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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 26 juin 2010

Un sac de linge sale se change en or

Je n'écris plus tellement de ces temps-ci. Pourquoi? -Pour la simple raison que je n'en ai rien à foutre. Comme j'ai déjà dit, je fais ce que je veux quand je veux, en ce qui concerne le blogue, pour le reste, je fais comme les autres, cad que je travaille câlisse. Je ne m'en plains pas d'ailleurs, au contraire, j'adore ce que je fais.

Ma vie est rendue à un autre tournant, et je m'éloigne toujours plus de ce qu'on pourrait appeler les «bas-fonds». En fait, il ne reste pratiquement plus rien de ça en moi, j'y suis devenu complètement étranger, pour mon plus grand bonheur. Mon seul problème, c'est que les dealers ne me reconnaissent plus et que plus personne dans le milieu ne me fait confiance : signe ultime de réussite. Mais en même temps : j'ai pas de dope câlisse. J'aime bien boire de la bière, mais ça fait deux ans que je suis saturé. De toute façon, je préférerais oublier tout ça, je suis mieux sans drogue. Et ma vie actuelle : je tiens à ne pas la gâcher, d'aucune façon. C'est peut-être pas encore le Pérou, mais je suis bien, je fais ma petite affaire comme le gars de Trainspotting à la fin : je mange mon McDo, je m'adapte et je fais comme tout le monde. Je suis un survivant de l'hécatombe.

Un certain nombre de ceux avec qui j'étais et qui étaient «actifs» à l'époque, cad qu'ils volaient, vendaient ou se prostituaient, ou les trois ensemble, sont maintenant aujourd'hui «passifs», «vidés», cad itinérants et quéteux. Justement, j'en croisais une hier que j'ai reconnue avant de rentrer à l'épicerie : elle gravitait autour de certaines personnes dans le milieu, elle était en amour semble-t-il avec une autre femme, elle était jeune et pas laide, aujourd'hui, tassez-vous de d'là, j'oserais pas la toucher avec trois paires de gants : c'est une véritable itinérante qui ne se lave pas. Des fois je me dis que si je n'avais pas cette curiosité intellectuelle qui me tenaille si fort, je n'aurais aucune raison de ne pas être comme eux. En effet, la dope peut-être le bonheur suprême quand on a la tête vide et qu'on ne connaît rien d'autre. Mais moi, je me laissais aller à mourir à petit feu, je courais après la mort parce que j'étais dépressif, c'est pas pareil, mais c'est peut-être aussi le cas de ces gens, qui sait? Qui sait où j'aurais abouti sans une certaine chance dans ma malchance? Sans l'espoir de m'en sortir? Sans une certaine force de caractère qui m'a fait dire : «Bon, là, je suis tanné de mourir calvaire!»

Quand j'ai graduellement émergé, les choses ont commencé à changer radicalement : tout d'un coup, j'avais de la volonté. Les choses étaient claires : je voulais vivre, je voulais progresser, j'avais soif de réussite. Ce fut un des plus beaux moments de ma vie : mon premier appartement steady, mon premier chez-moi depuis des années, ma première vraie blonde. C'est comme ça que ça a commencé, après qu'il ne me fut resté qu'un sac de linge sale à traîner de chambre d'hôtel minable en chambre d'hôtel minable. Mon pari que je m'étais lancé à 19 ans avec Pat, mon ami de l'adolescence, de faire deux vies : une de débauche complète et de folie suicidaire, et une d'étude et de sérieux, se réalisait. Aujourd'hui Pat, il arrive que je lui serre la main quand je le croise, mais non sans une légère hésitation : il est itinérant et il m'a avoué avoir le sida. Il a vraiment descendu trop bas dans son trip de drogue : il est devenu fou, on l'a enfermé, et ensuite quoi d'autre, il s'est piqué avec des seringues souillées qu'il trouvait dans les ruelles, il faisait ce qu'ils appellent des «washer», cad qu'ils rincent les seringues trouvées pour en retirer ce qui reste, incluant le sida câlisse. Je trouvais pas ça très brillant, bon, peu importe, moi de mon côté j'avais la dope qui coulait à flot «gratuitement», en fait, pas tout à fait, puisqu'elle me coûtait précisément peut-être les meilleures années de ma vie. Je sortais avec une pute qui faisait partie d'un groupe de putes qui faisait une tonne d'argent, la dope rentrait continuellement, chaque fille séparait toujours avec toutes les autres, on était comme une communauté et il était inacceptable pour notre milieu qu'une personne consomme sans partager, ce qui m'a toujours surpris d'ailleurs, surtout pour des drogues qui coûtent si cher et qui rendent normalement si égoïstes. J'avais l'impression de revivre les hippies sans le patchouli ou un épisode de la vie de Burroughs et la Beat Generation.

Non, je ne fais pas un plaidoyer contre la drogue, loin de là, mais je dis juste qu'il y a autre chose et que ça fait partie d'un tout. Le plus dur avec les drogues dures justement, est d'arriver à avoir quand même un équilibre dans sa vie et de ne pas abuser. Mais ça, c'est comme mettre une Formule 1 entre les mains d'un fou de la vitesse et lui demander de ne pas excéder 50 km/h : au prochain tournant, il sera dans le mur.

Bon. Je vais aller continuer à boire mon café en écoutant les nouvelles. Bonne journée.

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