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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 10 janvier 2010

L'égo transcendantal de Husserl

Je revenais dans le bus, je venais d'acheter plusieurs livres d'A. Moreau et je me répétais mentalement son discours sur l'inexistence de la matière, et de l'inutilité de tout calcul qui aboutit toujours à un déficit, et oui, c'est ce dernier point qui m'a ramené au premier, que je méprisais depuis des années après l'avoir d'abord tenu en haute estime pendant mes jeunes années de futur étudiant en philosophie.

Je venais de lire rapidement, juste avant, un autre texte non-brillant de Gredin sur le sens de la vie. Selon Gredin, le «sens de la vie» c'est, tout bêtement : «faire le bien, et bien faire ce que l'on a à faire.» Je n'ai jamais rien vu d'aussi plat de la part d'un philosophe... Vous pouvez vous douter qu'après cela je me demande ce que contient son «herméneutique» en termes de platitudes lourdes et non-brillantes. Il faut seulement déchiffrer derrière le charabia de la scolastique philosophique universitaire pour découvrir qu'il n'y a pas grand-chose là à se mettre sous la dent, à part un paquet de formules creuses destinées à jeter de la poudre aux yeux tout en citant des grands noms de la philosophie. Dans le même livre sur la philosophie au Québec on trouve un texte d'A. Ferretti, une philosophe qui a quelque chose à dire et qui aime Spinoza, et plusieurs autres textes dont un de G. Leroux, à qui je dois beaucoup et auquel je voue une grande estime. C'est lui qui m'a donné le goût de lire la République de Platon avec sa traduction de cette oeuvre.

Pour revenir à ma réflexion, je me sens souvent près de ce que Husserl appelle l'«égo transcendantal». Même le «fait» de me trouver sur le bol de toilette en train de me soulager devient alors un événement phénoménologique en soi : je chie à partir du centre de mon égo transcendantal, vous voyez la chose... Si vous pouvez comprendre ce phénomène, je vous félicite, puisque moi-même je n'y comprends rien. Bref, trêve de digressions, je me disais que oui, je pense à travers un schème matérialiste, mais qu'en tant qu'égo transcendantal, je n'y suis pas obligé : je peux penser les schèmes eux-mêmes. J'ai été conditionné à penser «à travers» un seul schème, et aussi, et surtout, j'ai adhéré à un paquet d'opinions à propos du monde qui m'entoure, sans pourtant en rien savoir directement. 1984 est en nous, et pourtant nous continuons de craigner la venue de Big Brother à l'extérieur. Alors, la conclusion s'impose d'elle-même : je ne suis en rien obligé de me prononcer sur ce monde. Autrement dit, avez-vous déjà fait l'expérience de deux miroirs qui reflètent une image à l'infini? Eh bien, c'est cela le monde. Ce qui est essentiel à la connaissance c'est la surface, et l'arrêt à une certaine surface, puisque je peux, théoriquement, creuser à l'infini, et alors il n'y plus aucune connaissance. Si la matière, ou si vous préférez, «ce qu'il y a devant moi», est constitué de particules divisibles à l'infini, puisqu'on ne sait pas pourquoi il y aurait un stop quelque part ni vers le haut ni vers le bas, alors ce que j'ai devant moi est à jamais «totalement» inconnaissable, mais connaissable que partiellement. Cependant, est-ce qu'un verre de lait échappé quelque part dans la galaxie d'Andromède pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie? Eh bien, c'est cela, l'illusion de l'«effet papillon» de la théorie mathématique du chaos. Je peux vous le dire avec certitude : ce verre de lait échappé avec force fracas quelque part dans la constellation d'Andromède n'aura, à jamais, absolument et rigoureusement aucun effet direct ou indirect sur ma vie. En fait, ce sera comme s'il n'avait jamais existé, pour moi, et pour bien d'autres... Vous devez sûrement commencer à voir où je veux en venir : nous vivons comme dans des «bulles» gigantesques qui sont, pour nous, l'«Univers»... Et lorsque nous nous approchons des individus singuliers, ils jouent tous une musique merveilleuse et particulière, mais lorsque nous écoutons l'ensemble de tous les individus en même temps, il est normal que ce que nous entendions ne soit qu'une très bruyante cacophonie, ce qui laisse croire que c'est le chaos dans l'infiniment petit...

Conclusion : la connaissance est nécessairement partielle, et en savoir davantage sur les particules subatomiques, la preuve de Wiles en deux cents pages du dernier théorème de Fermat, ou encore, l'herméneutique de Gredin, me serait plus ou moins utile afin d'accomplir mes tâches quotidiennes qui consistent, entre autres, à faire la vaisselle, que je ne fais d'ailleurs jamais, à me nourrir, à boire de la bière en lisant un bon livre de philo, et à m'accoupler avec de splendides créatures féminines.




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