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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 13 juillet 2009

Le corporatisme et Kubark

Je lis depuis deux jours «La stratégie du choc» de Naomi Klein et je peux vous dire que je n'arrive pas à le déposer. Je fais trop facilement le lien entre cette «stratégie», cette doctrine de Milton Friedman, économiste délirant au plein sens du terme, et les attaques du 11 septembre 2001. De plus en plus je me dis : «Si tu veux te rapprocher de la vérité, crois au pire, et là encore mon petit bonhomme, tu manques d'imagination.» Lorsque l'être humain n'est plus vu que comme une machine et un réservoir d'énergie produisant des mouvements complexes, tout est possible. C'est le respect de l'être humain qui est perdu par la propagation d'idées et de doctrines antisociales, et criminelles, car elles sont «irresponsables».

Il faut apprendre à reconnaître ce genre de criminalité, autant que nous avons appris à reconnaître les perversions idéologiques nazies. Ce genre de crime idéologique n'appartient jamais au passé, mais il est là sous nos yeux, seulement il porte des noms différents et les acteurs ont changé. Nous commettons la même erreur que dans le cas des Lacroix et des Jones : on vole plusieurs millions à des particuliers et on appelle ça de la «fraude», ce qui fait diminuer la gravité du délit. Le pauvre diable qui vole cent dollars au dépanneur du coin se retrouve immédiatement en taule pour au moins un an. Les voleurs en habits subtilisent plusieurs millions et continuent de parler à la télévision et de se promener en toute liberté, avec le sourire et l'air optimiste, car ils savent qu'ils ne seront pas vraiment punis. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi les responsables d'une entreprise qui opère depuis des années en gérant l'argent de particuliers, et qui partent soudainement avec l'argent, après avoir graissé la patte de bien des complices, ne sont pas accusés de «vol» pur et simple. Personnellement, je ne vois pas de différence entre le fait de voler de l'argent dans un compte et le fait de vous le demander à la pointe d'un fusil. Ces gens sont de vrais investisseurs dans de vrais locaux de gestion financière et opèrent depuis des années; si l'argent disparaît soudainement, ce n'est pas parce que tout était faux, c'est parce qu'on est tout simplement partis avec celle-ci, autrement dit, c'est un «vol» et non pas une fraude.

On pense que les tortures, la cruauté et les mauvais traitements étaient le monopole des nazis, et que tout cela est passé, que maintenant nous vivons dans une réalité qui exclue la répétition de telles atrocités : grave erreur. Kurt Gödel avait décelé, lors de la lecture de la Constitution des États-Unis en 1947, des incohérences logiques permettant en toute légalité de transformer le régime politique du pays en régime dictatorial. Aujourd'hui, le mot magique pour vous dépouiller de «tous vos droits» c'est la désignation : «combattant ennemi». En vous désignant comme «combattant ennemi», le gouvernement peut faire ce qu'il veut avec vous : il peut vous détenir à perpétuité et aussi vous torturer, puisque les conventions de Genève ne s'appliquent plus. À l'arrivée des Américains en Irak, il n'y aurait pas de «prisonniers de guerre» (protégés par les conventions de Genève), mais que des «combattants ennemis» : c'était prévu, pour infliger le maximum de souffrances à ces gens qui selon ce que j'ai entendu, n'en avait rien à foutre de la guerre et avaient plutôt peur pour leurs familles en espérant vainement que rien ne se passerait. Les Américains leurs préparaient un «traitement de choc» : 33 000 bombes ont été larguées en quelques jours sur la ville de Bagdad : c'est ce qu'on appelle une destruction totale et un mépris total de la vie humaine, des civils qui n'ont rien à voir là-dedans, un mépris et une démonisation par la désignation de «terroriste» qui sont chose facile, surtout lorsque les croyances religieuses, la couleur de peau et la langue sont différentes.

La doctrine militaire du Shock and Awe, dont Rumsfeld nous a abreuvés à satiété, prend son modèle sur les expériences effectuées à Montréal en 1953 au Allen Memorial de l'université McGill dans le cadre de MKUltra commandité par la CIA, dont le but inavoué n'était pas de faire une étude sur le lavage de cerveau, mais «de mettre au point un système scientifique qui permette de soutirer des informations à des sujets récalcitrants». Le but était la «régression» des personnes visées; 12 hôpitaux participaient à l'«étude». En d'autres termes, on veut rendre ces gens gagas, en leur infligeant des tortures qui laissent des séquelles permanentes : 12 électrochocs par jour, privation sensorielle prolongée, sommeil induit artificiellement, coma, injection de puissants hallucinogènes, injection de curare pour empêcher tout mouvement, etc., et la liste des atrocités s'allonge indéfiniment. Comme j'ai dit plus haut, votre imagination ne suffira pas. La personnalité de ces individus était détruite impitoyablement, et après les traitements ils suçaient leur pouce, se tenaient dans une position foetale et devaient porter des couches. Klein parle du cas d'une jeune fille de 18 ans qui souffrait d'«angoisse». Ewan Cameron, le psychiatre qui fut par la suite traité d'«imbécile criminel» par ses collègues, découvrit que la jeune fille présentait un certain traumatisme probablement causé par le fait que son père, un dérangé, l'agressait sexuellement. Le psychiatre ne fit rien pour aider la jeune fille, au contraire, elle fut internée, privée de ses droits et soumise de force aux traitements sadiques de ce psychiatre béhavioriste dans le cadre de MKUltra. La jeune fille qui selon les dires des infirmières était «gaie, sociable et soignée» et «poursuivait de brillantes études», est devenue gaga, passive, apathique, ne reconnaissait plus les membres de sa famille et présentait les symptômes de la schizophrénie en plus de tendances hystériques... Je parie que vous seriez pareils si on vous avait traité de la même façon : personne ne peut résister à un traitement d'une telle brutalité. Votre personnalité et votre cerveau sont tout simplement anéantis.

Ce à quoi je voulais en venir, c'est que la doctrine militaire et corporatiste du Shock and Awe vise le même objectif : une régression afin d'atteindre la «page blanche», la tabula rasa, pour pouvoir y imprimer ce qu'on veut à notre guise. Dans le cas des patients cobayes, ça n'a pas marché, mais on essaie de faire la même chose à une plus grande échelle. Le but des corporatistes est la déstructuration, l'anomie, l'apathie et la mort de l'État, notre dernier rempart possible contre ces prédateurs. Les emprisonnements massifs et les tortures résultant de la désignation de «combattant ennemi» ont pour but de geler et de terroriser l'ennemi supposé, de causer une «régression collective» afin de lui imposer sa propre conception des choses et de s'approprier son territoire et ses richesses.

Les résultats et les méthodes développées lors des études de MKUltra font aujourd'hui partie du manuel des techniques spéciales d'«interrogation» Kubark de la CIA.

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