Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 6 février 2010

La mort : un événement non-naturel

J'étais dans le bus entouré de personnes d'un «certain âge» et je pensais au ratatinement, à l'inutilité des rides, et j'observais plus particulièrement et dans le détail les rides entourant la bouche d'une madame qui regardait sénilement vers l'avant du bus, me laissant tout le loisir de la regarder, elle. Je trouvais ça laid et inutile et obscène, et je me disais que je m'en allais , mais je n'arrivais pas à y croire en même temps. Je me demandais ce qu'il pouvait y avoir de plaisant à embrasser une bouche ornée de sillons creusés au soc du temps (attention, métaphore!). Je n'arrivais pas à croire que nous servons probablement à quelque chose (mais quoi ultimement?), et qu'après avoir servi pendant un certain temps, on fanait, on pourrissait, et on devenait de trop, une simple relique de nous-même, un vestige vivant carcassier de la force que nous incarnions. Ce n'est pas la vie ça, ça ne peut pas être la vie, en tout cas, pas telle que je la conçois en moi. En moi, je nous vois comme des dieux, comme éternels, comme beaux et heureux pour l'éternité, et surtout, libres de nous déplacer partout dans l'espace, partout dans l'univers. Je nous vois comme des dieux pour qui rien n'est impossible. À part mes petits soucis d'argent, je ne vois pas pourquoi je voudrais que ma vie s'arrête un jour : je ne vois aucune raison positive pour renoncer à la vie éternelle, et je ne crois pas qu'il soit possible à personne d'en avoir jamais, par exemple, le bonhomme arrivé à 89 ans et qui s'installe dans son fauteuil et qui dirait : «Ah oui, j'en ai fait assez là, il est temps que je parte... Allez, au revoir», et accepte de mourir gentiment dans son lit le soir venu, comme dans les films mélodramatiques. Non, non, non et non : je persiste à croire que cette fameuse étape de «vieillesse et mort» est arrangée, programmée et qu'elle ne devrait pas avoir lieu. Cette étape ne correspond pas à ce qui se passe dans nos têtes, et nous ne le savons pas pour l'instant, mais alors que nous acceptons de mourir comme des idiots parce que c'est un événement «naturel», il y a peut-être d'autres êtres vivants dans l'univers qui n'ont jamais connu la mort et ne savent pas c'est quoi : ils se pourraient donc ainsi qu'ils ne puissent pas nous comprendre nous ni notre monde, et qu'ils soient tout naturellement et normalement, ce que nous appelons des «dieux». Lorsqu'il leur arrive de nous observer en vaisseau spatial, ils doivent se dire entre eux : «Maudit qu'ils perdent leur temps ceux-là! Et vite en plus!»

C'est la première pensée qui m'est venue ce matin dans le bus.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire