOUT le mal que nous faisons est justifié si celui-ci sert au bonheur du plus grand nombre. C'est dans cette optique qu'on justifie toutes les souffrances infligées injustement, et tous les sacrifices. On ne voit RIEN avec ces lunettes idéologiques, et surtout pas la réalité ou l'individu ou l'animal ou l'environnement qu'on a devant nous.

Personnellement, je travaille pour de l'argent. Je n'ai pas d'idées ou de principes fixes. Je prends mon cash, je câlisse mon camp chez moi, je me fais un petit café en lisant un bon livre, et j'attends que toute pète : c'est aussi simple que ça.

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