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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 26 avril 2016

Hall & Oates, un mord-jarret, un pinson et Hegel: trouvez l'erreur


Hier dans l'après-midi, j'essayais de terminer sur mon balcon la Préface à la «Phénoménologie de l'esprit» de Hegel, texte difficile qui demande beaucoup de concentration, lorsque la voisine d'en face (dont j'ignorais l'existence) mit ce morceau de Hall and Oates (à tue-tête la porte patio grande ouverte), que je reconnus immédiatement pour l'avoir entendu des milliers de fois, mais que je n'arrivais pas à associer au groupe.

Il va sans dire que ce morceau populaire m'énervait profondément, et que je ne pouvais plus me concentrer pour lire.

De plus, son mord-jarret (lui non plus, je ne connaissais pas son existence) se mettait à japper, comme excité par la musique, après chaque passage d'un autre chien, même s'il était l'autre bord de la rue! Et la voisine lui criait alors d'arrêter à chaque fois (le comble de l'exaspération). Comme si ce n'était pas assez, j'entendis des cris de ce que je crois être un pinson... Oui, il semblait bien y avoir des cris d'oiseau qui venait de cet appartement, et ils étaient assez forts, et venaient s'ajouter à la musique...

Alors imaginez le tout: un gars sérieux essaie de lire un texte sérieux et difficile de l'idéalisme allemand du 19esiècle sur son balcon, et en face, une voisine s'excite les portes ouvertes avec son Hall and Oates, son pinson et son mord-jarret, et quand la toune finit, elle la remet!

J'étais en train de devenir fou, alors je suis rentré. Ne pouvant pas retracer l'origine de ce morceau, j'ai chanté l'air à ma femme, mais n'ayant pas l'oreille musicale, elle ne reconnaît jamais rien de ce que je lui chante, et j'ai toujours juste l'air d'un idiot qui chante mal devant elle. Finalement, j'ai réussi à retracer les auteurs de ce méfait populaire, le seul problème, c'est que je n'arrive plus à me le sortir de la tête depuis ce temps, et que je me suis levé avec ce morceau, et ça continue!

C'est pourquoi je publie aujourd'hui ce message de détresse!

Ce qui me décourage profondément de l'existence, c'est ce choc culturel entre les «gens ordinaires» et moi, cette facilité aussi qu'ont ces gens de me déranger de mon assiette toujours durablement, décisivement, de me perturber mentalement, et d'une façon si insouciante que ces derniers ne se rendent même pas compte qu'ils me jettent en enfer pour des jours entiers, alors que leur trip populaire est déjà fini depuis longtemps...

Ils ont déjà passé à autre chose, alors que moi je suis comme marqué au fer rouge...

C'est le prix à payer pour avoir une nature nerveuse pour laquelle chaque petite chose, chaque petit détail de la vie quotidienne prend des proportions apocalyptiques. En contrepartie, cette nature nerveuse me permet souvent de percevoir des aspects cachés du monde, des menus détails qui échappent aux doigts grossiers du peuple, pragmatique, pratique, insouciant comme du bétail qui broute et qui pète dans le pré.

5 commentaires:

  1. Très drôle! Ces vers d'oreille sont dangereux parce qu'on peut avoir l'impression qu'ils résonnent en nous comme un mantra avec la promesse de libérer quelque chose qui, par ailleurs, ne vient pas...

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  2. Hall & Oates était le groupe le plus populaire du début des années '80. On ne pourra plus jamais s'enlever ça de la tête: I can't go for that, She's a man-eater, Method of Modern Love...

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  3. Une vraie contamination toxique mentale... J'ai encore tous leurs morceaux dans la tête... et ça tourne, ça tourne, je va devenir fou cawliss...

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  4. Gaétan: j'ai découvert un autre blog qui porte le même nom que le mien, c'est une jeune femme de 22 ans qui raconte ses mésaventures, c'est vraiment bon et drôle. J'ai mis le lien en bas dans ma blogoliste (Mon journal sans fin), va voir ça. Y en a une qui est vraiment drôle, c'est celle où elle pète un fusible dans l'autobus sur une ex de son chum (c'est la première histoire du blog, celle du 24/11/14). Je l'ai découvert en premier sur Facebook, voici le lien: https://www.facebook.com/DreameuzS/

    Les histoires sur Facebook et son blogue n'ont pas l'air de se recouper, et sont très bonnes. Y a moyen de faire un petit roman avec ça ici au Québec, on dirait que c'est d'ailleurs écrit par une Québécoise, mais elle semble complètement ailleurs dans le monde, je sais pas où exactement. Je lui ai dit de ne pas arrêter d'écrire, car c'est trop souvent ce qui arrive malheureusement avec ceux qui ont du talent. Mais je ne sais pas si le message s'est rendu, et il très possible que tout cela disparaisse un beau jour. J'ai craqué pour son style. Elle me fait penser à Patti O'Green (en bas dans ma liste), mais en plus candide, en plus bad, en plus jeune et fougueuse.

    J'aime cette fraîcheur sauvage, avec ses épines (drôles).

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  5. Merci pour le lien. Je vais voir illico.

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