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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 24 avril 2010

Tout n'est que boue

Je regardais les gens tantôt dans le bus : tout le monde est lètte. Les gens sont lèttes en masse. C'est ça la vie? Être laids pis se trouver beaux quand même? Être laids comme le crisse, mais se forcer pis rentrer sa petite graine dans le petit trou pour accomplir sa mission de peupler la terre? Ça a l'air que oui... L'amour-propre patche tous nos défauts quand on se regarde dans le miroir.

On est là pourquoi? Je me le demande bien. Se multiplier : c'est quoi le but? S'offrir un petit plaisir en éjaculant, en jouissant, en orgasmant? Et puis? Dans ce cas, il y aurait autant de sens à se geler à la coke à la place : c'est plus direct et moins compliqué pour stimuler le centre du plaisir dans le cerveau. C'est ce que je me dis, plus le temps passe, que mon ancienne addiction dont j'avais si honte il y a pas longtemps, ben, elle était justifiée. Les gens «normaux» ne font pas mieux que de passer d'addiction en addiction. Nous sommes tous des putes et des junkies, et si nous n'aimons pas ces individus, c'est parce qu'ils nous mettent trop crûment notre vérité en pleine face.

On a les cheveux dans le vent, on est beaux, on a vingt ans, la vie est fraîche. On tombe volontiers dans les griffes des esclavagistes au salaire minimum et au travail maximum, on a de l'énergie à revendre, à gaspiller, pour nourrir les enfants des riches. On a du coeur surtout, et beaucoup de naïveté. On force sur les fringues, on se donne une attitude, on se prend pour Robert de Niro ou Beyonce, selon le sexe et la star du moment. C'est là que ça se passe, parce qu'il y a beaucoup d'illusions et on ne connaît encore rien de la vie. On ne s'est pas encore brûlé la gueule sur le potage de l'amour... Finalement, on se brûle la gueule, puis d'autres viennent. C'est toujours la même crisse de joke plate qui se répète de génération en génération. L'humanité sur ce point n'apprend jamais, que dis-je, ne peut rien apprendre!

Le corps s'use assez vite merci, à trente ans tu commences déjà à sortir de la game. À quarante, t'approches de l'exit. Bien sûr qu'on va me dire que j'ai tort! Faut bien justifier son existence rendu là! Mais si chacun avait le choix une fois rendu à quarante ans de revenir à vingt, avec l'expérience de vie en plus, tout le monde choisirait d'être plus jeune, évidemment. Pourquoi vieillir inutilement!

Quelle vie inutile que de perdre sa vie à la gagner... Que de souffrances et de sacrifices douloureux! On commence dans la vie en pensant que c'est une partie de plaisir, tous les horizons sont ouverts, les filles sont souriantes et avenantes, tout est possible, magique même, puis un bon matin, coup de masse dans le front, tu viens de te réveiller, t'as quarante ans l'ami et t'es ridé en sacrament! Tu collectionnes les pattes d'oie, tu cales du dessus de la tête, des poils te sortent du nez et des oreilles, t'as de la cellulite un peu partout quoique tu fasses pour la perdre, tu pues plus souvent, et les jeunes t'appelle monsieur ou madame, et des fois, quand t'as le dos tourné c'est le bonhomme ou la bonne femme... On te câlisse dans le lot des vieux pis ça finit là!

On te vole ta vie, tu te ramasses usé par les autres, ou par ta propre faute en tant que workaholic hystérique qui cherche à échapper à la vérité par une fuite en avant assez vaine. Un bon jour, tout te rattrape. Les organes tombent ou lâchent un après l'autre, tu te traînes en lambeaux avec ton cortège de médicaments. Il semble que tu aies accompli ton service... Mais lequel? Tu es tenaillé par le cancer et tu te demandes qu'est-ce que tu as fait, qu'est-ce que tu as fait, qu'est-ce que tu as fait... Et la réponse vient inéluctablement, implacablement : rien... Tu n'as rien fait, et c'est pour ça que tu as vécu. Tu as vécu pour rien... Ta vie, malgré toutes tes grandes prétentions et ambitions, malgré toutes tes petites graines plantées qui sont autant d'absurdités multipliées, aura eu autant de sens que celle d'une mouche tsé-tsé... Quand tu écrases un insecte avec dégout, c'est toi que tu écrases...

Penses-y.

Relaxe ton égo.

Tout n'est que boue.

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