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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 12 avril 2010

Nous disons que l'homme est méchant, mais il devient beaucoup moins méchant lorsqu'il apprend à connaître l'autre

20/7/7
Selon ce que je peux observer, c'est lorsque l'autre nous montre que nous sommes séduisants que nous tombons en amour. Ainsi, nous sommes en quête de notre propre pouvoir, procuré par la séduction. Nous tombons le plus en amour lorsque nous sommes peu certains de notre pouvoir de séduction.

Je suis assis là au café et je regarde les gens passer, je suis dans mes pensées. Je commence depuis quelques jours à percevoir les limites de notre époque, ses contradictions, ses croyances, son irrationalité, sa mythologie. Finalement, en un sens, notre époque n'est guère plus «avancée» que les époques antérieures. Nous avons la technologie, mais l'homme est le même. Le Progrès, ce sont les croyances et les contradictions qui changent de nom.

Pour le culturiste, un homme c'est une pile de muscles; il ne va pas au-delà de ça et ne dépasse jamais cet aspect physique, plutôt caricatural, de l'homme. Le culturiste est une caricature d'homme, comme la femme siliconée est une caricature de femme. Ils font comme les travestis : ils utilisent leur corps pour se déguiser, en une surenchère. Nous mimons la femme et nous mimons l'homme, et ce n'est toujours qu'une forme de publicité pour ce qui a déjà disparu.

L'apport philosophique de L'Homme sans qualités de Musil est très mince. J'aurai bientôt terminé le deuxième tome et je suis assez déçu, je n'ai déjà presque rien pu tirer du premier. Quelques professeurs l'avaient tant vanté à l'université, je ne comprends pas leur enthousiasme.

21/7/7
Chacun est la pute de son corps et de son esprit.

15/8/7
L'illusion est définitivement présente en mon esprit. Quelque chose m'appelle, et ce quelque chose m'appelle en toutes les choses que je croise; partout sur mon chemin, je vois cette chose comme en arrière-plan de toutes les autres, et m'appelle inlassablement, dans le soleil plombant, les gens, la route, l'ambiance. C'est comme si l'ambiance régnante était à cette chose. Mon monde pointe vers cette chose, et cela semble inévitable, je dois nécessairement faire cette chose, envoûté que je suis par elle. Le monde me semble alors beau, paradisiaque, même dans sa déchéance. Tout semble me faire signe et pointer vers cette chose comme une faim intense. Je me retrouve alors à la croisée des lignes de force de ce monde : l'amour, la drogue, le sexe, l'ambition, l'honneur, la compassion.

21/8/7
J'ai eu un grand choc émotionnel lorsque j'ai vu la vidéo de Dead Can Dance Host of Seraphim. J'ai pleuré pendant une heure de temps et je suis encore ébranlé, à 23h, par ce que j'ai vu à 13h. Par après, je n'ai rien pu faire tellement j'étais vidé émotionnellement. Je n'en ai pas parlé.

Je suis émotion pure.

Je sais que c'est du cinéma, mais bon, c'est venu toucher une corde sensible en moi et ça m'a mis tout à l'envers. C'est peut-être la voix de la chanteuse, si belle, qui donne une voix au fond à tous ces enfants qui fouillent dans les dépotoirs pour trouver de quoi subsister. Aussi, ce groupe et moi, nous avons une longue histoire. J'écoutais l'album Within the Realm of a Dying Sun à l'époque alors que je mélangeais les pilules et l'alcool afin de me suicider. Ça me ramenait au passé douloureux de ma vingtaine en s'ajoutant à ce qu'on me montrait à l'écran, c'était trop. Ça me fait penser à l'exposition de Picasso où j'ai été me réfugier dans les toilettes pour échapper aux regards.

24/8/7
La mécanisation de l'être humain par les machines.
29/8/7
Nous sommes vraisemblablement sur terre pour souffrir; nous sommes tous, tôt ou tard, des souffrants. Gurdjieff appelait la Terre «la planète du Purgatoire». C'est une des seules choses que je retiens de lui.

La seule façon d'être prêt pour la guerre, c'est de cultiver l'état d'esprit du guerrier. Le guerrier préfère affronter la souffrance que de la subir.

Les sentiments qui ne sont pas une expression de la force, sont une expression de la faiblesse.

Si quelqu'un pointe une arme sur ma tempe et m'ordonne de tirer sur une autre personne en face de moi pour avoir la vie sauve, dois-je tirer ou non? La réponse dépend du contexte : si c'est une personne que je connais et que j'aime, ce sera chose impossible. Si c'est une personne que je  ne connais pas ou qui me répugne, ce sera déjà chose beaucoup moins difficile. Cela souligne l'importance de la connaissance de soi en bien par les autres individus, ou de la connaissance tout court. Une personne qui n'approche pas les autres personnes pour faire leur connaissance est une inconnue, et sa qualité d'être humain ou sa singularité, comme pour les animaux d'ailleurs, n'apparaît pas. Un rapport est ici possible avec les aviateurs de la 2e Guerre mondiale qui ont admis que s'ils avaient vu ce qu'ils bombardaient, ils n'auraient peut-être pas pu larguer leurs bombes sur des familles qui n'avaient, au fond, aucun rapport avec cette guerre. Certains ont d'ailleurs été traumatisés par la suite leur vie durant par les atrocités qu'ils ont commises de façon aveugle.

Le simple fait de se présenter à une autre personne, d'établir une communication avec elle, même brève, ou encore de présenter des animaux que ce soit à des enfants ou à des chasseurs, fait diminuer les possibilités d'exclusion ou d'agression à leur endroit. À ce sujet, je me souviens du témoignage d'un homme qui partait seul en forêt pour chasser telle sorte d'oiseaux. Un jour, un de ces oiseaux est venu se poser directement sur le guidon de son tout-terrain alors qui faisait la route pour aller chasser, il persistait à rester là et à le regarder... Le vieux monsieur a trouvé cet oiseau têtu et a dû se reconnaître un peu en lui : il voulait absolument lui tenir compagnie et il n'y avait pas moyen de le faire décoller de sa moto. Un lien d'amitié s'est créé entre le chasseur et la petite bête tenace et il n'a jamais été capable d'aller chasser à nouveau cet oiseau. Je crois même qu'après cette expérience, il a arrêté toute forme de chasse. L'oiseau a continué de le suivre partout, et à ce que j'ai pu comprendre, ils vivaient dorénavant ensemble comme des amis.

Nous disons que l'homme est méchant, mais il devient beaucoup moins méchant lorsqu'il apprend à connaître l'autre, que ce soit une personne ou un animal.

À ce sujet, j'ai une expérience personnelle : ma blonde détestait la voisine, une vieille madame recluse, parce que, dit-elle, elle lui prend toujours de l'eau chaude alors qu'elle prend sa douche, et qu'elle ne ramasse pas ses poubelles, et que, etc. Il y a toutes sortes de raisons de détester ceux qu'on ne connaît pas. En réalité, je crois que la vieille madame ne n'y a jamais été pour rien dans ses accusations, je crois qu'elle pensait même du bien de nous, alors que nous, nous n'arrêtions jamais de médire sur son compte et que notre haine augmentait à son endroit, sans raisons fondées semble-t-il. À bien y penser, ce devait être de la xénophobie pure. Eh bien, l'autre jour ma blonde revient de travailler, elle ouvre la porte en bas et la vieille madame descend en même temps. Ma blonde offre de se tasser pour la laisser passer, mais la vieille dame refuse et prend plutôt ma blonde dans ses bras et l'embrasse en la remerciant... C'est le premier vrai contact que nous avons avec celle-ci en quatre ans! Il n'y a pas à dire, ma bonde a eu comme un choc et est restée heureusement surprise, et depuis ce temps elle ne déteste plus cette madame et les accusations ont cessées à son endroit. C'est la preuve que la connaissance d'autrui, même brève, fait souvent diminuer les tensions et les possibilités d'agression.

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