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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

vendredi 27 novembre 2009

Elles me fixent dans les quenoeuils

Depuis un certain temps, j'ai remarqué que les filles me regardent drette dans les yeux. C'est pas régulier. Y a des journées où ça arrive continûment, et d'autres, presque pas ou pas du tout. Il faut dire que je regarde rarement mon entourage et que je suis la plupart du temps en train de lire un bon livre de philo, et surtout, de souligner. J'adore souligner. C'est essentiel, sinon, je lis pratiquement pour rien. Les notions importantes, les passages importants, les belles phrases, les jeux de mots, les critiques cinglantes, les mots rarissimes, je dois les souligner. Sinon, j'ai l'impression de perdre mon temps; si je veux les retrouver, il va falloir que je fouille et fouille et fouille, je déteste ça. Un livre ce n'est pas pour moi une décoration, je ne suis pas bibliophile; mes livres je les ouvre, je les travaille, je les ressens, ce sont des chantiers pour moi, des chantiers où j'apprends à développer mes propres idées, ma propre vision des choses. Un livre c'est un moyen, pas une fin.

En tout cas, pour en revenir aux quenoeillades, je les vois de côté, et je feins de ne pas les voir, j'ai droit à un regard soutenu d'une belle femme, qui a de l'allure, et qui normalement devrait m'ignorer. Ça me fait me questionner. Je me demande toujours en premier si c'est parce que je fais particulièrement dur. Eh oui, y a des moments où je me trouve beau avec un certain charme, et d'autres, où je trouve que je n'ai jamais fait aussi dur. L'estime de soi varie selon la forme physique, les journées et l'aisance du cerveau à faire des pirouettes dialectiques. Il m'arrive souvent de penser qu'elles sont folles de faire ça. Mais c'est sans conséquence et c'est gratuit. Les femmes aiment ce genre de choses. Elle débarque à son arrêt ou moi au mien, et c'est terminé : on ne se reverra jamais plus. Je dis que je les trouve folles de faire ça, eh bien oui, parce que je ne suis pas à la hauteur de l'image que je pourrais projeter, je déçois facilement. Je me dis aussi souvent qu'elles me confondent avec quelqu'un d'autre ou qu'elles trouvent que j'ai un air de célébrité. On m'a déjà dit que je ressemblais à Lecavalier, Kevin, Huard, mais celui qui revient le plus souvent c'est Sylvester : celui-là, je ne m'en débarrasserai jamais. Ça revient tout le temps. Ça me console quand même un peu de savoir qu'il a déjà été acteur porno. Il y aurait pu en avoir un autre, le top celui-là, la ressemblance parfaite, tellement que j'aurais pu être son sosie, mais quand j'avais 25 ans. C'est Ryan Gosling du film The Notebook que j'ai écouté par curiosité après que mes parents m'aient dit que la ressemblance était frappante. J'étais aussi stupéfait, mais en même temps, je n'en avais rien à foutre. C'était bizarre, parce que j'avais l'impression que son histoire aurait pu être la mienne, il avait le même caractère que moi. Son visage a évolué différemment par la suite.

C'est toujours flatteur ces choses-là, mais c'est plus pour moi des curiosités. Des curiosités de voir à quel point des fois on peut ressembler à quelqu'un sur qui le monde se jette, et n'être qu'un obscur inconnu qui lit des livres de philo, ne sort pas, n'écoute pas de films et déteste les foules. Un manager m'a arrêté sur Mont-Royal pour me demander comment ça allait, je lui ai demandé si on se connaissait, mais il insistait, il n'y croyait pas que je n'étais celui que je sais pour qui il me prend, j'imagine que c'était Huard, pas trop flatteur. Quand c'était Roy Dupuis qui était partout, on trouvait que j'avais un air de lui. C'est à n'y rien comprendre. Je ne m'en fais pas avec ces choses-là, les gens sont fous. De toute façon, qu'est-ce que ça change. Je vois bien que le visage n'est qu'un masque, et que ce qui se cache derrière, c'est une autre histoire. Je suis une contradiction. Je suis une sorte de nerd un peu ridicule dans un corps de beef. On ne m'a jamais pris au sérieux à cause de ça. Ni comme travailleur manuel ni comme intellectuel. Après tout, c'est peut-être mieux de cette façon. On verra dans dix ou vingt ans.

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