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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 15 janvier 2011

Phénoménologie de la tache

Le 15 janvier 2011 à 2:30 du matin : le Drame...


J'avais l'idée fixe d'aller acheter l'Anatomie de la mélancolie de Robert Burton (quel beau titre!) après avoir publié un billet sur le livre avec un passage que j'aimais beaucoup, et qui, en fait, m'avait vendu celui-ci.. Je n'avais pas vraiment les moyens financiers, et c'est pour cela que je l'avais laissé sur la tablette la première fois, même si j'étais fasciné par le titre et la beauté des deux livres assez massifs (plus de 1000 pages chacun).

J'ai donc repris l'autobus armé de ma carte de crédit afin de payer les 150$ requis pour l'achat.. Je savais que je me préparais à faire une folie, mais hé! la dernière fois que je suis allé à l'épicerie, ça m'a coûté autant pour presque rien, pour de la bouffe et des cochonneries dont je n'ai pas besoin et qui vont se retrouver de toute façon dans la toilette ou dans les vidanges.. Quand j'y pense, j'aime mieux qu'il me reste parfois quelque chose de mon argent.. Quelque chose de concret et d'instructif, pas seulement de la merde..

On rechigne à acheter un gros livre à 60$ en pensant que c'est pure folie, que ça péterait le budget, mais au fil de la soirée, on achète quelques livres sans trop s'en rendre compte, ils s'accumulent dans le pack-sac, et puis quand on se met à compter combien on a dépensé, on réalise qu'on a flambé pas mal d'argent, beaucoup plus que ce qu'on ne voulait pas dépenser au début sous prétexte que ça ferait éclater le budget.. Et pourtant, on survit..

C'est pour ces raisons, entre autres, que je me suis jeté sur ce livre...

Je les ai amenés dans un coin de la librairie pour les feuilleter délicatement.. Tout ce que j'y trouvais était intéressant, bon, intelligent.. C'est clair: j'étais amoureux de ce livre-là et je ne pouvais faire autrement que de sortir de cet endroit et le ramener chez moi..

J'ai donc demandé deux sacs à la caisse: un pour chaque livre.. Je ne devais pas risquer de les abimer ou que le sac se brise à cause du poids.. J'ai transporté mes bébés dans le métro: je faisais exprès que les sacs ne touchent pas le sol, afin, symboliquement, qu'ils ne touchent pas quelque chose de sale.. J'étais un peu extrême dans les soins.. Paranoïaque même.. J'imaginais un trou dans les sacs; j'imaginais la fine membrane de plastique telle la membrane d'une capote: comme cette dernière, elle ne protège pas à 100% contre toutes les saletés.. il y a des pores microscopiques.. on ne sait jamais.. quelque chose peut arriver.. une contamination soudaine.. une contamination imprévue..

Mais à un certain moment, je me suis rappelé qu'il n'y avait rien de «pur»: j'ai donc accepté de déposer doucement mes sacs, en les protégeant entre mes pieds.. J'étais un homme pressé qui avait hâte d'arriver à la maison, je ne faisais donc qu'une chose: je regardais les stations défiler en attendant la mienne..

En montant dans l'autobus, autres précautions à prendre: il ne faut pas risquer de tout gâcher avant d'arriver à destination, c'est toujours vers la fin qu'on commet l'erreur qui annule tout ce qu'on a fait auparavant: j'ai donc placé délicatement mes livres sur le banc à côté de moi, accotés d'une façon à ce qu'ils ne puissent pas tomber même lors d'un freinage sec.. Puis, j'ai décidé de les poser sur ma jambe, car je trouvais que la pression dans les sacs pliait les bords des livres: je les ai déposés avec soin sur ma jambe gauche en les tenant tout le long du trajet avec mes deux mains, comme une chose très précieuse, un bébé.. mon bébé.. Je pensais: «C'est terminé, je ne prends plus aucune chance...»

À continuer demain...


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