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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 30 janvier 2010

Résonance magnétique

On peut considérer qu'en général il est assez vrai de dire qu'on n'a aucune idée de ce qu'une personne a vécu avant de l'avoir vécu soi-même. À l'époque, j'avais aidé à pousser la civière de ma blonde jusqu'à la salle de résonance magnétique, et je n'avais aucune idée de ce au travers de quoi elle était passée, elle ne s'était d'ailleurs pas plainte du tout. On m'avait dit qu'elle avait probablement un cancer au cerveau, et qu'elle n'en réchapperait pas, mais finalement, c'était des lésions entraînées par une toxoplasmose non traitée et aggravée.

Tout ça m'est revenu à l'esprit lorsque j'ai dû passer à mon tour une résonance magnétique pour la première fois : ce fut quelque chose, comme on dit... C'est la machine la plus sophistiquée et à la fois la plus barbare que j'aie jamais vue. À mon arrivée, on me couche sur la partie mobile qui entrera dans le tunnel, et quand je dis «tunnel», je préférerais dire plutôt «cercueil». On me pose un casque anti bruit et on me le serre bien, comme dans un étau, pour être sûr que je ne bouge pas ou que je ne puisse l'enlever. Ensuite on me pose une pièce de plastique rigide faisant penser à de l'équipement de hockey et qui clipe chaque côté afin de me maintenir en place d'aplomb. Je suis prêt à rentrer dans le tunnel, mais mon gabarit m'empêchera peut-être de rentrer dans la machine (j'espère fort là!), finalement, je rentre, mais vraiment serré, et j'ai l'impression d'avoir le top de la machine à un pouce du nez, ce qui est à peu près vrai.

La madame me dit «Ferme les yeux» avant de rentrer, mais moi, voulant trop savoir ce qu'on va me faire, je garde les yeux ouverts, ce n'est que bien après que j'ai compris la précaution «psychologique» qu'elle avait prise. Alors on me glisse subitement dans le cercueil avec mon cathéter et les bras qui frottent sur les parois à l'intérieur, j'étais coincé ben raide : I WANTED TO FUCKIN DIE!!! Ça m'a pris 2 secondes : j'ai fait une crise de claustrophobie intense dès que j'ai vu qu'on me glissait là-dedans, et believe me, je voulais sortir en sacrament pis vite parce que j'étouffais sérieusement. La perspective de devoir rester 1 heure dans cette machine pour faire l'examen m'a fait paniquer très vite, j'ai hyperventilé un peu, je n'ai pas appuyé sur la poire que je tenais dans ma main pour crier à pleins poumons qu'on me sorte de là, j'ai essayé de me calmer, puis la madame m'a parlé dans le casque à partir de la salle des contrôles pour m'avertir que la série commençait : j'ai pas eu le temps de dire que je voulais tout arrêter, et VROAMMMM la machine est partie avec son vacarme infernal, j'avais l'impression d'être dans un moteur d'avion... C'était des bruits de percussions assourdissantes qui ressemblaient parfois aux bruits d'un marteau-piqueur, mais collé à un centimètre. Mon seul recours était de compter : lorsqu'on me prévenait que c'était une série de 10 minutes, je prenais mon souffle et je visualisais l'écoulement des secondes en 10 séries de 60 : je n'avais pas le choix, sinon ça paraissait interminable. En comptant, mon espoir d'en sortir un jour augmentait à chaque seconde de moins : ça me rendait optimiste.

Sur les 2 secondes où j'ai fait ma crise de claustro : ce qui m'a décidé à rester, c'est le fait de devoir quitter sans savoir si j'avais quelque chose de plus grave à ma colonne. J'avais passé l'EMG deux jours avant, et le médecin m'avais dit que tout était normal, je lui ai alors demandé qu'est-ce qui pouvait bien, selon lui, causer la perte de sensibilité dans la région de l'omoplate : il me répondit que c'était probablement un petit nerf de coincé et que je n'avais pas à m'inquiéter. J'ai décidé quand même de passer la résonance juste pour être certain, et mon malaise était très grand dans cette machine, à un point tel que j'avais envie de brailler à un moment donné, mais disons que je braillais intérieurement et que je pensais à l'âme, à Dieu, à la mort, etc. Je me disais que j'allais être croyant à ma sortie de la machine, mais non, câlisse, j'étais juste rendu fou... J'avais eu des nausées en plus avec tout ça en bonus, après qu'on m'ait injecté un colorant à la moitié de l'examen pour contrevérifier, et j'avais les oreilles et le cerveau blastés. La fille qui attendait sur le bord de la porte pour faire l'examen à son tour a vu ma face et a compris tout de suite de quoi il s'agissait. J'ai prononcé les mots cercueil, hallucinant, et d'autres dont je ne souviens plus, et elle a entendu : pauvre elle...

Ensuite, je suis partie travailler, mais je n'étais vraiment pas en état et je me sentais drôle : j'étais partiellement traumatisé par cette machine complètement barbare. J'ai fait ma journée de peine et de misère, et je pensais même à un certain moment demander pour retourner chez moi tellement j'étais sonné... J'avais besoin d'amour, alors j'ai mangé des frites avec du ketchup à mon retour à la maison, mais j'avais peur de tout dégueuler. Finalement, j'ai descendu quelques bières, me suis couché, ai fait un cauchemar, puis la nuit m'a emporté.

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