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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 22 août 2009

Les tites photos et les beaux profils

«Vous avez beaucoup d'«amis»? Vous êtes populaire? C'est que vous devez sûrement être important

C'est de cette façon que les entreprises de réseautage veulent qu'on pense. Au fond, on nous vend l'idée d'un fame rapide et d'«amis» instantanés. Mais savons-nous encore ce que veut dire le mot «ami», ce terme galvaudé?

Un véritable ami, c'est rare, et la communauté d'«intérêts» ne suffit pas à en faire un. La plupart du temps on confond ami et copain; le copain, c'est celui avec qui on fait des activités dans le même lieu, ça peut être un collègue de bureau, un buddy au gym qu'on croise régulièrement. On change de gym ou de boulot, on perd le contact. L'ami, lui, est invariable, il reste au fil du temps. Celui qui sera prêt à faire votre épicerie si vous tombez malade est probablement le seul ami que vous avez dans votre fameuse et longue liste d'«amis».

On dira, «Bon, encore un autre qui critique Facebook, alors qu'il doit lui-même avoir un profil sur le réseau». J'avoue que les contacts par réseau sont très tentants et peuvent sembler valorisants quand on souffre de solitude. Mais il suffit de prendre conscience de la mentalité qui s'installe ou se renforce avec l'utilisation et la popularité de ces réseaux. Sans s'en rendre compte, on est invité à consommer de l'«amitié», un simulacre d'amitié en fait, pour nous donner l'impression d'être moins déracinés. L'«ajout d'amis» devient alors du consumérisme au même titre que l'achat compulsif de biens matériels : on se sent moins seul ou encore, moins «nul», quand on a des milliers de petites photos d'amis sur son profil. La mentalité de la quantité l'emporte encore une fois sur celle de la qualité. Aussi, il est toujours plus facile de prendre l'avoir pour l'être et de montrer qu'on «a» plus, au lieu de montrer qu'on «est» plus, car l'être c'est la qualité, et la qualité ne «s'ajoute» pas, elle se cultive.

L'abondance matérielle que nous apporte la technologie, et par conséquent la «désolidarisation», puisque nous n'avons qu'à aller au marché du coin pour nous procurer ce dont on a besoin ou lieu d'avoir à travailler ensemble pour construire quelque chose, cultive une mentalité de «prêt à consommer» et de «jeter après usage». L'abondance des pays modernes tue l'«esprit d'étape» et nous voulons tout, tout de suite. Auparavant, on devait faire souvent soi-même les choses; on connaissait les procédés pour y arriver, et on était habitué aux étapes, ainsi qu'à faire preuve d'un peu plus de patience, le temps coulait plus lentement. On apprenait peut-être davantage à construire des amitiés, plutôt que d'essayer de s'en emparer, comme on s'empare d'un marché; aujourd'hui on a perdu le procédé, on veut du tout fait, du «sur mesure», un ami sur commande, comme une pizza au resto ou un repas surgelé; c'est aussi pourquoi nous sommes très forts sur les «grilles», qui nous permettent d'évaluer rapidement, mais aussi très superficiellement. Quand on pense que certaines personnes ne savent même pas comment se faire cuire un oeuf, on se demande bien comment peuvent-ils être capables de se faire véritablement de bons amis, ou des amis tout court.

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