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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 16 novembre 2015

Les pays sont des entités qui n'ont plus de sens

Il ne faut jamais oublier que les responsables politiques de nos différents pays, ainsi que les services secrets, agissent en notre nom.

Ainsi, quand les terroristes attaquent «des Français», ils attaquent des citoyens qui n'ont absolument aucun rapport dans ces affrontements, qui sont innocents, mais qui, en tant que citoyens «français», ont des gens qui agissent en leur nom, qui eux ne sont peut-être pas si innocents.

Les citoyens se retrouvent donc en quelque sorte «aliénés» dès lors qu'ils font partie d'un pays.

Les terroristes, faute de pouvoir s'en prendre directement à la classe politique, s'en prennent directement aux citoyens. Mais cela crée une drôle d'impression, comme si les terroristes manquaient à chaque fois leur coup, car ces citoyens ne sont manifestement coupables de rien.

Ainsi, si les gens sont victimes d'actes terroristes, c'est parce qu'il y a quelque chose en eux qui ne répond pas d'eux. C'est de cela dont il faut rester conscient.

Je ne dis pas qu'il faut absolument abolir les pays, mais il y a en quelque sorte indéniablement une dimension schizophrène dans le concept de pays.

Dès lors que nous faisons partie d'un pays, nous avons en quelque sorte une étiquette collée sur le dos, qu'on le veuille ou non. Nous faisons alors partie d'une entité collective qui est considérée comme une unité à partir de la classe politique. C'est la même situation que dans le communisme où les dirigeants du parti disaient à la masse: «Nous sommes le peuple, nous sommes vous

Cela crée une étrange réflexivité, comme si un pur étranger me disait: je suis toi. Évidemment, nous savons que ces gens ne sont pas «nous», peu importe que nous les ayons élus démocratiquement, et que ce n'est qu'une façon de parler. Le pouvoir et les gens sont deux entités distinctes, mais les terroristes les confondent, parce que chez eux, ces entités sont confondues.

Donc, pour eux, c'est la même chose d'attaquer les gens que d'attaquer le pouvoir, alors, ils vont s'en prendre à ceux pour qui c'est plus facile.

Les citoyens se retrouvent donc à avoir à répondre de choses dont ils ne sont peut-être pas au courant, ou qu'ils n'approuvent pas. Tout le monde est dans le même bateau, dès lors que les personnes sont dans le même pays.

C'est injuste, mais ça me fait penser aux équipes sportives auxquelles les gens s'identifient: lorsque notre équipe nationale perd, on se sent comme des perdants, et lorsqu'ils gagnent, on se sent aussi comme des gagnants. Pourtant, ce ne sont pas nous qui gagnons ou perdons les parties.

Ainsi, je peux être un Américain et me sentir fier d'avoir gagné la Deuxième Guerre mondiale, même si je suis né en 1990. Je suis fier de quelque chose que je n'ai jamais fait, à laquelle je n'ai non plus jamais participé, même de loin. Et j'en suis fier comme si c'était la mienne, ma victoire.

Les défaites, par contre, on ne veut pas s'y identifier, mais les étrangers, eux, n'ont aucun problème à nous y identifier.

L'identification à un pays nous donne donc un grand avantage au niveau collectif (sentiment de fierté, sentiment d'unité, etc.) mais parfois aussi, de grands désavantages quand ça va mal.

Bien entendu, nous ne sommes pas responsables des victoires ou des défaites de nos équipes sportives nationales. Qui plus est, nos équipes nationales ne sont plus des équipes «nationales»: les joueurs sont eux-mêmes des entreprises multinationales sans appartenance particulière: ils vont où on les demande, et où c'est le plus payant.

Mais peut-on éviter de faire partie d'un pays? Je ne sais pas.

La plus petite unité collective est le clan. Est-ce que les clans pourraient ne jamais s'être formés? Si la réponse est «non», alors nous ne pouvons pas empêcher les pays non plus de se former.

Ce que j'ai remarqué, par contre, c'est que les petits pays semblent relativement plus heureux. Plus les pays sont grands, plus les gens se sentent aliénés, ils sentent qu'on ne les écoute pas, etc.

Dans un monde idéal, il faudrait morceler les grands pays en pays de la taille des pays scandinaves.

Moi je trouve toujours curieux que sur le territoire d'une ville il y ait toujours autant d'arrondissements. Le phénomène des arrondissements me fascine. Je ne crois pas que l'on puisse trouver dans le monde aucune ville sans arrondissements. Pourquoi cela?

L'avantage d'une entité commune sous laquelle tout le monde est groupé est que cela entraîne la paix des différents États ou provinces qui composent l'entité. L'unité nous permet aussi d'accomplir de plus grandes choses, mais en avons-nous vraiment besoin passé un certain seuil? Par exemple, que peut-on accomplir de moins avec un pays divisé en deux, trois, dix? Et avons-nous vraiment besoin de ces choses au prix d'un plus grand sentiment de responsabilité, d'appartenance, de fierté, de bonheur?

Le désavantage est donc que cela entraîne parfois, entre autres, un fort sentiment d'aliénation.

Si les gens veulent s'autodéterminer sur un territoire, cela devrait être rendu possible.

Malheureusement, la violence étatique sert à réprimer la possible violence entre les entités plus petites nouvellement créées, si cela était possible.

Sommes-nous capables de devenir plus petits sans nous entre-tuer?

La grandeur des pays aliénants était peut-être la mesure de notre violence intérieure dans le passé, mais est-ce encore le cas aujourd'hui?

La petitesse d'un pays donne beaucoup d'avantages: plus de responsabilité, de fierté, d'appartenance, de contrôle, en un mot: plus de bonheur.

Nous voyons la voie à suivre, mais les gens doivent développer en eux ce qu'il faut pour pouvoir la suivre. C'est une voie très exigeante, et qui a très peu de chances de réussir.

C'est pourquoi le monde prendra très probablement un autre cours, et que nous sommes loin d'en avoir fini avec la violence, intérieure comme extérieure.

Nous avons un grand besoin de réfléchir et de méditer.

Nous devons laisser de côté, pour un moment, la pensée en terme de but, la pensée téléologique, pour travailler plutôt la pensée contemplative.

Nous avons plus que jamais besoin de la philosophie. Et son ennemi dans ce combat pour un meilleur monde, n'est pas la religion, mais le manque de réflexion, le manque de capacité critique, la précarité et l'ignorance.

Les grandes entités ne sont plus efficaces, et ne sont surtout pas capables de nous éviter ces maux.

Comme dirait l'économiste Ernst Schumacher:


«Small is beautiful.»



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