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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 16 février 2010

Début du «Journal du Rien»

Une journée où je n'ai rien à faire, où je suis écoeuré de tout, et où je me sens complètement inutile. C'est durant ces journées-là qu'on va à la banque. Alors, je suis allé à la banque. Activer ma carte de crédit. Tout en savant pertinemment que ça ne sert à rien, puisqu'elle est déjà surchargée. Ceux qui me courent après pour avoir leur dû devront attendre un peu, le temps que je reprenne mon souffle et que je me refinance. Tant qu'à dépenser un ticket de bus, j'ai décidé de descendre jusque sur Mont-Royal pour faire un peu le tour des bouquineries, j'avais d'ailleurs vu hier un livre de Leopardi et je l'aurais peut-être acheté; je prévoyais prendre moins de deux heures, le temps limite pour les correspondances, et revenir chez moi avec le même ticket . En montant l'escalier du métro, je pense, je tourne en rond comme une mouche dans un bocal. À ma sortie de la station, je remarque le ciel morose : j'aime ça. À l'image de ce que je ressens en moi. Je lève ma tête et je regarde au midi en sondant le ciel, ce sont les limites de mon champ visuel, me dis-je, je baigne dans l'infini et non un jeu vidéo, mais je suis pris dans un monde régional; nous sommes ouverts sur le monde avec l'Internet, mais nous continuons de nous parler entre nous, dans notre petit monde, parce que nous nous comprenons, parce que nous comprenons la même langue. Partout des obstacles se dressent à l'unification des gens, de l'humanité. Où allons-nous? En effet, les différentes langues constituent quand même une barrière assez importante à la compréhension mutuelle. En marchant, une pensée me vient alors que j'observe les gens et remarque qu'ils marchent en tout sens, j'écris déjà la pensée dans ma tête : Je marche toujours en tout sens, alors que c'est seulement quand je ne vais nulle part que je trouve, vraiment? Je me sens libre et mon pas est lent, j'observe comme un témoin impartial, mais pas pour longtemps. À un certain moment, j'ai remarqué que je marchais plus vite, comme pressé, je marche plus vite, me dis-je, pourquoi? Qu'est-ce qui venait perturber mon calme méditatif? C'est que j'avais un «but» depuis quelques secondes, je me dirige quelque part, me dis-je, mais où? Il n'y avait nulle part où aller ni rien de pressant, alors j'ai ralenti le pas. J'ai décidé d'aller acheter un calepin et un stylo pour noter mes pensées, avec l'intention de faire un stop au café et écrire un peu, en sirotant un espresso double, comme à l'habitude. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à avoir des problèmes. Premièrement, je ne trouvais pas le calepin que je voulais, puis, j'ai foutu là mon second choix et le stylo et suis parti sans rien acheter. J'ai pensé, mais je dois quand même noter mes pensées, à ma sortie du magasin. J'ai été plus bas, et là j'ai trouvé à force de fouiller un calepin pas cher et à mon goût, c'est-à-dire : simplicité et efficacité. À ma sortie du magasin, il était trop tard : l'inspiration avait disparu. J'ai pris trop de temps à chercher, me dis-je, et je le savais alors que je cherchais. J'ai donc immédiatement griffonné quelques mots sans importance, question de ne pas avoir fait tout cela pour rien, et je me suis planté là, au café, la tête vide, me faisant penser à l'image de Bouddha du vieux héron qui dépérissait près d'un lac sans poissons...

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