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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 29 août 2009

Don Juan et Casanova

Je lisais «La Bible Érotique» de André Moreau que je rencontré à quelques reprises, mais disons que la plupart du temps on se parle au téléphone, de philosophie, des femmes, de sexe, mais surtout de tout et de rien. Je l'aime bien, et lui aussi. En fait, je le lis depuis mon adolescence et il m'a souvent bien conseillé dans mon cheminement, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout.

Passons au sujet en question : l'opposition Don Juan/Casanova. J'aime bien le type «Casanova» : l'homme sympathique qui lorsqu'il se fatigue d'une femme, s'arrange pour lui trouver un mari. C'est bien, c'est sympa, mais personnellement ça ne fait que montrer à quel point cette femme n'est pas «autonome», et je trouve aussi que ça fait un peu trop «gentleman» : bien des femmes aujourd'hui n'aimeraient pas cette façon de faire. Et l'autre, le «méchant», Don Juan, qui, homme ou femme, jette sa victime une fois qu'il s'est satisfait, sans égard pour l'autre et la peine qu'il peut causer. Moreau, contre le donjuanisme, ne préconise pas une sorte de «casanovisme», mais plutôt une «famille érotique élargie», ce qu'il appelle un «partnership amoureux ouvert» organisé autour d'un «noyau». Selon moi, ce genre de relation, parce qu'il ne tient pas assez compte de la volonté de conquête, est difficile à conserver dans sa forme originale.

Dans les couples échangistes, il peut arriver qu'un des deux partenaires quitte pour un des partenaires de l'autre couple et que les échanges cessent. Quand l'intensité est trop forte, il n'est jamais question de partager; c'est une réaction naturelle et très compréhensible, on appelle ça : l'amour. Lorsque la force d'attraction diminue et qu'un certain plateau est atteint, il est possible d'«échanger» à nouveau. Mais constamment, même dans ces relations ouvertes, il y a une tendance à former des couples qui deviendront «fermés» pendant un certain temps, ou pour toujours. Ainsi, dans la famille érotique élargie organisée autour d'un noyau, il y aurait une lutte pour le «noyau» en question si l'attraction est trop forte pour l'une des partenaires. Le noyau devra alors repousser la tendance à l'exclusivité manifestée par cette dernière et la replacer au sein du cercle érotique des êtres «privilégiés». Cela dissuade en même temps les «donjuanes» en herbe qui pourraient être tentées de monopoliser la source et empêcher les autres d'y avoir accès, avant de l'avoir vidée de ses énergies et de la «jeter».

Mais si cette tendance est naturelle en chacun de nous, pourquoi ne pas lui laisser libre cours? Selon moi, il est naturel que la personne qui se lasse de sa partenaire la laisse tout simplement, peu importe qu'elle soit amoureuse ou non, au lieu de s'asseoir sur son steak en attendant que tout explose. Ça fait du tort à l'autre, mais ça fait aussi du bien à la personne qui s'en va. Dans ce cas, le donjuanisme, fort dangereux et par le fait même beaucoup plus excitant, force l'autre à prendre son plaisir dans l'instant présent et à ne pas se faire d'attentes : il n'y a jamais aucun reste. L'effet de séduction doit être réciproque pour que le jeu soit égal, et les partenaires doivent rester le plus longtemps possible en mode «chasse», produisant une impression d'amour «suspendu» ou de «conquête perpétuelle». Le donjuanisme ne cause des dégâts que lorsqu'un des partenaires seulement est sous le charme de l'autre, comme envoûté, sans qu'il y ait réciprocité. Aussi, c'est le devoir de chacun, s'il se fait planter là sauvagement, de réapprendre à séduire, ou d'améliorer sa technique et de faire une tournée des bars au lieu de poireauter sur place en se remémorant son fétiche préféré. L'amour n'est-il pas la fétichisation de la beauté? Ainsi, chacun doit travailler à développer sa beauté, s'aimer, s'autosuffire et chercher à faire de soi-même une oeuvre d'art qui n'appartient, en principe, à personne. Est-ce que les fleurs s'appartiennent entre elles? C'est sous-estimer la force et l'imprévisibilité de l'amour et du désir qu'espérer pouvoir former une famille érotique où tous pourraient s'entendre à merveille et accepter de partager constamment sa source de plaisir en s'admirant et se remerciant l'un l'autre. Le désir joue dur dans les coins...

Et s'il ne jouait pas dur, ce serait peut-être de la cérébralité, mais ce ne serait pas le désir.

Personnellement, mes peines d'amour ont été des périodes déterminantes dans ma vie où j'ai dû me remettre en question du tout au tout et travailler sur moi-même avec détermination. L'échec en amour est très formateur, et ça réveille quelqu'un de son sommeil conjugal paisible de banlieue. Autrement dit, je me suis développé, je suis devenu plus fort à partir de ces mauvaises expériences. J'ai été forcé de trouver des ressources en moi-même, sinon, je n'avais qu'à me laisser mourir, à me laisser abattre par ce qui était, au fond, ma propre faiblesse.

L'Amour et la Mort s'aiment à mourir. Il faut accepter de jouer à plein le jeu de la séduction et risquer, risquer le tout, pour ce qui est l'amour le plus grand, le meilleur, le plus intense, la fatalité. Lorsqu'on «pense» trop l'amour, on n'est jamais bien amoureux, bien vivant, comme dans la vingtaine, où l'amour est si fou, libre et spontané, et où l'on finit par apprendre malgré soi l'«autre amour» par les forces d'inertie de la société, l'amour «administratif» : qu'aimer, c'est «commencer à prendre le sexe au sérieux». Bien triste amour que celui-là, car l'exclusivité sexuelle ne constitue jamais une preuve d'amour.

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