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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 8 août 2009

On veut du rotte

Je roule dans le métro, et ça me tombe dessus : je suis aliéné, mais pas d'aujourd'hui, depuis ma naissance en fait, depuis toujours, incapable de communier ou même de communiquer avec ce monde profondément débile et disloqué. Avec ce monde qui ne me dit rien, qui m'écoeure par sa légèreté, son indifférence, son insouciance, sa volonté de paraître surtout, de paraître «aliéné». Aucun engagement, aucun coeur, aucune humanité : une machine aliénante et aliénée, une société du spectacle, du showing off. C'est ça le pouvoir? C'est ça être fort? Tout disloquer, tout compartimenter, froidement tuer le naturel en soi? Et l'amour, peut-on y penser? Peut-on y croire encore?

Je ne comprends pas les jeunes d'aujourd'hui, qui sont tous pour moi des malades mentaux à divers degrés (ou peut-être des acteurs de leur propre «brisure intérieure», devant le Nintendo, Mario Brother existentialiste!). J'étais déjà profondément atteint dans mes jeunes années, mais eux, c'est pas comparable. Je me disais au début que c'est moi qui a un problème, qui suis trop vieux, qui est dépassé en quelque sorte par les événements, mais non : il y a un réel problème chez les jeunes, une sorte d'aggravation désespérée (ou inespérée?), à un point tel que c'en devient une caricature, une parodie d'aliénation, que c'en devient comique. Oui, c'est ça que vous êtes : des ti-comiques qui écoutent les Denis Drolèttes et trouvent ça drôle. Trop innocents pour comprendre rien à rien, trop dans la ouate encoucounés à la Portishead.

La mise en avant, à tout bout de champ, de la séparation assumée entre sexe et sentiments, est la première «fausse» dislocation immédiatement visible. Les jeunes se pensent hot, ils n'ont pas de blondes ni de chums, mais des fuck friends. Ayoille! Comme si on venait d'inventer quelque chose! Laissez-moi rire câlisse! Tellement abrutis par la porno! Écoutez : 1. J'ai fait la rue, oui, j'ai vendu mon cul pour de l'argent et pour du crack. 2. Je n'ai aimé que des prostituées pendant toute ma vingtaine. Maintenant, venez me dire que je ne suis pas capable de faire la séparation entre mon corps, mes émotions, etc. Quand ma blonde baisait avec des clients, on n'en parlait pas, on tenait ça mort, je faisais comme si rien ne s'était passé et elle aussi, même si ça me rongeait en crisse en-dedans et que je me gelais le plus possible, je savais intimement, viscéralement, qu'est-ce qui s'était passé dans la chambre; même si on s'était entendu pour qu'elle ne se limite qu'au minimum, les soirs où il n'y avait rien, elle était forcée d'accepter celui qui voulait un complet, faute de pouvoir choisir des plus faciles. Je passais l'éponge parce qu'on était des drogués et dans la rue, et qu'on avait besoin de came et d'un toit pour dormir. J'étais «capable» de faire la séparation, mais puisque j'aimais, même dans ces circonstances extrêmes, je ne la faisais pas, et elle non plus : on s'aimait pour de vrai, dans la misère nouère.

Depuis ces magnifiques années passées à perdre constructivement ma vie, j'ai changé, je me suis remonté le moral, j'ai une vie décente maintenant, mais je suis toujours le même en dedans, j'aime comme j'aimais dans mes pires années, mon coeur est le même. Je suis «un misérable romantique» me répondra probablement un de ces jeunes à l'air satisfait, suffisant et supérieur, qui ont tout vu, qui connaissent tout, qui sont déjà des wannabe blasés à dix ans, ces enflures de chiures de mouches. Je suis un «faible» parce que je ne performe pas comme un acteur porno, parce que j'aime, parce que je n'ai pas tout essayé, parce que je ne suis pas revenu de tout, parce que j'ai de la considération pour la personne avec qui je baise, et que n'importe quand, oui, en effet, ça pourrait aller plus loin, j'envisage la possibilité, parce que je ne baise pas seulement pour me soulager la prostate ou me penser hot parce que j'ai fourré une plotte. Écoute ti-coune, le fife à la Eminem, j'en ai vu d'autre d'accord? Put that in your fucking pipe : j'ai fait mon doctorat en aliénation et en «pestacle».

Je ne sais pas comment appeler ce genre de torsion de l'esprit, de déviation ou d'abrutissement total, parce qu'il est tellement généralisé, mais tout ce que je sais, c'est que le système capitaliste veut ça : isoler les individus pour pouvoir les exploiter au maximum : l'anomie : les machines sans attaches qui ne font que satisfaire des pulsions et consomment impulsivement au plus grand profit des multinationales, qui se foutent de tout, et surtout de toi, le ti-coune. Ils comptent sur votre absence de liens, de solidarité, soumis à la marchandise, et marchandises vous-mêmes, pour vous enculer bien à fond sans que vous n'ayez jamais aucune chance de vous organiser contre l'ennemi commun, parce que trop atomisés, et consentants en plus.

De bonne heure, j'ai compris quelque chose : le meilleur sexe se fait dans l'amour, dans la communion des corps, des esprits. Mais on s'obstine à crier sur tous les toits comme des chattes ratatinées : d'un côté le sexe, et de l'autre les sentiments. Oui, les jeunes sont ratatinés; en tout cas, ils aiment à y croire. Moi je pense que c'est de la stérilité, c'est tout; c'est une incapacité d'aimer, un short d'inventaire, l'amour est sold out. Ces jeunes se comportent comme s'ils avaient déjà tout donné. Laissez-moi rire esti! Ça vit encore chez papa et maman, et la seule adversité qu'ils connaissent c'est celle des jeux du Nintendo. Oui, c'est ça, la génération Nintendo! Une génération en vidéo, de pas capables, de sans volonté, de sans amour, parce que ça prend du guts pour aimer. Game over les sans couilles, incapables d'aimer, incapables de s'engager, drillés à la décadence comme ils aimeraient le croire, puisque ça fait in, incapables de vouloir plus loin que leurs gènes d'idiots satisfaits, incapables d'attendre, de laisser mûrir ce qui vaut la peine, ce qui demande du temps, ce qui a une valeur, incapables de conserver, de protéger ce qui mérite d'être défendu même au prix de sa vie, une génération de lâches, c'est tout. Une génération de pitonneux, qui ne connaîtra jamais la vraie vie, le grand amour, la vraie folie. Une génération Garbage de prêts-à-être-jetés.

Si c'est vraiment ça que vous voulez, que vous voulez comme monde, comme société, ça ne me dérange pas de vous traiter comme de la viande, comme d'la marde, comme des outils, comme des bonshommes de jeux vidéos. Après tout, c'est ce que je suis pour vous. Quel bel avenir nous avons devant nous! Vive Facebook, parce qu'on pourra pu se sentir tantôt en personne, le virtuel c'est en effet beaucoup plus «propre», comme Twilight, c'est loin du blood des rues, de la réalité réelle, en chair et en os et en souffrance. Mais je me fous de votre suffisance et votre prétention, vous allez bien vous la péter vous-mêmes «en attendant que ça paye», moi je continue relax à lire mes livres assis aux premières loges pour assister à la fin du monde parce que tout fout le camp par la stupidité humaine, au moins je vais pouvoir me péter un bon cigare avant de finir en riant comme un damné. Et je cultive plus que jamais mes fleurs, sans aucune volonté de me battre contre la montée d'idiotie universelle. Je préfère les animaux et les plantes aux «humains», ces corps à vidanges.

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