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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

vendredi 2 avril 2010

Les préjugés des anglophones, des immigrants et des Québécois

Je me souviens de quand j'étais enseignant aux activités parascolaires dans les écoles primaires, j'entendais des choses assez dures à avaler des fois de la part des étudiants. Par exemple, je donnais ce cours dans une école anglophone avec beaucoup d'enfants italiens, et j'ai entendu une fois ce genre de propos entre jeunes, en anglais : «Quoi? Ton ami c'est un Québécois? Tu peux pas être ami avec ça, c'est un loser, et t'es un loser si tu te tiens avec eux.» Et les jeunes se liguaient contre le jeune avec leurs préjugés en le rabaissant et en le menaçant, par leur mépris, de l'exclure du groupe. Je pense que le jeune a compris qu'il fallait qu'il reste anglo jusqu'au bout des ongles et qu'il méprise lui aussi les francophones, et plus particulièrement les Québécois, et moi, du coup, j'ai compris où les problèmes commençaient dans la lutte contre le mépris et la discrimination. Je n'ai rien fait à l'époque même si cela me révoltait au plus haut point, je suis comme resté pris de court par ça, parce que je ne pensais vraiment pas à ce genre de préjugé. Je parlais anglais couramment, alors les étudiants ne pensaient vraiment pas que j'étais un Québécois et se laissaient aller librement à leurs propos racistes devant moi. Je me disais que c'était évidemment leurs parents qui les disposaient à avoir ces préjugés négatifs envers les Québécois, et que eux finalement, ne faisaient que se faire mouler là-dedans et qu'il était probablement déjà trop tard pour changer leur vision des choses, et que de toute façon, ça ne se produirait pas, parce qu'ils seraient exclus de leur milieu. Alors que nous, nous nous ouvrons à tous, eux se ferment à nous. Je me demande aujourd'hui qu'est-ce que j'aurais pu bien faire, et ma réponse est encore aujourd'hui : rien. Si j'étais intervenu d'une façon ou d'une autre, les parents l'auraient su, et j'aurais été viré tout simplement. Et déjà affamé à cause de la difficulté de trouver un emploi payant et criblé de dettes, je n'en avais pas les moyens : j'ai préféré l'argent à la fierté. Faire l'inverse aurait été un suicide, dans ma tête, par contre ça ne les a pas empêchés peu après de me virer quand même pour des raisons nébuleuses, on se perdait en explications, on avait soudainement donné mon contrat à un autre prof sans m'avertir, etc., et je me suis retrouvé encore à mendier un emploi sans avoir de bonnes références.

J'ai des tonnes d'exemples comme ça qui montrent ce qu'est la réalité au Québec. On nous prend tout simplement pour une race de sous-fifres.

Je travaillais à côté d'une pizzéria appartenant à des Juifs. Je faisais des journées de 12 heures et plus et je ne pouvais pas quitter mon poste, alors j'allais à côté m'acheter des pointes de pizza assez régulièrement. Je m'entendais bien avec l'employé qui était là la plupart du temps, je n'avais aucun problème avec lui, on était friendly parce que lui aussi faisait de longs quarts et on discutait assez souvent. Un jour j'arrive au comptoir et je l'entends avoir des propos racistes, il discute avec un autre, il dit genre : «Si t'es pas Juif, t'es pas mon ami.» Alors moi j'entends ça et je réplique immédiatement : «Et moi? Est-ce que je suis ton ami?» Il me répondit : «Est-ce que t'es Juif?» Ma réponse : «Non.» Sa réponse : «Alors t'es pas mon ami.» Je suis resté abasourdi. J'ai pris ma pointe de pizza et je ne suis plus jamais revenu manger là. J'étais vraiment navré et en crisse en même temps de voir autant de refus, de fermeture et d'incompréhension, mais en même temps, qu'est-ce que je pouvais faire?

Une fois, j'étais caissier dans un dépanneur qui se rapprochait de l'ouest. Il y avait de gros rush dans ce dépanneur-là, c'était incroyable, ça arrivait de partout en même temps. Il y avait assez souvent une longue ligne pour passer au comptoir vers les 9-10h du soir, surtout à partir du jeudi. J'entends dans la ligne une femme très agressive qui dit à son amie : «I'm in Canada, they will SERVE ME IN ENGLISH!» Et elle n'arrêtait pas de répéter ça dans la ligne... Lorsque ce fut son tour, j'ai fait semblant de ne pas connaître l'anglais : je ne comprenais rien, j'étais idiot tout d'un coup... Ça n'a pas pris longtemps que j'ai failli me faire lyncher par les gens qui étaient massés là : ils ne prenaient pas pour moi, ils prenaient pour elle. Finalement, la dame n'a jamais dit un mot de français, alors que moi je me débrouillais de mon mieux pour parler sa langue que je feignais d'ignorer. Une autre qui ne faisait aucun compromis envers les Québécois.

Une autre fois, je suis dans un hôtel. Je connaissais le commis à la réception, un Arabe. Je m'entendais assez bien avec lui, et je n'avais jamais eu aucun problème. Un soir, je reviens à ma chambre et je l'entends en train d'avoir une discussion assez mouvementée avec un autre homme, un Arabe lui aussi. J'arrive en pleine discussion et je comprends que l'autre lui demande quelque chose, et ça a rapport avec l'honneur, il dit : «Je ne suis pas un Québécois, moi!», en prenant le devant de sa chemise à deux mains à la hauteur de la poitrine et en feignant de l'arracher alors qu'il a les yeux sortis des orbites et qu'il montre les dents, enragé. Je compris immédiatement que pour lui, être Québécois, ça voulait dire être sans fierté, sans honneur, être un mou qui se laisse écraser par les autres. Après ça on se demandera pourquoi les femmes québécoises sont fascinées par les immigrants; c'est parce que c'est vraiment l'image que les hommes québécois dégagent. C'est pas compliqué : on dégage une image de perdants depuis la conquête par les Anglais, c'est tout. Si on était nés dans un pays de GI, ç'aurait été tout à fait différent. Il n'y a qu'à regarder la réaction des femmes lorsqu'un Américain traverse la frontière. Tout d'un coup, il y a de l'excitation dans l'air. Les femmes frétillent auprès d'un American, et si en plus il a un style militaire, oubliez ça, les petites culottes tombent à terre. Les femmes sont bandées sur les hommes qui projettent l'image du succès et de l'assurance, et si t'es du bon côté, t'es bien parti. C'est comme les logos des Olympiques sur la malbouffe : c'est posé sur de la merde, mais ça la fait rayonner quand même.

J'écoutais deux femmes parler hier alors que je mangeais dans un centre d'achat. La fille de une travaille comme avocate, mais elle s'occupait de quelque chose pour les ressources humaines, et elle rapportait que celle-ci lui avait dit qu'elle ne pouvait pas engager une telle parce qu'elle vient de l'est... Comme si venir de l'ouest était une condition préalable pour l'excellence... Il s'agit ici de trois Québécoises... Eh oui, le préjugé nous atteint nous aussi dès qu'on atteint une position enviable.

J'appliquais il y a pas longtemps dans une université anglophone de Montréal qui bénéficie d'une renommée internationale, l'Université X, et j'ai commencé à avoir des problèmes dès le départ. J'ai remarqué qu'on cherchait des bibittes dans mon dossier académique, on m'a même dit au téléphone avant même la sélection que je n'avais aucune chance à cause de ci et de ça, on rabaissait constamment mes résultats et il y avait toutes sortes de raisons et d'objections à mon entrée à cette université. Pourtant, ce n'est pas ce que je demandais au départ : je voulais juste savoir pourquoi on indiquait dans mon dossier «incomplet, documents à fournir», et la madame a bifurqué sur mes notes, etc., et elle a ajouté qu'ils refusaient même des étudiants avec des moyennes parfaites de 4/4, etc. J'ai compris que je faisais l'objet de discrimination. Lorsque je suis venu voir la madame qui voulait toujours plus de documents pour pouvoir traiter ma demande, et qui faisait ainsi grandement diminuer mes chances d'être accepté en en retardant le traitement dans un programme fortement contingenté, elle m'a appelé d'emblée par mon prénom... Une belle condescendance d'anglophone envers un francophone, même si je parlais tout le long en anglais, mais mon nom francophone parlait plus fort que moi, c'est comme si j'avais une étoile jaune sur la poitrine... Encore là, qu'est-ce que je peux faire? Je vais faire une plainte bien sûr, mais encore là, elle va tomber dans le néant parce que ces gens se tiennent tous entre eux et se protègent. Y a juste nous autres, les caves du Québec, qui voulons être «impartiaux».

Je sommeillais tantôt à cause de la grosse chaleur et je me suis fait réveiller par la réplique d'un Marocain je crois à une madame qui n'arrêtait pas de chialer sur la rue à un voisin ou à la personne en question pour je ne sais quoi, il lui a lancé : «On n'est pas en Grèce ici, tabarslak!» Tabarslak? Oui, un tabarslak à l'arabe avec des rrrrrrr bien roulés! Tabarrrrrrrslak!!! Ma blonde n'a pu s'empêcher de commenter avec un sourire : «Yé ben québécisé celui-là!»

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