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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

vendredi 18 octobre 2013

Sur la discrimination..

J'aime bien Mme Joly, je trouve que c'est une femme belle et intelligente, qu'elle s'exprime bien, et ce qui me donne encore plus envie de voter pour elle c'est le fait qu'elle prend dans ses rangs une ancienne escorte transsexuelle.. Oui oui, elle faisait de l'escorte jusqu'à il y a pas très longtemps.. Mais pour ce genre de choses, peu importe si ça fait 2 mois ou 20 ans, c'est pareil: tu l'as fait, donc t'as l'étiquette «escorte» accrochée sur toi pour le reste de ta vie.. jusqu'à temps que la gang des imbéciles qui ont la meilleure mémoire t'oublient, pis que t'as plus rien d'une escorte: c'est-à-dire que t'es rendue âgée, et peut-être, plus «respectable» pour cette raison..

On fait tout un chiard quand ces choses arrivent, mais à mon grand plaisir, on dirait, je l'espère, de moins en moins.. À mon avis, c'est une bonne chose. Qui n'a pas déjà touché à de la coke, ou du pot, ou autre chose, comme de l'extasy, ou quoi encore.. Tout le monde y a déjà été un peu fort sur la buvette n'est-ce pas? Pourquoi le fait d'avoir pris une ligne de coke dans la passé viendrait-il ruiner votre vie plus tard alors que vous êtes en politique? Alors que «prendre un coup» solide, ça passe pour viril, ou socialement acceptable, et qu'on en parle sans gêne.. Pourtant, l'alcool est beaucoup plus nocif que la coke, et fait beaucoup de dommages.. aussi, la consommation «modérée» de coke, ça existe aussi.. c'est juste qu'on connaît pas ça autant que l'alcool.. Qu'est-ce que vous pensez des gens qui boivent et conduisent saouls, et tuent d'autres personnes? Est-ce qu'on doit bannir l'alcool pour autant? Ou la question n'est-elle pas plutôt de responsabiliser les consommateurs? Oui? Eh bien, ça devrait être comme ça pour tout.. Personnellement, je trouve que c'est facile de penser que ces gens sont des mauvaises personnes, sont incompétents, ou autre, mais je pense avant tout que c'est de la mesquinerie et de l'hypocrisie, et il est temps qu'on sorte de cet enfantillage de politicien, de ce petit jeu de discréditation basse et facile..

Personnellement, j'appuie Boisclair. Je m'en contrecrisse qu'il ait déjà pris de la coke, ou même, qu'il en prenne encore, en autant qu'il fasse sa job comme il faut et qu'il reste discret, comme il se doit, quand il part sur une rumba. Tout le monde a le droit de faire la fête, et on la tous faite, avec ce qu'on voulait. Pourquoi dire: «Ah, moi c'est correct! Mais lui, non, c'est pas correct..» Pourquoi pour «lui» c'est pas correct?

On revoit la même hypocrisie revenir dans le cas de Mme Bovet, la candidate transsexuelle: on se dit: «Ah, mais il faut accepter la différence, elle a eu un parcours difficile, elle s'en ait sortie, chapeau!» Ok. Mais est-ce qu'on va aller dire ça avec quelqu'un qui a un dossier pour vol à l'étalage et qui se présente en politique? Pas sûr.. Vous voyez la différence? Deux poids, deux mesures..

Une personne vole un sandwich à l'épicerie parce qu'elle est dans la rue et qu'elle a faim, et elle se fait pogner, par exemple, et on va la blâmer plus tard, comme si elle était marquée au fer rouge par cet événement, et elle ne pourra jamais mettre le pied sur la scène politique ou occuper un emploi officiel, genre «professeur», etc.. À ce sujet, j'aimerais rappeler en France le cas de Bernard Stiegler, un grand philosophe et professeur d'université très actif là-bas et impliqué dans toutes sortes de projets: eh bien, c'est un ancien braqueur de banque, et il a déjà fait pour ça, cinq ans de taule.. L'ont-ils rétrogradé? expulsé? dénigré? Non, il a même écrit un livre sur sa vie.. Comment cela est-il possible?

Bernard Stiegler, ancien braqueur et prisonnier devenu professeur d'université
Personnellement, le fait de savoir toutes ces choses sur lui ne m'a jamais empêché d'acheter un de ses livres. Et si je le pouvais, ça ne m'empêcherait pas non plus d'assister à ses cours, ce serait même un honneur.

Qu'a-t-on fait ici au Québec avec l'employée de la commission scolaire qui avait fait de la photo nue? On l'a stigmatisée pendant des semaines sur toutes les tribunes, jusqu'à ce que la pression soit si forte, qu'on l'a congédiée.. J'avais beaucoup de peine pour elle, et je rageais intérieurement contre les gens, et surtout, les médias, qui n'arrêtaient pas d'alimenter le feu et de la harceler..

Maintenant, pouvez-vous me dire en quoi ça la dérange dans ses fonctions le fait qu'elle ait fait de la photo nue? ou en quoi ça dérange les autres? les étudiants par exemple? Les journalistes ont interrogé les étudiants à l'école même et leur réponse m'a surpris, et fait plaisir: ça ne les dérangeait pas qu'elle ait fait de la photo nue et ils prenaient pour elle, ils voulaient qu'elle garde son emploi, parce que ce qu'elle a fait, eh bien, «ça ne nous regarde pas» ont-ils dit..

Sommes-nous capables, ici au Québec, au niveau de la société tout entière, médias compris, de dire comme ces jeunes: «Ça ne nous regarde pas..», ou bien «Chapeau si tu as changé ta vie!» «Chapeau si tu t'en es sorti!» «Chapeau, on va t'aider!» «Chapeau! tu es un exemple et un modèle pour ceux qui veulent s'en sortir» «Chapeau! tu démontres par ton courage qu'il y a de l'espoir et une vie après les fautes commises»?

J'aimerais qu'on soit moins prompts à juger collectivement ces gens au Québec. Qu'on leur permette de vraiment changer leur vie après les fautes commises, pas seulement sur papier, et qu'on arrête de les stigmatiser ou de les marginaliser, et nous vivrons, j'en suis convaincu, dans un monde meilleur, car si vous donnez leur chance à ces gens, vous pouvez être sûrs qu'ils vous en seront reconnaissants. Ils vous seront reconnaissants du fait que vous comprenez et acceptez le fait qu'ils ont changé, pour le mieux. Nous prônons la récompense du mérite, mais parfois on a une drôle de définition du «mérite», et on privilégie plutôt ceux qui ont déjà eu tout cuit dans le bec parce qu'ils sont flamboyants.. C'est ce qu'on appelle de la «discrimination», mais une discrimination cachée, sournoise, qui marginalise, qui dégrade.. Et ça, c'est le vrai crime.. Il est temps que ça cesse..

2 commentaires:

  1. Tant que le système en place sera ce qu'il est et qu'elle décidera de l'enseignement, rien ne peut changer. Le gouvernement mondial est ce qu'il est. Je ne crois pas que le changement se fera par l'état mais par le travail loin de l'état.

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  2. J'en conviens, l'État est une plaie.. Mais s'il n'existait pas, ne faudrait-il pas l'inventer?

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