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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 11 novembre 2010

25. Un si fragile vernis d'humanité

Un bon livre que j'ai découvert hier. Plus particulièrement, c'est le sous-titre qui m'a frappé: «Banalité du mal (oui, on connaît avec Arendt), mais banalité du bien (?)».

Bref, l'auteur dit que notre conception de l'altruisme pose problème. Pourquoi? Parce la conception que nous en avons a été presque uniquement défini par la religion et que celui-ci est placé d'emblée dans une optique de «sacrifice». La conception sacrificielle de l'altruisme serait, selon Michel Terestchenko «si absolue, si hyperbolique, qu'elle conduit à le placer dans une sphère de sainteté inaccessible au plus grand nombre.»

Le «paradigme altruiste» aurait été construit à partir du «paradigme égoïste » dominant notre vision des hommes depuis plus de trois siècles: «la pensée occidentale s'est construite sur l'idée que les hommes, laissés à leurs tendances naturelles, ne visent à rien d'autre qu'à satisfaire aussi rationnellement que possible leurs propres intérêts, à fuir, autant qu'il est en eux, la peine, n'étant soucieux du bien d'autrui que dans la mesure où ils en retirent quelque avantage ou utilité.»

On voit bien en quoi cette conception pose problème et nous rend complètement schizophréniques en ce sens que la conduite altruiste ne devient dans ce cas qu'une exception extraordinaire, alors que nous sommes pourtant témoins ou acteurs de conduites réellement altruistes dans la vie de tous les jours... Ce pourquoi nous trouvons l'expression dans le sous-titre de «banalité du bien».

Au paradigme de l'égoïsme et du don sacrificiel de soi, l'auteur cherche à substituer le paradigme de l'absence à soi et de la présence à soi. «Absence à soi d'une individualité défaillante, inconsistante, prête à succomber à toutes les formes de domination, d'asservissement et de passivité, mais non pas dénuée de tout «sens moral»; présence à soi, au contraire, d'un être doté d'une puissante ossature intellectuelle, spirituelle, morale, comme on voudra, d'un «équilibre intérieur» qui le rend capable de résister à l'oppression, à l'injustice, aux aliénations de l'idéologie dominante, capable de voir l'inacceptable, de discerner le mal comme tel et d'agir en conséquence.»

Ce nouveau paradigme permettrait selon Terestchenko d'expliquer «comment les sentiments de bienveillance et de compassion, des sentiments que la plupart des hommes éprouvent effectivement, sont si peu capables, en certaines circonstances, d'opposer une résistance à des conduites humaines de destructivité - qui, loin d'être le fait de psychopathes, sont le plus souvent le fait d'hommes ordinaires, nullement démunis d'un appareillage éthique susceptible de leur faire comprendre la nature criminelle de leurs actes.»

Nous ne sommes pas obligés ici de penser aux «bourreaux d'Auschwitz», mais plus près de nous, on pourrait penser aux technocrates, «hommes ordinaires» et simples instruments au service de corporations sans visage qui veulent tout réduire à des rapports d'argent, etc. Voyez-vous, le mal, il est là aussi, il n'est pas simplement «derrière» nous. La boucherie continue en quelque sorte, comme toujours, mais d'une autre façon...

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