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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 14 janvier 2010

Terreur à l'urgence - La machine humaine

J'ai été hospitalisé dans la soirée de mardi. Je me suis rendu à l'urgence parce que j'avais mal au dos et à la poitrine du côté gauche, mais surtout vers l'omoplate. J'avais découvert en touchant, après 4 jours de douleur intense et brûlante, que c'était engourdi sous mon bras et dans le dos à cet endroit, et je me demandais qu'est-ce qui pouvait bloquer la sensation, ça ne m'a pas pris longtemps que j'ai envisagé la possibilité d'un caillot coincé quelque part à cet endroit, et qui pouvait se débloquer à tout instant, puisque j'avais déjà eu ce problème, mais dans les poumons. Il était tard, mais je suis parti à pied dans la neige et me suis débrouillé comme j'ai pu pour me rendre.

Arrivé là, je savais qu'on prendrait mon cas au sérieux; tout de suite après le triage, j'étais en jaquette, on m'a couché sur un lit et immédiatement on m'a fait passer l'électrocardiogramme. Une autre personne a pris la feuille de résultat très rapidement, l'a regardé d'un air soucieux en semblant dire «Ah, c'est ça...» puis est partie au pas de course sans rien me dire... J'étais paniqué ben raide : il y avait un problème avec mon coeur, et ça semblait grave. Le préposé m'a confirmé qu'il semblait y avoir un problème avec l'électrocardiogramme... Le lit avançait rapidement, mais je ne voulais plus y aller, j'étais terrifié. Je ne voulais pas qu'on me dise que mon coeur est atteint et qu'on doit m'opérer d'urgence, qu'on m'ouvre la poitrine, etc. Je me figurais déjà en train d'avoir des nausées et de grosses sueurs après l'opération. J'étais rendu loin dans ma tête!

On m'amené dans une salle spéciale, à la même place où j'avais quitté il y a un mois en signant un refus de traitement sous prétexte que je devais travailler le lendemain et que je ne pouvais rester aussi longtemps qu'ils me le demandaient pour faire tous les tests avec mon coeur. Sincèrement, je croyais que je n'avais pas grand-chose et que ça ne valait pas la peine de perdre l'argent dont j'avais besoin pour acheter des cadeaux.

Immédiatement on a prélevé du sang, une dizaine d'ampoules, et plus tard dans la nuit, j'ai passé des radiographies. Les médecins ne savaient pas ce que c'était. Après plusieurs heures j'ai su pour les ampoules : tout était beau, pour tous les organes ou la santé en général. Mon coeur était beau, la pression aussi, je voyais les battements de mon coeur sur le moniteur, ça oscillait entre 80 et 100 selon que je bougeais ou non, et lorsque j'étais au repos complet, ça descendait à 76 environ, bref, rien de paniquant. Je n'ai pas eu de feedback pour les radios, j'ai juste su beaucoup plus tard que finalement rien n'avait été détecté d'anormal à part une petite déformation au niveau dorsal, mais je savais déjà pour ça. Alors, mon cas a été transféré au neurologue : ce n'était pas encore fini pour les montagnes russes...

Dans le lit d'à côté, il y avait un homme avec une longue cicatrice et des points de suture encore frais qui s'étendait sur presque tout le côté gauche de la tête. Rendu le matin, j'ai déjeuné et ensuite j'ai voulu prendre le fauteuil qui semblait plus dans sa zone pour m'asseoir confortablement et lire Adorno. J'ai tassé son rideau pour le prendre en douce et il m'a répondu d'y aller, que ça ne le dérangeait pas non plus que je laisse le rideau ouvert, et en effet, je voulais l'ouvrir davantage, car je me sentais isolé dans mon coin, je n'avais aucune lumière du jour, cette lumière du lever du soleil qui réconforte lorsque la mort nous cerne de toutes parts. Les personnes dans ma section étaient très maganées, ils semblaient tous plus ou moins à l'agonie. Ça sentait la mort partout. J'étais en train de capoter. J'essayais de me concentrer pour lire, mais le bruit constant, les sonnettes, les va-et-vient, les cris, etc., me dérangeaient constamment. Finalement, j'avais le livre plus souvent sur mes cuisses et regardais dans le vague. Je réussissais à lire trois lignes par à-coups et j'espérais qu'on ne vienne pas me foudroyer avec une mauvaise nouvelle pour que je puisse sortir de là le plus tôt possible.

L'homme d'à côté était très gentil pour l'état dans lequel il était, très surprenant. Sa famille est venue le visiter. Un gardien de sécurité est venu les avertir qu'il y avait une limite d’un visiteur par patient, il y a eu une petite discussion dans un coin, et puis il est reparti. Le rideau me cachait tout, mais je constatais que la famille était restée : on avait dû expliquer au gardien que le patient est à l'agonie. J'écoutais involontairement de mon lit ce qui se disait de l'autre côté : une femme expliquait à l'homme que c'était très agressif, et qu'ils avaient tout essayé, même une dernière chimiothérapie, et qu'ils vont le garder à l'hôpital pour une période indéterminée... Le monsieur restait calme, parlait doucement en disant que ce sont des choses qui arrivent, qu'il faut l'accepter, et puis soudain, ça s'est confirmé dans ma tête, la femme lui expliquait qu'il était à l'urgence, elle lui demandait s'il comprenait ce qu'elle lui disait et ce qu'il avait, que c'était très agressif et qu'il était à l'urgence, il répondait oui je comprends, mais l'instant d'après c'est comme s'il ne savait pas où il était et pourquoi, puisqu’on devait le lui réexpliquer... La machine était détraquée.

C'était étrange puisque par ses réponses, il semblait savoir et ne pas savoir... C'est alors que j'ai compris que même s'il était capable d'interagir avec tout le monde et qu'il était apparemment lucide, il n'était pas vraiment conscient, et c'est ce qui lui permettait d'accepter sa maladie dévastatrice : un lymphome malin agressif au cerveau. L'homme parlait par périphrases en disant aux préposés qui voulaient savoir de quoi il avait besoin puisqu'il avait sonné, vous savez, j'ai besoin de petites choses pour dire, «j'ai besoin d'une débarbouillette». À un certain moment, il avait envie, alors on vient et on lui demande : vous avez envie de quoi? L'homme répond qu'il ne sait pas, il n'arrive pas à distinguer l'envie, si c'est un besoin d'uriner ou de déféquer, mais au même moment on constate qu'il a un cathéter et un sac au bout du lit, alors on lui explique que ce ne peut être qu'une envie de chier, mais il persiste à dire qu'il ne sait pas au juste...

Les neurologues viennent me voir : un homme et une femme. Le neurologue se présente et m'annonce tout de suite que ce peut être très grave comme ce peu être bénin... Ma gorge se noue et je deviens blême. La femme refait certains tests sur moi devant l'homme. Après mon explication des symptômes que j'ai, alors qu'elle poursuit les tests, il parle à sa coéquipière au dessus de ma tête et il lui dit avec un certain aplomb ça semble être un début de Zorster... On me rentrait un poignard en plein coeur... On envisage aussi que la moelle soit peut-être atteinte, ou qu'un nerf soit coincé, ou qu'il y aurait autre chose de beaucoup plus grave, mais on écarte l'éventualité puisque je n'ai aucun des symptômes qui permettraient de croire à un cancer et que c'est très localisé, et qu'aussi, la douleur a grandement diminué depuis le début de l'événement.

Personnellement, je crois que c'est une irritation intercostale, mais ça n'explique pas la perte de sensation. Je demande au neurologue c'est quoi un début de Zorster et il me répond que mon système immunitaire est plus fort que la moyenne, en effet, j'ai un anticorps qui combat des maladies imaginaires, et que, le Zorster c'est du «zona», et que ce serait relié à un ancien épisode de varicelle, ou qu'il y aurait eu un contact récemment avec un virus, et que puisque mon système immunitaire réagit très fortement à certaines attaques virales, il s'est concentré à cet endroit pour une raison ou pour une autre. Il a ajouté que si des vésicules apparaissent bientôt à cet endroit, que cela confirmerait son hypothèse. Je lui ai répondu que je doutais fortement que ce soit ça et que je croyais plutôt que c'est un nerf coincé, etc.

Mais pour l'instant, je dois passer un EMG et une résonance magnétique de ma colonne, en espérant que la douleur passera par elle-même et que ces tests seront alors plus ou moins utiles. On veut savoir si la moelle est touchée. J'ai très peur qu'on m'annonce quelque chose de grave dans un mois ou deux. On m'a demandé de donner encore du sang avant de partir, puisque je vais passer les tests en externe. J'ai demandé au préposé c'était pour quoi, et il m'a répondu que c'était pour quelque chose de très spécifique, et qu'il ne savait pas vraiment. Finalement, voyant que je continuais à poser des questions au pauvre préposé, la neurologue est revenue pour m'expliquer que ça avait rapport avec ma maladie auto-immune, le test n'avait pas été refait depuis 2003 et on voulait savoir si les anticorps anticardiolipine avaient changé ou augmenté, je suppose, ce n'était pas clair. J'étais rassuré, mais pas tout à fait, car je sentais qu'on essayait de me calmer depuis que j'avais montré des signes de panique, et que peut-être, on ne me parlait pas des hypothèses plus graves, mais aussi plausibles, ou qu'on me cachait plus ou moins la vérité sur les tests à faire avec les ampoules de sang, etc.

J'avais dormi à peine une heure et j'étais crinqué sur les questions puisque je venais de prendre trois cafés bien tassés, et que je me disais que je n'allais pas les laisser partir comme ça sans tout savoir ou me faire des saletés sans que je sois pleinement préparé, etc. La neurologue prend le soin de me spécifier que si je perds mon urine ou mes selles de revenir tout de suite à l'urgence, parce qu'alors, ça prouvera, je suppose, que ça vient de mon cerveau... Tabarnak! Rien pour me rassurer avant de partir! Je suis encore sur les nerfs et je sens que l'hôpital a sa prise sur moi... Je ne crois pas avoir rien de très grave puisque rien ne l'indiquait, mais quand même. Des maladies de ce genre peuvent changer votre vie du jour au lendemain, et je ne sais pas si dans un mois je serai en train d'agoniser sur un lit d'hôpital, ou encore, paralysé de tout le bas du corps, etc. : toutes des choses très tripantes quoi!!! La neurologue me trouvait un peu drôle, mais je comprends bien, ce n'est pas toi qui est dans le lit en train de te faire dire ces choses qui sont toutes équivalentes à des arrêts de mort ou à une sérieuse diminution de la qualité de vie à plus ou moins long terme. Les médecins se croient tous invulnérables... En ce qui me concerne, je vais me calmer un peu, prendre moins de café, stopper l'alcool, prendre une pause du gym jusqu'à ce que j'ai les tests et les résultats, et manger mieux tout en continuant à éviter le stress inutile.

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