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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 13 septembre 2009

Guérir

Guérir. De tout, des autres, de soi-même, de la méchanceté, de l'étroitesse, de la vanité humaine. Guérir de ceux qui ne s'aiment pas, de ceux qui n'ont aucune estime d'eux-mêmes, et par conséquent, n'ont jamais assez d'eux-mêmes à rendre malheureux et doivent aussi nous empoisonner l'existence, nous rendre malades, nous injecter de force la tristesse. Leur bave même est un poison et ils ne le savent pas. Guérir des relations toxiques. Guérir de la petitesse, de la laideur, de la mesquinerie et de l'incroyable bassesse humaine. Guérir de ceux pour qui l'univers c'est leur petit boulot et les circulaires, et pour qui aucune élévation d'esprit est à jamais impossible. Guérir de l'ignorance crasse, des incompétents et des saboteurs de carrière qui nous entourent et veulent notre peau. Guérir des voluptueux qui ne veulent perpétuellement que nous exciter, nous rendre vulnérables et nous voir comme des chiens en chaleur pour ensuite nous mépriser. Guérir de la politique, de l'histoire et de ses pages écrites avec du sang; guérir des enclos à bétail que sont les «pays». Guérir du ressentiment des anciennes générations, de la malédiction, de leur volonté de nous voir porter leur fardeau, leur partisanerie, leur partialité, leurs superstitions, leurs croyances, leurs erreurs, leurs souffrances. Guérir de la volonté de nos ancêtres de nous «grégariser», de nous imposer la pensée nationale, la lourde «mémoire collective», de nous forcer à penser en masse, en troupeau, pour mieux tuer et nous faire tuer. Guérir de la «vengeance». Guérir de ceux qui nous disent, «C'est ton histoire, maintenant venge-toi, bats-toi pour nous, pour ta famille, nos familles ou Dieu, ou l'État. Bats-toi pour ce qu'ils nous ont fait», mais les protagonistes ont depuis longtemps disparu, et on veut nous faire rentrer dans cette narration de série B. «Il s'est tué pour nous», non, il s'est tué pour ses «convictions», un point c'est tout, et ce fameux «nous» n'a jamais existé, sinon la Terre ne serait pas perpétuellement à feu et à sang. Ta vie est neuve, mais ta vie est déjà lourde du passé, et avide de sang. Sur ton bras, ils ont inscrit un numéro de série : tu es comme le boeuf qu'on envoie à l'abattoir. On veut ta peau. La Terre est un mouroir, un abattoir, un purgatoire. Ton esprit est paralysé et tu ne fais que regarder le sol comme les autres : tu es un serpent, tu rampes. Tu as oublié le ciel. Le ciel est sans histoire.

Je me suis souvent plains de mon isolement, de ma solitude. Le réflexe est là de toujours tendre la main, car je n'ai, à mon grand malheur, aucune malice, et je suis naturellement porté à aller vers les autres. Mais comme disait Nietzsche dans le Zarathoustra, il vaudrait mieux parfois ne tendre que la patte. J'y travaille, afin de ne pas tout perdre, encore une fois.

Avec le temps j'apprends à voir et à comprendre la petitesse, la laideur, l'envie, la jalousie, la mesquinerie, la bassesse. J'apprends à reconnaître qu'il y a de très grandes inégalités et que comme disait Schopenhauer, il y a souvent plus de différences entre un homme et un autre, qu'entre l'homme et l'animal.

Pétrarque : «J'ai toujours recherché une vie solitaire, les rivages, et les campagnes, et les bois le savent, pour fuir ces esprits difformes et myopes, qui ont perdu la route du ciel.»

La route du ciel, en effet...

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