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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 28 avril 2010

On se demande pourquoi on fait l'amour si ce n'est que pour jouir de l'autre tout en jouissant de soi

Si tout est Dieu et que tout est en mouvement, Dieu se met en mouvement lui-même : il est donc auto-matique, mot qui veut dire qui se met en mouvement lui-même, auto : par lui-même, matos : mouvement. Ainsi, l'automatique en nous, dont fait partie l'instinct sexuel, participe du divin. Par contre, l'automaticité divine est paradoxale, puisque si chez l'humain l'automatique doit s'accomplir sans la participation de la volonté, Dieu doit vouloir ce qui s'accomplit de soi-même en lui. Ceci me fait penser que je devrais peut-être lire un peu Le volontaire et l'involontaire de Paul Ricoeur, car la question porte là-dessus : qu'est-ce que le volontaire et la volonté, et qu'est-ce que l'involontaire (comprenant entre autres ce qui est automatique)?

Mais l'automaticité de Dieu n'est peut-être pas aussi paradoxale qu'il paraît, car nous avons le pouvoir de refuser jusqu'à un certain degré ce qui est automatique en nous, en allant même jusqu'à nous donner la mort. Nous ne sommes pas comme des plantes qui poussent et qui n'ont aucun pouvoir sur leur croissance ou leur multiplication. En revanche, même si nous avons ce pouvoir, qui pourrait être un exercice de la volonté, cela n'explique pas le pourquoi et la fin de l'automatique en nous. Pourquoi les plantes poussent-elles? Pour se multiplier? Et puis, c'est quoi le but de tout ça? Y en a-t-il un? Est-ce une erreur de penser en termes de buts ou de fins à ce sujet?

Par exemple, les oeuvres d'art ont-elles une fin ou un but autre que celui de les apprécier, d'en jouir? L'art est là pour qu'on en jouisse, mais ce n'est pas un but comme tel d'en jouir, et on ne lui en demande pas plus non plus, comme si on demandait à la musique, en plus d'être plaisante, de servir aussi à activer les troupes, autrement dit, de devenir de la musique militaire. Ainsi, on fait l'amour, et si on ne fait pas d'enfants, on se demande pourquoi on fait l'amour si ce n'est que pour jouir de l'autre tout en jouissant de soi. Il y a de l'art dans l'amour, mais nous ne le voyons pas, car nous pensons en termes de fonctions, ce qui nous fait le trouver au bout du compte, absurde, au même titre que l'existence en général, puisqu'aimer c'est vivre, et lorsque notre «conception» (perception) de l'amour est atteinte, le reste suit.

«Je n'ai jamais autant eu l'impression de vivre qu'en aimant, même si le reste du monde était pour moi comme mort. L'amour est la vie, le principe vivifiant de la nature, comme la haine en est le principe destructeur et mortifère. Les choses sont faites pour s'aimer réciproquement, et la vie naît de cela. La haine, même si certaines haines sont naturelles, produit l'effet contraire, c'est-à-dire la destruction réciproque, elle ronge et consume celui qui hait.» Zibaldone, Leopardi, p.59

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