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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 mars 2021

Est-il possible de vivre sans État?

Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la politique, pour la simple et bonne raison que je trouvais cela ennuyant, mais vraiment ennuyant.

Le souvenir marquant que j'en ai de ma jeunesse, c'est des hommes gris, en habits gris, dans des nuages de fumée grise et triste, prêts à se battre, enragés, mais qui pourtant ne se battent pas, des hommes qui essaient de convaincre, qui argumentent, qui répliquent, se défendent, accusent, demandent, attendent qu'on leur donne je ne sais quoi, la souveraineté?

Cette «attitude», cette stance ou cet état d'être de mendicité, de disposition de corps mais surtout d'esprit, ne m'intéressait pas, me causait même un mal-être intérieur me prédisposant à la haine. Haine que je sentais d'ailleurs utile à ces politiciens emmerdeurs. Oui, en ce sens, j'ai toujours cordialement détesté la politique.

Qu'on ne vienne pas me dire que je ne m'intéresse pas à la chose publique ou au bien public, au contraire. Mais je ne m'y intéresserai pas à la façon de ces connards-là.

Si au Québec on veut avoir la souveraineté, va falloir arrêter de demander et aller la chercher nous-mêmes, autrement dit la prendre

Oui, la souveraineté veut se faire prendre, par nous, les Québécois, et non enlever par eux, les Canadiens. Je parle ici aux vrais hommes et aux vraies femmes honnêtes, et non aux partisans filous des demi-mesures.

Pour ma part, je ne sais pas encore si c'est la bonne chose à faire au final, mais je suis ouvert à cette expérience nouvelle. Je dis qu'un peuple doit se tenir debout, de toute sa grandeur, car nous sommes un grand peuple, nous, les Québécois, et nous rayonnons de par le monde par notre excellence.

Voilà pour le discours édifiant, positif et radieux.

Cela dit, on ne se débarrasse pas d'un État en faisant la souveraineté.

Il faudrait peut-être rappeler ici l'appétit d'ogre de cette entité qu'on appelle «État».

Ce qu'on considère aujourd'hui comme «allant de soi», n'existait pas auparavant.

Le simple bon sens suggère qu'un peuple sans État est impossible. Comme le simple bon sens suggérait avant les frères Wright, qu'un avion étant plus lourd que l'air, ne pourrait jamais voler.

Selon Zweig, dans son livre «Le Monde d'hier», les passeports sont des nouveautés d'après la Première Guerre mondiale. Les impôts aussi n'ont pas toujours existé.

Si on porte attention à ce fait, on se rend compte qu'à chaque nouveau conflit dans l'histoire, on s'enfonce toujours plus dans l'appareil étatique et la dépendance envers lui.

En Chine même, il n'y avait pas de police. Si on voulait déplacer ses marchandises précieuses, on employait des hommes versés dans les arts martiaux. Aujourd'hui, on court-circuite tout cela: on ne montre pas aux citoyens comment se défendre, on donne un pistolet à un homme en uniforme, et on s'en remet à lui pour notre sécurité. Nous devenons donc ainsi tous dépendants envers les services policiers, et indirectement par ce moyen, envers l'État. À chacun sa spécialité, toujours aliénante de la «spécialité» des autres. C'est peut-être là un restant de platonisme.

Ce n'est qu'un exemple des dépendances factices que nous développons. 

L'État est-il vraiment une nécessité, ou un mauvais pli que nous avons pris collectivement?

Il n'y a qu'à regarder ce qui s'est passé en Russie lors de la révolution russe pour comprendre que c'est de cette façon, précisément, que des bandits qui se font passer pour des apôtres du bien collectif et de la liberté prennent le contrôle des forces armées, de la police, de la population et du pouvoir, au nom d'une idée qui était à la base légitime, émancipante et juste, mais qui n'avait désormais plus cours, et dont on enfermait les véritables représentants, les «anarchistes», en prison, pour ensuite les exterminer. C'est de cette étoffe que sont faits les Lénine et les Staline de ce monde, et les politiciens en général, toujours occupés à diaboliser les véritables héritiers.

Ils gueulent haut et fort ce que tout le monde veut entendre, et puis, une fois rendus au pouvoir, on doit attendre que cette idée se réalise, et ça n'arrive jamais. On réalise alors qu'on s'est fait avoir sur toute la ligne, mais il est trop tard: tous les pouvoirs sont entre les mains de ces hypocrites usurpateurs de la liberté, et notre situation est encore pire qu'auparavant, puisque nous sommes maintenant les prisonniers d'un capitalisme d'État, de surcroît totalitaire. C'est cette erreur qu'on ne doit pas essayer de reproduire ici ou ailleurs.

Le «marxisme» a tellement marqué les esprits au fer rouge, qu'il est impossible aujourd'hui de vouloir un retour à une politique même vaguement inspirée de Marx. Pourtant, je suis persuadé que plusieurs des idées de Marx pourraient être exploitables. Cependant, je n'irai pas plus loin dans cette direction, car c'est un penseur que je connais encore peu.

Ce qui me saute au visage aujourd'hui, avec une évidence fulgurante, c'est que les valeurs de notre monde actuel sont croulantes, mortes depuis longtemps. Oui, nous avons affaire à des arbres qui se tiennent encore debout, mais qui sont creux à l'intérieur, et qui n'attendent qu'une petite poussée collective pour s'effondrer. Les valeurs dans lesquels nous sommes encore engagés collectivement, sont obsolètes depuis plusieurs décennies. En fait, ces valeurs sont tellement inopérantes, qu'elles sont devenues hyperréelles, puisque tout le monde continue d'agir en conformité avec elles, alors que chaque personne prise individuellement n'y croit plus vraiment. Ce sont des valeurs en trompe-l'œil, comme un faux hibou sur un toit, destiné à imposer le respect aux naïfs oiseaux.

En fait, le monde dans lequel nous évoluons progresse tellement rapidement, que oui, nous sommes en retard sur nous-mêmes. Je ne dis pas qu'il faut balancer la technologie par-dessus bord, au contraire, mais il ne faut pas qu'elle serve à tuer notre liberté. Je crois que mettre des caméras partout ainsi que des systèmes de surveillance, qu'ils soient informatiques ou autres, est une voie fausse, une voie vers un possible grand enfermement d'où aucun cri revendicateur d'une liberté désormais disparue, ne pourrait sortir, jamais.

Mais tous ces tournants vers plus de technologie aliénante, plus de surveillance, plus de «sécurité», sont-ils vraiment nécessaires? Quand l'idée vient des politiciens, ça ressemble beaucoup à un racket de protection. Les comploteurs provoquent des attaques, dans le style du 9/11, et ensuite arrivent pour nous proposer des solutions mondiales onéreuses, et franchement, inutiles et stupides, et accusent ironiquement de «partisans de la théorie du complot» les citoyens qui sentent à bon droit anguille sous roche. Nous n'avons pas le choix alors d'acquiescer docilement aux mesures de sécurité, et nous sommes tous collectivement désarmés devant un tel cynisme. Tout cela pour la majorité semble d'ailleurs provenir du meilleur bon sens. Penser autrement serait considéré comme criminel et irresponsable.

Oui mes amis, ça fait tellement longtemps qu'on nous joue dans la tête, qu'on nous brasse le yogourt entre les deux oreilles, qu'on ne s'en souvient même plus, et pire encore, qu'on trouve ça bon et normal.

Oui, l'heure est à la philosophie, à la pensée critique concrète. L'heure est à la remise en question de toutes les évidences, de toutes les certitudes, de toutes les bouées de sauvetage auxquelles nous nous sommes accrochés, et qu'avec le temps, nous avons mises autour de notre cou, et dont nous avons impérativement besoin de nous débarrasser si nous voulons continuer à avancer.

Je dis qu'il est possible de vivre sans État, mais que pour cela, nous devons d'abord changer notre état mental.

La question est complexe et je devrai y revenir éventuellement dans d'autres articles.

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