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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 9 avril 2011

Bon ou méchant?

Bon ou méchant?

Je sais pas..

Je me perçois comme une «bonne personne».. En fait, je me suis toujours plus ou moins perçu comme une bonne personne.. Plus souvent victime des méchants que méchant moi-même..

Mais bon, quand je jette un coup d'œil sur le passé, je me rends compte que, selon le point de vue, on peut me percevoir autant comme une très bonne personne que comme quelqu'un de très méchant..

Il m'arrive souvent de me taper sur la tête lorsque je n'ai rien d'autre à faire sur mon chemin du retour dans le métro bondé de monde et que je me perçoive comme le méchant dans les films que je déteste tant.. Je me dis alors, c'est MOI le méchant.. celui que je ne croyais jamais être et que je combats de toutes mes forces, et pourtant..

Ben oui, j'ai du regret.. Je suis conscient que les erreurs passées sont irréparables.. même si ce n'était que dans ma conscience à moi.. Mais comment être parfait et ne jamais faire de mal à personne? Je pense ici, entre autres, à une femme bien en chair que j'ai fourré un soir, qui est tombée amoureuse de moi, et que j'ai sacrée là une semaine plus tard en lui faisant beaucoup de peine parce que j'avais déjà une autre blonde..

Ainsi, nous commettons probablement tous des actes à un moment ou à un autre dans notre vie qui vont revenir nous hanter plus tard.. Qui vont venir porter un nouvel éclairage sur la situation et qui feront changer notre interprétation de celle-ci et de nous-mêmes, autrement dit, de la façon dont nous nous percevons et percevons les autres à partir d'un contexte plus grand, plus riche, plus profond.. Nous pouvons être alors à la fois un «héros» pour certaines personnes (je sauve souvent des animaux, entre autres), et un «écoeurant» pour d'autres..

Une personne qui perçoit les animaux comme des «machines à obéir» n'aura pas la même empathie qu'une autre personne qui ressent ces mêmes animaux et les perçoit comme des êtres intelligents et sensibles.. C'est la même chose pour un parent qui perçoit ses enfants comme des «machines à réussir».. Le parent se perçoit lui-même comme une «bonne personne» qui veut le bien de ses enfants, mais ses enfants et les autres familles le perçoive comme une personne autoritaire, brimante et «méchante»..

L'attitude méchante d'une personne qui maltraite les animaux vient possiblement de la «perception» qu'il a d'eux..

En ce sens, la vision de Descartes des animaux comme étant des «machines» n'aide sûrement pas non plus, puisqu'elle offre un large contexte d'interprétation.. Autrement dit, vu l'influence ultérieure de la pensée de Descartes, elle nous fait voir le monde avec des «lunettes cartésiennes» sans même que nous le sachions..

Il est facile alors, lorsqu'on part de ce genre de point de vue, de mépriser un paquet de choses: êtres humains, animaux, environnement, etc.

On pourrait dire que les films pornos offrent une mauvaise vision de la femme ou de l'homme et qu'ils fabriquent ainsi de futures victimes potentielles de ce comportement qu'on pourrait qualifier de «réification d'autrui et de sa sexualité».. Les personnages de ces films ne sont pas des «sujets», et c'est ce qui pose problème.. Déjà, précisément à cause de ça, les «films érotiques» passent mieux.. Ils passent la cote de l'«honorabilité»..

Cependant, les personnes qui jouent dans ces films ne sont pas «victimes» de leur comportement, puisqu'elles exercent un métier et sont consentantes.. Les femmes ou les hommes ne sont pas véritablement réifiés dans les films qu'ils font, ils jouent à n'être que des choses..

Le problème d'interprétation ne repose alors que sur les épaules de ceux qui visionnent ces films.. Puisque pour les acteurs, il est clair qu'ils ne sont pas pour eux-mêmes et entre eux des «choses»..

Le film porno a un problème de «statut» dans la tête des gens.. Est-ce que c'est «vrai»? Est-ce que c'est «faux»? Dans un film d'horreur, on ne se demande jamais si on y commet de «vrais» meurtres.. Et même si on sait que tout y est «faux», on est effrayé quand même.. On joue comme un «jeu» avec le film.. On s'en fait accroire pour un moment, et on le sait.. On «embarque» dans le film comme on dit..

Dans les films, on s'identifie avec les «bons».. Or le statut des personnages dans les films pornos est «ambivalent».. Un des personnages dans le film est-il «bon» ou «méchant»? On ne sait pas.. C'est un peu comme pour la télé-réalité: est-ce que les personnes qui y participent sont actuellement en train de jouer un rôle ou se montrent-ils tels qu'ils sont dans la réalité? De plus, ces participants viennent souvent à jouer des personnages malgré eux.. Ils se retrouvent «enfermés» dans la perception que les autres ont d'eux, et sont forcés, en quelque sorte, de continuer à jouer le personnage dans la réalité qu'on leur a attribué à la télé.. Un simple mouvement de sourcil en marchant sur la rue peut alors être perçu comme hautain ou «méchant»..

Il est arrivé à tout le monde d'avoir fait l'amour à un moment donné de façon plus hardcore disons, surtout dans le feu de l'action.. Cela fait-il de nous des «êtres méchants» parce qu'on a fait bang, bang, bang et que le sexe de l'autre est devenu pour un moment comme un «trou» sans «sujet»?

Ainsi, je crois que la réification est inévitable, dès lors que l'on se concentre sur un «point» et que l'on fait abstraction de l'ensemble ou du contexte..

Mais une «réification d'ensemble» n'est pas impossible si l'on considère un groupe d'éléments comme formant une «unité».. Par exemple: les Juifs pour les nazis, n'étaient que de la «vermine», et rien d'autre.. Les nazis se percevaient comme les «sauveurs de la race» ou de l'humanité, autrement dit, comme de «bonnes personnes», mais nombre d'autres peuples les percevaient comme des êtres extrêmement «méchants».. Cependant, une réification d'ensemble est impossible si l'on n'a pas au préalable réifié les individus eux-mêmes.. Un nazi ne pouvait pas dire par exemple: «Ah non, ce Juif-là, il est pas comme les autres..» La question pourrait-être alors: «Il y en a combien des Juifs comme celui-là?», faisant ainsi, par le doute, automatiquement tomber la «réification d'ensemble»..

À l'inverse, ce n'est pas parce qu'une personne du groupe est «bonne» que tous sont «bons».. Ainsi, on fait souvent l'erreur de prendre quelques cas d'un groupe et de les appliquer au reste des individus qui le composent, ou inversement, de prendre même un seul cas et de l'appliquer au groupe entier.. Ce sont des erreurs de classement, de raisonnement, et je ne serais pas surpris que bon nombre de nos problèmes ne proviennent que de là.. C'est à ça que les écoles devraient servir avant tout: à apprendre très tôt à raisonner par soi-même et bien..

Bon, pour finir, parce que je jase trop là et que je n'ai pas juste ça à faire dans la vie:

- Est-il possible de qualifier une personne d'«entièrement bonne» ou d'«entièrement méchante»?

Je pourrais penser ici aux jeunes des gangs de rues: comment perçoivent-ils la société? le monde? Sont-ils justifiés d'agir comme ils le font s'ils perçoivent les gens qui constituent la société comme des «ennemis»? des «méchants»? comme des gens qui s'opposent en quelque sorte à leurs projets du fait même qu'ils participent au «système» (injuste?) et le maintiennent? Ainsi, ces jeunes ne feraient-ils au fond que répondre par leur «injustice» même à une autre «injustice»?

Ces jeunes sont-ils méchants en soi ou leur méchanceté affichée ne dépend-elle pas de leur vision du monde? de leur perception et de leur compréhension des gens et des choses?

La façon dont nous agissons tous, après tout, ne dépend-elle pas de la vision que nous avons des autres, du monde et de nous-mêmes?

Mieux encore, la vision ou l'interprétation de notre action ou de notre comportement même ne dépend-elle pas elle aussi directement et primordialement de cette vision extérieure?

Ainsi, ne sommes-nous pas justifiés d'agir en «salaud» avec un «salaud»? et inversement, de «bien» agir avec une «bonne personne»?

Le problème avec tout cela, c'est que je peux me tromper sur «qui est qui» et ainsi devenir, malgré moi, «méchant» moi-même avec des personnes qui vont en souffrir ou «bon» avec des personnes qui ne mériteraient même pas un moment de sollicitude..

C'est pourquoi d'autres problèmes se posent avant ceux de la «justice» comme telle qui n'est bien souvent qu'un mot vide...

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