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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 17 mai 2011

23.1 L'office du sage..

1. «Entre autres idées, le Philosophe affirme donc que l'office du sage est de mettre de l'ordre.»

2. «Le nom de sage, purement et simplement, est réservé à qui prend pour objet de sa réflexion la fin de l'univers, principe en même temps de tout; c'est ainsi que pour le Philosophe, la considération des causes les plus hautes est l'affaire du sage.»

3. «La fin ultime de chaque chose est celle que vise son premier auteur et moteur

4. «Or le premier auteur et moteur de l'univers est une intelligence..»

5. «La fin dernière de l'univers est donc le bien de l'intelligence. Ce bien, c'est la vérité

6. «La vérité sera donc la fin ultime de tout l'univers, et c'est à la considérer que la sagesse doit avant tout s'attacher.»

7. «..la Philosophie première est science de la vérité; non pas de n'importe quelle vérité, mais de cette vérité qui est la source de toute vérité, et propriété du premier principe d'être pour toutes les choses.»

8. «Cette vérité est le principe de toute vérité, puisque l'établissement des êtres dans la vérité va de pair avec leur établissement dans l'être

9. Double office du sage: «De même donc que l'office du sage est de méditer la vérité à partir surtout du premier principe et de disserter sur les autres, il lui appartient aussi de combattre l'erreur contraire.»

Source: Somme contre les gentils

Commentaires:

1. Mettre de l'ordre dans quel sens et dans quoi?

2. Comment savoir s'il y a une fin de l'univers et pourquoi en avons-nous besoin? Pourrions-nous vivre pareil sans que l'univers ait une fin quelconque? L'absurdité est-elle si dangereuse, si absurdité il y a? De même et au contraire, penser une fin de l'univers, un but quelconque, serait-il le confiner à la pire des absurdités, en ce sens qu'une fois le but atteint, que faire? Cela ne nous transforme-t-il pas en choses destinées à une certaine fin et rien d'autres? Et la liberté?

3. Il y a possiblement deux problématiques dans cette phrase: l'idée de «fin ultime» et celle de «premier moteur».. L'idée de «premier moteur» était déjà chez Aristote et elle semble naturelle lorsqu'on effectue une régression des causes en pensée si l'on ne veut pas tomber dans une régression à l'infini qui n'aboutit à rien, il faut donc supposer naturellement un «premier moteur».. Or l'idée de ce premier moteur est aussi problématique que celle de l'infini, alors pourquoi préférer l'une à l'autre?

5. Que le but dernier soit la vérité me semble problématique.. Tout le concept de vérité est problématique.. Les philosophes se sont même tous enlisés dans la «vérité»..

6. Que la sagesse doit s'attacher à la vérité: y a-t-il vraiment d'autres choix? L'idée de «sagesse» n'implique-t-elle pas celle de «vérité» de même que celle d'«ordre»?

8. La conjonction entre l'«être» et la «vérité» est lumineuse.. En ce sens, l'erreur n'aurait pas d'être comme tel, et pourtant.. Le sens de vérité a aussi cependant un sens transcendant dans cette phrase.. On ne parle pas ici de simple vérité, mais d'une presque identité avec l'être..

9. De pouvoir méditer la vérité implique que le sage la possède déjà.. Il ne s'agit surtout pas, dans ce cas, d'une «quête» de la vérité.. On parle évidemment ici d'un croyant et non d'un véritable sage au sens fort du terme, c'est-à-dire de quelqu'un qui acquiert tout par lui-même et en fait sa propre substance..

Il y a tout un travail de distinction à faire entre le «faux sage» et le «vrai sage».. Thomas d'Aquin nous parle ici du faux sage, d'une «imitation de sage», du croyant qui se range derrière une tradition et qui est supporté par elle, fort de celle-ci, de son «autorité»..

Il faut aussi envisager la question de l'«autorité» (Gadamer), puisqu'il nous en faut d'une façon ou d'une autre, cela est inévitable et nous ne faisons toujours que remplacer une autorité par une autre.. On ne peut pas tout savoir ni tout vérifier ni tout faire seul, il faut donc pouvoir faire confiance, accorder crédit, déléguer, etc. Les «autorités» existent à la mesure des limites des capacités humaines des individus..

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